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Théâtre

Les amours de Simone de Beauvoir ou raconter la femme à travers les femmes : un exercice périlleux…

"Pour l'amour de Simone", Le Lucernaire, Paris

Simone de Beauvoir est une des plus grandes figures féminines françaises. On la connaît essentiellement en tant que romancière et philosophe. C'est également une femme qui a beaucoup milité pour ce en quoi elle croyait. Féministe, elle défend la liberté et les droits de la femme. Elle partage sa vie avec le réputé philosophe et écrivain qu'est Jean-Paul Sartre.



© Michel Slomka.
© Michel Slomka.
Tous deux ont un accord : leur amour est nécessaire mais ils doivent également vivre des amours contingentes. Ils se raconteront tout de ces liaisons parallèles. C'est "le pacte de poly-fidélité".

Anne-Marie Philipe propose de raconter ces liaisons à travers les correspondances de cet incroyable personnage. Sur la scène se trouve un secrétaire, pièce symbolique puisque l'on assiste aux échanges épistolaires de Simone de Beauvoir avec ses amants. Le tapis est un assemblage de pièces de divers motifs qui forment un ensemble cohérent et soudé. Quatre fauteuils, des verres, une bouteille de whisky. Le décor confère une atmosphère intimiste à la salle. Le public devient le confident de ces histoires d'amour.

Il est intéressant de mettre en scène les liaisons qu'entretenait Simone de Beauvoir avec les trois hommes tels que l'a envisagé Anne-Marie Philipe : un corps masculin unique incarnant tout à la fois Jean-Paul Sartre, Jacques-Laurent Bost et Nelson Algren, et trois comédiennes pour représenter chacune des relations amoureuses.

© Michel Slomka.
© Michel Slomka.
La répartition des rôles devient cependant un peu gênante lorsque l'une des comédiennes interprète à la fois la femme mais également la narratrice. On ne comprend pas bien ce choix un peu déroutant, surtout que la fonction explicative ne semble pas nécessaire. Ses interventions sont brèves et ne sont pas utiles à la bonne compréhension des événements. À l'inverse, Alexandre Laval campe les trois personnages avec aisance et passe de l'un à l'autre grâce à un subtil jeu d'accessoires.

La pièce est surinterprétée, tant au niveau du jeu que du texte. Les comédiens font trop de manières : ils se dandinent sur leurs fauteuils, gloussent, minaudent… Le corps exagère : trop de hochements de tête, de haussements de sourcils… Les mains s'agitent autant que les bouches récitent. Le texte est scandé, haché, morcelé ; le débit altéré ; les pauses injustifiées. L'on ne comprend pas bien comment commence la phrase ni comment elle se termine.

Les lettres elles-mêmes, ainsi déclamées, semblent falsifiées. Le pathos envahit la romance. Les émotions ne sont pas appropriées. Les larmes coulent sur des anecdotes qui évoquent plus la gaieté et la légèreté que la douleur. L'on pourra me rétorquer que ce n'est qu'une question de point de vue, mais la pièce s'achève sur une déclaration de Simone de Beauvoir qui dit ne jamais avoir connu de personne plus douée pour le bonheur qu'elle ne l'est elle-même.

Rendre compte des relations poly amoureuses de tels précurseurs : l'enjeu était probablement trop ambitieux. Pourtant, bien qu'elle ne soit pas vraiment justifiée, l'émotion des comédiens est sincère. Ils croient en la véracité des sentiments explicités. Ce n'est pas le jeu des acteurs qui est remis en cause, c'est plutôt l'interprétation qui a pu être faite des écrits échangés entre Simone de Beauvoir et des hommes de sa vie.

"Pour l'amour de Simone"

© Michel Slomka.
© Michel Slomka.
Textes : d'après "Lettres à Nelson Algren, un amour transatlantique" et "Lettres à Sartre" de Simone de Beauvoir, "Correspondances croisées (1937-1940)" de Simone de Beauvoir et Jacques-Laurent Bost, "Lettres au Castor et à quelques autres" de Jean-Paul Sartre (Éditions Gallimard).
Mise en scène et scénographie : Anne-Marie Philipe.
Avec : Anne-Marie Philipe, Camille Lockhart, Aurélie Noblesse et Alexandre Laval.
Bande son : Clément Garcin.
Lumière : Fouad Souaker.
Durée : 1 h 10.

Du 29 août au 15 octobre 2017.
Du mardi au samedi à 18 h 30, le dimanche à 15 h.
Théâtre Le Lucernaire, Paris 6e, 01 45 44 57 34.
>> lucernaire.fr

Ludivine Picot
Jeudi 14 Septembre 2017

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