La Revue du Spectacle, le magazine des arts de la scène et du spectacle vivant. Infos théâtre, chanson, café-théâtre, cirque, arts de la rue, agenda, CD, etc.



Augmenter la taille du texte
Diminuer la taille du texte
Partager
Festivals

"Jazz à la Villette"… Jazz, Soul, Blues et Hip-Hop, un réel régal pour les oreilles !

Comme chaque année, "Jazz à la Villette" nous offre un riche plateau musical provenant de différentes contrées géographiques et courants musicaux. Cette année, pour sa 22e édition, sont au rendez-vous l'Amérique du Nord avec, entre autres, Delvon Lamarr Organ Trio et la saxophoniste newyorkaise Lakecia Benjamin, le vieux continent avec, notamment, nos anglais d'Ezra Collective et le français Henri Texier, le continent africain avec, parmi d'autres, les Nana Benz du Togo ou le créateur de l'éthio-jazz, l'éthiopien Mulatu Astatke, et pour finir les artistes cubains Harold López-Nussa et Gonzalo Rubalcaba.



Steam Down © Maxime Guthfreund.
Steam Down © Maxime Guthfreund.
C'est une soirée riche et des plus cadencées qui s'est déroulée ce 2 septembre au festival de Jazz de la Villette avec à l'affiche Steam Down, Delvon Lamarr Organ Trio et Ezra Collective. La soirée débute donc avec Steam Down qui est, à l'origine, le nom de soirées musicales qui faisaient tanguer les foules à Deptford dans le sud-est londonien. De ces soirées, une communauté s'est organisée qui a donné lieu à la création d'un groupe en 2017 par le poly-instrumentiste Ahnansé. Steam Down a sorti son premier EP, "Five fruit" en 2022 avec un album en cours de préparation dont certains morceaux ont été joués le soir de la représentation.

Au milieu de la scène, saxophone à son cou, en lead, Ahnansé lance la mesure, prêtant sa voix aussi à quelques chansons. Derrière son instrument qui laisse s'envoler chorus et accords à cascade, le rythme est balancé, à cheval entre jazz et soul avec une pointe de hip-hop pour saupoudrer le tout. Il est soutenu par la batterie avec ses différentes cymbales à effets dont l'une à la tonalité grave et sèche qui marque les temps forts accompagnés ensuite par celles aux tonalités plus aiguës, les djembés sont derrière en appui. La batterie devient une ligne mélodique, comme celle d'une basse. Ce contrepoint musical donne à la rythmique une cadence qui permet à Ahnansé de libérer une énergie musicale portée autant par son instrument à vent que par la batterie, même si le premier est plus souvent en lead.

Delvon Lamarr Organ Trio © Maxime Guthfreund.
Delvon Lamarr Organ Trio © Maxime Guthfreund.
Suit ensuite Delvon Lamarr Organ Trio qui est un groupe de soul Jazz américain fondé en 2015. Ils ont composé trois albums dont un live. "Close but no cigar" (2016) a connu un franc succès en se plaçant en tête dans les charts américains, dans la rubrique Jazz contemporain. Depuis, avec "I told you so" (2021) et "Cold as Weiss" (2022), le succès ne se dément plus. Delvon Lamarr était initialement batteur et trompettiste, mais c'est derrière son orgue qu'il règne en maître, imprimant aux compositions un accent à la fois jazz, avec des relents symphoniques, et rock, grâce à la guitare mordante de Ben O'Neil.

La musique happe le tempo, tendue presque dans un même flux, autant par le guitariste que par l'organiste, deux faces d'une même pièce qui roule ses accords dans une tonalité aiguë et planante. La batterie de Sam Groveman, avec ses frappes sèches qui battent la mesure, apporte une touche percutante quand la guitare et l'orgue sont dans une nuance aérienne. Le son semble d'une seule modulation, les instruments ne se démarquant pas nécessairement avec le rythme mené par les grooves de l'orgue de Delvon Lamarr qui donnent à leurs compositions une originalité des plus puissantes. Les accords de Ben O'Neil les appuient, ses solos restant glissants et fluides. Sentiment presque surprenant de se retrouver face à une vague de musique qui se déverse dans une tonalité qui vous porte et difficilement classable entre Soul, Jazz avec des accents blues.

Puis Ezra Collective clôt cette soirée dans un rythme des plus endiablés. Dans ce groupe londonien, fondé en 2016 par le batteur Femi Koleoseo, il y a son frère cadet à la basse, TJ Koleoseo, Joe Armon-Jones aux claviers, Dylan Jones à la trompette et James Mollison au saxophone. Leurs créations sont un véritable melting pot venu de différents horizons venant du hip-hop, du jazz moderne, de l'afrobeat et du grime anglais qui, pour ce dernier courant musical, bien que sa popularité soit grandissante, reste toujours underground. Ça démarre sur un tempo des plus chaloupés lancé par les instruments à vent. Le saxophoniste James Mollison fait à plusieurs reprises quelques chorus bien sanglés avec en appui la trompette de Dylan Jones qui bascule ensuite en lead sur un autre morceau.

C'est une sorte de ping-pong musical, chacun se renvoyant la balle rythmique en y ajoutant ses accords et son souffle, donnant à la musique sa tonalité dynamique et tranchante. Ce qui caractérise celle-ci est sa fraîcheur, son enthousiasme, seul le clavier de Joe Armon-Jones apporte une ligne directrice tout en douceur, comme socle solide d'un groupe où ses autres acolytes sont dans un rapport plus vif et spontané. Derrière sa batterie, Femi Koleoseo est d'une grande fougue avec des passages de tempo rapides, tête aux trois quarts baissée sur ses toms, micro à côté pour haranguer la foule. C'est vivant et rayonnant. Chaque musicien prend le lead un moment en faisant un chorus. La musique est très entraînante avec le saxophone et la batterie et une basse qui galope d'accords en accords. Un véritable régal !

Ezra Collective © Maxime Guthfreund.
Ezra Collective © Maxime Guthfreund.
Jazz à la Villette
Du 30 août au 10 septembre 2023.
Soirée du samedi 2 septembre 2023 à la Grande Halle de la Villette
Durée : 4 h.
1) Steam Down.
2) Delvon Lamarr Organ Trio.
3 / Ezra Collective.

Programme complet sur >> jazzalavillette.com

Safidin Alouache
Mercredi 6 Septembre 2023

Nouveau commentaire :

Théâtre | Danse | Concerts & Lyrique | À l'affiche | À l'affiche bis | Cirque & Rue | Humour | Festivals | Pitchouns | Paroles & Musique | Avignon 2017 | Avignon 2018 | Avignon 2019 | CédéDévédé | Trib'Une | RV du Jour | Pièce du boucher | Coulisses & Cie | Coin de l’œil | Archives | Avignon 2021 | Avignon 2022 | Avignon 2023 | Avignon 2024 | À l'affiche ter




Numéros Papier

Anciens Numéros de La Revue du Spectacle (10)

Vente des numéros "Collectors" de La Revue du Spectacle.
10 euros l'exemplaire, frais de port compris.






À Découvrir

"La Chute" Une adaptation réussie portée par un jeu d'une force organique hors du commun

Dans un bar à matelots d'Amsterdam, le Mexico-City, un homme interpelle un autre homme.
Une longue conversation s'initie entre eux. Jean-Baptiste Clamence, le narrateur, exerçant dans ce bar l'intriguant métier de juge-pénitent, fait lui-même les questions et les réponses face à son interlocuteur muet.

© Philippe Hanula.
Il commence alors à lever le voile sur son passé glorieux et sa vie d'avocat parisien. Une vie réussie et brillante, jusqu'au jour où il croise une jeune femme sur le pont Royal à Paris, et qu'elle se jette dans la Seine juste après son passage. Il ne fera rien pour tenter de la sauver. Dès lors, Clamence commence sa "chute" et finit par se remémorer les événements noirs de son passé.

Il en est ainsi à chaque fois que nous prévoyons d'assister à une adaptation d'une œuvre d'Albert Camus : un frémissement d'incertitude et la crainte bien tangible d'être déçue nous titillent systématiquement. Car nous portons l'auteur en question au pinacle, tout comme Jacques Galaud, l'enseignant-initiateur bien inspiré auprès du comédien auquel, il a proposé, un jour, cette adaptation.

Pas de raison particulière pour que, cette fois-ci, il en eût été autrement… D'autant plus qu'à nos yeux, ce roman de Camus recèle en lui bien des considérations qui nous sont propres depuis toujours : le moi, la conscience, le sens de la vie, l'absurdité de cette dernière, la solitude, la culpabilité. Entre autres.

Brigitte Corrigou
09/10/2024
Spectacle à la Une

"Dub" Unité et harmonie dans la différence !

La dernière création d'Amala Dianor nous plonge dans l'univers du Dub. Au travers de différents tableaux, le chorégraphe manie avec rythme et subtilité les multiples visages du 6ᵉ art dans lequel il bâtit un puzzle artistique où ce qui lie l'ensemble est une gestuelle en opposition de styles, à la fois virevoltante et hachée, qu'ondulante et courbe.

© Pierre Gondard.
En arrière-scène, dans une lumière un peu sombre, la scénographie laisse découvrir sept grands carrés vides disposés les uns sur les autres. Celui situé en bas et au centre dessine une entrée. L'ensemble représente ainsi une maison, grande demeure avec ses pièces vides.

Devant cette scénographie, onze danseurs investissent les planches à tour de rôle, chacun y apportant sa griffe, sa marque par le style de danse qu'il incarne, comme à l'image du Dub, genre musical issu du reggae jamaïcain dont l'origine est due à une erreur de gravure de disque de l'ingénieur du son Osbourne Ruddock, alias King Tubby, en mettant du reggae en version instrumentale. En 1967, en Jamaïque, le disc-jockey Rudy Redwood va le diffuser dans un dance floor. Le succès est immédiat.

L'apogée du Dub a eu lieu dans les années soixante-dix jusqu'au milieu des années quatre-vingt. Les codes ont changé depuis, le mariage d'une hétérogénéité de tendances musicales est, depuis de nombreuses années, devenu courant. Le Dub met en exergue le couple rythmique basse et batterie en lui incorporant des effets sonores. Awir Leon, situé côté jardin derrière sa table de mixage, est aux commandes.

Safidin Alouache
17/12/2024
Spectacle à la Une

"R.O.B.I.N." Un spectacle jeune public intelligent et porteur de sens

Le trio d'auteurs, Clémence Barbier, Paul Moulin, Maïa Sandoz, s'emparent du mythique Robin des Bois avec une totale liberté. L'histoire ne se situe plus dans un passé lointain fait de combats de flèches et d'épées, mais dans une réalité explicitement beaucoup plus proche de nous : une ville moderne, sécuritaire. Dans cette adaptation destinée au jeune public, Robin est un enfant vivant pauvrement avec sa mère et sa sœur dans une sorte de cité tenue d'une main de fer par un être sans scrupules, richissime et profiteur.

© DR.
C'est l'injustice sociale que les auteurs et la metteure en scène Maïa Sandoz veulent mettre au premier plan des thèmes abordés. Notre époque, qui veut que les riches soient de plus en plus riches et les pauvres de plus pauvres, sert de caisse de résonance extrêmement puissante à cette intention. Rien n'étonne, en fait, lorsque la mère de Robin et de sa sœur, Christabelle, est jetée en prison pour avoir volé un peu de nourriture dans un supermarché pour nourrir ses enfants suite à la perte de son emploi et la disparition du père. Une histoire presque banale dans notre monde, mais un acte que le bon sens répugne à condamner, tandis que les lois économiques et politiques condamnent sans aucune conscience.

Le spectacle s'adresse au sens inné de la justice que portent en eux les enfants pour, en partant de cette situation aux allures tristement documentaires et réalistes, les emporter vers une fiction porteuse d'espoir, de rires et de rêves. Les enfants Robin et Christabelle échappent aux services sociaux d'aide à l'enfance pour s'introduire dans la forêt interdite et commencer une vie affranchie des règles injustes de la cité et de leur maître, quitte à risquer les foudres de la justice.

Bruno Fougniès
13/12/2024