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Grands motets… Grands moments !

Après trois siècles d'oubli, deux œuvres de Valette de Montigny prennent vie et forme grâce à Rolandas Muleika et l'ensemble Antiphona qui nous font redécouvrir deux joyaux de la musique baroque avec son genre et ses instruments spécifiques.



Comme l'écrit le compositeur et théoricien Sébastien de Brossard (1650-1725) : "ce Valette est un des plus excellents génies que nous ayons et sa musique est excellente". Mais qui est donc "ce Valette" que la postérité, souvent ingrate, n'a pas daigné convoquer aux oreilles de nos contemporains ? Rolandas Muleika, directeur et chef d'orchestre d'Antiphona, s'est attaché à faire redécouvrir deux œuvres de ce compositeur de musique baroque conservées sous forme manuscrite à Toulouse pour "Motet Surge Propera" (1730) et à la bibliothèque nationale de France pour "Motet Salvum me fac Deus" (1730). De ces partitions allongées sur papier, l'ensemble toulousain réussit à nous emporter dans un univers liturgique où les voix de là, et qui semblent de l'au-delà, sont portées superbement par les solistes et le chœur.

Peu d'informations circulent sur Valette de Montigny (1665-1738)). Il est né à Béziers. Voyage à Narbonne, Senlis, Bordeaux, parcourt avec succès l'Angleterre, les Pays-Bas et l'Italie pour finir sous les voûtes de la Basilique Saint-Sernin à Toulouse où il meurt, maître de musique. Ces œuvres, une cinquantaine au total, comptent des motets, des cantiques, des airs sérieux, italiens ou à boire ainsi qu'un tombeau composé pour le duc de Gloucester.

Né en Lituanie, le souffle de liberté qui a abattu le pouvoir soviétique en 1989 amène Rolandas Muleika à Paris où, à vingt-deux ans, il intègre le conservatoire de Musique de Paris et apprend la direction d'orchestre. La volonté et une âme de découvreur chevillées au corps, il se donne pour objectif de faire découvrir les chefs-d'œuvre oubliés d'Occitanie en créant Antiphona en 1996. Cet ensemble vocal est composé de cinq artistes lyriques toulousains et vient s'étoffer pour cet album de trois voix supplémentaires. C'est le deuxième, le premier en 2017 redonnait vie aux manuscrits inédits des Pénitents Noirs.

Nous sommes conviés à un voyage dans un genre musical créé à l'époque médiévale, les motets, tombés depuis en désuétude et qui associent le chant polyphonique à une large palette instrumentale autour d'instruments à vent, à percussion et à cordes. Nous retrouvons le théorbe, ancêtre du luth, et le serpent, grand instrument à vent sinueux inventé vers 1590 par le chanoine d'Auxerre, utilisé dans les chants grégoriens et qui accompagne, pour cet album, le chœur.

Cela débute par un orchestre aux accents presque légers et guillerets accompagné par un violon. Les morceaux se suivent sur des tempos aussi variés que ceux, entre autres, d'une cavalcade de trompettes ou celui très sobre d'un hautbois ou plus triste d'un trio.

Différents tempos sont menés par des récits où taille (1) - Clément Lanfranchi, Pierre Perny -, basse-taille (2) - Timothé Bougon -, haute-contre (3) - Charles d'Hubert, David Tricou -, dessus (4) - Coline Bouton, Éva Tamisier - et basse (5) - Raphaël Marbaud - donnent un éclat certain à chaque morceau, les enveloppant d'une âme où la voix devient le baromètre de tourments et d'une adoration christique. Les tessitures de mêmes registres ou opposés donnent une très belle complémentarité. Alternent, seuls ou accompagnés entre eux, récits, duos, trios, petit chœur et chœur.

Quant à celui-ci, exclusivement Toulousain et nommé Atelier d'Oratorio, c'est un pur émerveillement, soutenu par le serpent, où parfois viennent se détacher les pupitres, comme en canon par vagues successives. Leur puissance laisse peu de place à une indifférence de l'ouïe dans des chants liturgiques où les différentes tessitures vocales se marient comme sel et poivre.

"Nul n'a jamais entendu chanter pareille hymne" comme il est dit dans "Motet Surge Propera". Il aura fallu près de trois cents ans pour réentendre ces deux superbes compositions. C'est une bien belle surprise !

(1) Taille : ténor.
(2) Basse-taille : baryton, voix entre la basse et le ténor.
(3) Haute-contre : contre-ténor, voix plus aigüe que celle de ténor.
(4) Dessus : soprano, la voix la plus aigüe.
(5) Basse: voix la plus grave.


Ensemble Antiphona
Direction : Rolandas Muleika.
Solistes : Timothé Bougon (basse-taille), Coline Bouton (dessus), Charles d'Hubert (haute-contre), Clément Lanfranchi (taille), Raphaël Marbaud (basse), Pierre Perny (taille), Éva Tamisier (dessus), David Tricou (hautecontre).
Orchestre
Saori Sato : Orgue.
Patrick Vivien : Théorbe.
Amélie Boulas : Basson.
Lilan Poueydebat : Serpent.
Juliette Vittu : Violoncelle.
Mathieu Serrano : Basse de violon.
Ophélie Renard : Alto.
Pauline Henric et Anne-Lise chevalier : Violons.
Laura Duthillé et Nathalie Petibon : Hautbois et Flûtes.
Patrick Pages et Fabien Versavel : Trompettes.
Anthony Viandier : Timbales.

● Ensemble Antiphona, Rolandas Muleika (direction) "Grands Motets, Joseph Valette de Montigny".
Label : Paraty.
Distribution : PIAS/Harmonia Mundi.
Sortie : 25 juin 2021.
>> ensemble-antiphona.org

Tournée
17 et 18 septembre 2021 : "Miserere Mei Deus" à l'occasion des Journées du Patrimoine, Toulouse (31).
17 octobre 2021 : "Notre Dame", Rodez (12).
23 ou 24 octobre 2021 : "Canso", Festival Musique Ancienne en Pic Saint Loup et Gorges de l'Hérault, Brissac (34).
4 avril 2022 : "Miserere Mei Deus",Altigone (31).
Juillet 2022 : " Grands Motets - Valette de Montigny", Festival de musique sacrée de l'Abbaye de Sylvanès, Sylvanès (12).

Safidin Alouache
Mardi 21 Septembre 2021

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© Betül Balkan.
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