"Un Chant d'amour" de Jean Genet. Ce court-métrage muet et assourdissant de sensualité exaltée, réalisé en noir et blanc en 1950 et frappé d'interdit jusqu'en 1975, propulse le spectateur voyeur dans deux cellules mitoyennes. Là, chacun des occupants va s'ingénier à établir un contact sensuel et sexuel sous l'œil d'un gardien voyeur qui, du judas d'où il observe leurs jeux amoureux, va s'en faire le profiteur complice. Sexualité empêchée par l'enfermement inhérent au milieu carcéral (que l'écrivain connaît bien pour y avoir séjourné), sexualité exaltée par ce même enfermement impliquant de redoubler d'ingéniosité pour redonner droit de cité à la libido rebelle à tout emprisonnement.
Beauté sculpturale des séquences qui s'enchaînent alors que les émotions palpables des participants à ce ballet érotique bouleversent leur visage saisi en gros plan. Une langue tournant sensuellement sur elle-même, un baiser effréné déposé sur un bras, un sexe brandi fièrement à pleines mains, autant de figures du désir (solitaire) porté à l'incandescence par la poésie débridée de Jean Genet, poète libertaire, auteur organique de ce "Chant d'amour". De la paille passée au travers du trou ménagé dans le mur par laquelle ils vont partager à pleine bouche la même bouffée de cigarette, à leurs mains se balançant au travers des barreaux des lucarnes pour échanger un bouquet, tout n'est que symboles d'une sexualité du côté de la vie.
Beauté sculpturale des séquences qui s'enchaînent alors que les émotions palpables des participants à ce ballet érotique bouleversent leur visage saisi en gros plan. Une langue tournant sensuellement sur elle-même, un baiser effréné déposé sur un bras, un sexe brandi fièrement à pleines mains, autant de figures du désir (solitaire) porté à l'incandescence par la poésie débridée de Jean Genet, poète libertaire, auteur organique de ce "Chant d'amour". De la paille passée au travers du trou ménagé dans le mur par laquelle ils vont partager à pleine bouche la même bouffée de cigarette, à leurs mains se balançant au travers des barreaux des lucarnes pour échanger un bouquet, tout n'est que symboles d'une sexualité du côté de la vie.
"Le Soldat orphelin", d'Abdulrahman Kkallouf, introduit le public dans une semi-obscurité, celle qui recouvre de son opacité morbide les guerres, civiles ou autres. Au centre d'une scénographie savamment dépouillée, émergent des filins d'acier comme autant de trajectoires de balles sifflant au-dessus du soldat syrien. Narrateur en deuil de sa propre histoire, prisonnier d'une guerre fratricide, abattu et révolté, il va égrener les souvenirs qui le relient à son père mort sans qu'il n'ait pu le revoir.
Longue litanie tissée d'imprécations contre ce conflit armé d'une cruauté sans nom qui rend sauvage et colonise l'être entier soumis à ses diktats permanents. Devoir chanter la perte à chaque massacre, se ployer sous la dictature de la joie alors que le corps entier se révulse, le goût de la victoire étant celui du sang et des excréments de ceux qui s'entretuent. Obéir aux ordres jusqu'à déserter sa conscience, abdiquer toute morale, rendre les coups à devenir fou (il retrouve là sa langue maternelle, l'arabe). Et ce père injoignable alors que, face aux démons identitaires s'entredéchirant, il aurait eu tant besoin de sa présence… Un plaidoyer humain, porté par la voix de l'auteur et le corps d'un danseur, vibrant tous deux d'émotions contenues.
Longue litanie tissée d'imprécations contre ce conflit armé d'une cruauté sans nom qui rend sauvage et colonise l'être entier soumis à ses diktats permanents. Devoir chanter la perte à chaque massacre, se ployer sous la dictature de la joie alors que le corps entier se révulse, le goût de la victoire étant celui du sang et des excréments de ceux qui s'entretuent. Obéir aux ordres jusqu'à déserter sa conscience, abdiquer toute morale, rendre les coups à devenir fou (il retrouve là sa langue maternelle, l'arabe). Et ce père injoignable alors que, face aux démons identitaires s'entredéchirant, il aurait eu tant besoin de sa présence… Un plaidoyer humain, porté par la voix de l'auteur et le corps d'un danseur, vibrant tous deux d'émotions contenues.
"Sabra et Chatila" d'Afshin Ghaffarian. Les conditions d'écriture du texte de Jean Genet - "Quatre heures à Chatila" - trouvent en ce chorégraphe iranien des échos profonds. En effet, Jean Genet, qui n'avait jusqu'ici pu écrire qu'entre les murs d'une prison, se trouve en ce mois de septembre 82 entre ceux d'une chambre d'hôtel libanaise. Témoin à Beyrouth-Ouest du carnage des Palestiniens regroupés dans les camps de Sabra et Chatila, il va coucher sur le papier l'impensable du massacre perpétré par les milices chrétiennes d'extrême droite, opérant sous les fumées lumineuses de l'armée israélienne complice…
Traversant des rangées de vêtements colorés étalés à même le sol, l'auteur interprète dépose sur l'avant-scène un bocal contenant deux poissons rouges, Sabra et Chatila. Deux jeunes femmes, surfant entre les habits, dansent frénétiquement sur les musiques des années quatre-vingt. Quand elles s'arrêtent, c'est pour photographier les dépouilles au sol. Au micro, les mots de Jean Genet : "La photographie ne saisit pas les mouches ni l'odeur blanche et épaisse de la mort. Elle ne dit pas non plus les sauts qu'il faut faire quand on va d'un cadavre à l'autre".
Pour évoquer le tableau de ces corps méconnaissables, enchevêtrés les uns aux autres, le chorégraphe réinvente les jeux de cette fête barbare initiée par les phalangistes. Des pastèques - "les têtes gonflées par le soleil et la mort" - sont explosées au sol et leur chair dévorée à pleines dents, les corps disloqués des danseuses deviennent pièces de jeux. Sous les faisceaux des lumières stroboscopiques, les corps se distordent au rythme d'une musique furieuse… Sabra et Chatila n'a pas été le champ d'un génocide, "juste" celui d'un abattoir rendu artistiquement tangible. Désormais, on ne pourra plus dire, comme Begin à la Knesset : "Des non-juifs ont massacré des non-juifs, en quoi cela nous concerne-t-il ?".
Traversant des rangées de vêtements colorés étalés à même le sol, l'auteur interprète dépose sur l'avant-scène un bocal contenant deux poissons rouges, Sabra et Chatila. Deux jeunes femmes, surfant entre les habits, dansent frénétiquement sur les musiques des années quatre-vingt. Quand elles s'arrêtent, c'est pour photographier les dépouilles au sol. Au micro, les mots de Jean Genet : "La photographie ne saisit pas les mouches ni l'odeur blanche et épaisse de la mort. Elle ne dit pas non plus les sauts qu'il faut faire quand on va d'un cadavre à l'autre".
Pour évoquer le tableau de ces corps méconnaissables, enchevêtrés les uns aux autres, le chorégraphe réinvente les jeux de cette fête barbare initiée par les phalangistes. Des pastèques - "les têtes gonflées par le soleil et la mort" - sont explosées au sol et leur chair dévorée à pleines dents, les corps disloqués des danseuses deviennent pièces de jeux. Sous les faisceaux des lumières stroboscopiques, les corps se distordent au rythme d'une musique furieuse… Sabra et Chatila n'a pas été le champ d'un génocide, "juste" celui d'un abattoir rendu artistiquement tangible. Désormais, on ne pourra plus dire, comme Begin à la Knesset : "Des non-juifs ont massacré des non-juifs, en quoi cela nous concerne-t-il ?".
"L'éthique", de Matthieu Hocquemiller, se présente dans sa forme comme une création des plus originales, convoquant séquences vidéo, jeux de performers au plateau et textes venant s'insérer en surimpression. Quant à son objet, il l'est tout autant : "réfléchir" une confrontation en actes et paroles transcrites, entre un jeune homme travailleur du sexe et un homme d'âge mûr philosophe éthicien (la réalité des deux acteurs), tous deux expressément nus, débarrassés de tous oripeaux pouvant faire écran à la vérité de leurs échanges.
Une première séquence vidéo les montre entrer en conversation. Enlacés sur un canapé, ils établissent les bases du contrat les liant. Comme naguère Alcibiade et Socrate dans "Le Banquet" de Platon, Alci et So (ainsi se baptisent-ils) concluent un pacte d'échanges réciproques où jeunesse et sagesse s'interpénètrent en toute liberté, au service de leur recherche commune. Suivront les leçons de philosophie appliquée…
La première, la Maïeutique ou l'art d'accoucher des idées découvre Alci se frayant joyeusement un passage entre les jambes de So, puis la tête de So surgissant entre les jambes d'Alci, chacun expérimentant comment agir dans la joie peut multiplier sa puissance de vivre (Spinoza). Ensuite, la Péripatétique projette les deux amants se promenant, main dans la main. Adams exempts de l'idée de péché, ils dissertent sur l'art du BDSM… ce qui les conduit à évoquer Aristote à quatre pattes chevauché par Phyllis. De cette célèbre rencontre entre philosophie et sexe, ils tirent "corps et biens" l'idée d'un tableau vivant. Point d'orgue de ces échanges poétiques, la Dialectique, l'art du dialogue, où leurs corps s'imbriquant ils mettent magnifiquement - nus… de bout en bout - le plaisir au rang de viatique existentiel.
Une première séquence vidéo les montre entrer en conversation. Enlacés sur un canapé, ils établissent les bases du contrat les liant. Comme naguère Alcibiade et Socrate dans "Le Banquet" de Platon, Alci et So (ainsi se baptisent-ils) concluent un pacte d'échanges réciproques où jeunesse et sagesse s'interpénètrent en toute liberté, au service de leur recherche commune. Suivront les leçons de philosophie appliquée…
La première, la Maïeutique ou l'art d'accoucher des idées découvre Alci se frayant joyeusement un passage entre les jambes de So, puis la tête de So surgissant entre les jambes d'Alci, chacun expérimentant comment agir dans la joie peut multiplier sa puissance de vivre (Spinoza). Ensuite, la Péripatétique projette les deux amants se promenant, main dans la main. Adams exempts de l'idée de péché, ils dissertent sur l'art du BDSM… ce qui les conduit à évoquer Aristote à quatre pattes chevauché par Phyllis. De cette célèbre rencontre entre philosophie et sexe, ils tirent "corps et biens" l'idée d'un tableau vivant. Point d'orgue de ces échanges poétiques, la Dialectique, l'art du dialogue, où leurs corps s'imbriquant ils mettent magnifiquement - nus… de bout en bout - le plaisir au rang de viatique existentiel.
"Épiphanie", de Paola Daniele, conclut ce parcours époustouflant par une performance à l'unisson. La performeuse, nue sous un peignoir découvrant "naturellement" sa féminité, se détache sur un drap blanc tendu à la verticale. Les yeux dans les nôtres, elle va y épingler - au rythme lent des cycles récurrents - quelque cent sachets. Chacun d'entre eux contient le coton, imprégné du précieux sang menstruel d'une femme ayant répondu à son appel au don.
Dans le plus grand silence, écho de la chape de non-dits imposés par le tabou entourant le sang menstruel, elle s'adonne à ce rite païen avec la complicité de participant(e)s sollicité(e)s. Conclue par un geste iconoclaste célébrant le nom des femmes - et répondant à distance à celui du prêtre brandissant le calice rempli du sang du christ - la cérémonie païenne fait couler de la gorge au sexe de la performeuse un filet de sang rouge vif.
Ainsi, au sein du Collectif Hic Est Sanguis Meus (Ceci est mon sang) et de l'installation participative qui en découle, Paola Daniele questionne la connotation du sang féminin dans l'imaginaire hérité du patriarcat. Naguère occulté, il est rendu invisible par le triomphe hygiéniste d'une civilisation aseptisant "la tache" primitive. Afin de lui redonner la légitimité qui lui revient de droit - sans le ventre d'une femme, l'homme serait "l'être mort" - le liquide intime exhibé ouvre à d'autres perspectives en introduisant un changement de paradigme salutaire. Non plus objet de honte, le sang menstruel devient l'étendard d'un nouveau combat "du côté de la vie". Un combat vivifiant, ô combien plus glorieux que celui versé par les hommes, victimes ancestrales des champs guerriers.
Dans le plus grand silence, écho de la chape de non-dits imposés par le tabou entourant le sang menstruel, elle s'adonne à ce rite païen avec la complicité de participant(e)s sollicité(e)s. Conclue par un geste iconoclaste célébrant le nom des femmes - et répondant à distance à celui du prêtre brandissant le calice rempli du sang du christ - la cérémonie païenne fait couler de la gorge au sexe de la performeuse un filet de sang rouge vif.
Ainsi, au sein du Collectif Hic Est Sanguis Meus (Ceci est mon sang) et de l'installation participative qui en découle, Paola Daniele questionne la connotation du sang féminin dans l'imaginaire hérité du patriarcat. Naguère occulté, il est rendu invisible par le triomphe hygiéniste d'une civilisation aseptisant "la tache" primitive. Afin de lui redonner la légitimité qui lui revient de droit - sans le ventre d'une femme, l'homme serait "l'être mort" - le liquide intime exhibé ouvre à d'autres perspectives en introduisant un changement de paradigme salutaire. Non plus objet de honte, le sang menstruel devient l'étendard d'un nouveau combat "du côté de la vie". Un combat vivifiant, ô combien plus glorieux que celui versé par les hommes, victimes ancestrales des champs guerriers.
"Un Chant d'amour"
Court métrage interdit aux moins de 16 ans,
réalisé en 1950, sorti en 1975.
Réalisation : Jean Genet.
Scénario : Jean Genet.
Acteurs principaux : Java et André Reybaz.
Durée : 26 minutes.
Vu le vendredi 27 janvier à la MÉCA Bordeaux, dans le cadre du Festival Trente Trente qui s'est déroulé du 12 janvier au 2 février 2023.
Court métrage interdit aux moins de 16 ans,
réalisé en 1950, sorti en 1975.
Réalisation : Jean Genet.
Scénario : Jean Genet.
Acteurs principaux : Java et André Reybaz.
Durée : 26 minutes.
Vu le vendredi 27 janvier à la MÉCA Bordeaux, dans le cadre du Festival Trente Trente qui s'est déroulé du 12 janvier au 2 février 2023.
"Le Soldat orphelin"
Théâtre et danse, étape de travail.
D'après "Le Soldat Orphelin" publié aux Éditions Moires.
Texte et voix : Abdulrahman Khallouf.
Scénographie et direction artistique : Jean Luc Terrade.
Chorégraphie et danse : Jean Philippe Costes Muscat.
Durée : 40 minutes.
Vu le vendredi 27 janvier à la MÉCA Bordeaux, dans le cadre du Festival Trente Trente.
Théâtre et danse, étape de travail.
D'après "Le Soldat Orphelin" publié aux Éditions Moires.
Texte et voix : Abdulrahman Khallouf.
Scénographie et direction artistique : Jean Luc Terrade.
Chorégraphie et danse : Jean Philippe Costes Muscat.
Durée : 40 minutes.
Vu le vendredi 27 janvier à la MÉCA Bordeaux, dans le cadre du Festival Trente Trente.
"Sabra et Chatila"
Danse et théâtre, étape de travail.
Chorégraphie, mise en scène et conception : Afshin Ghaffarian.
Interprètes : Julie De Bellis, Svantje Buchholz et Afshin Ghaffarian.
Création lumière : Vincent Tudoce.
Scénographie : Heiko Moennich.
Musique originale : Mohammadreza Râd.
Durée : 30 minutes.
Vu le vendredi 27 janvier à la MÉCA Bordeaux, dans le cadre du Festival Trente Trente.
Danse et théâtre, étape de travail.
Chorégraphie, mise en scène et conception : Afshin Ghaffarian.
Interprètes : Julie De Bellis, Svantje Buchholz et Afshin Ghaffarian.
Création lumière : Vincent Tudoce.
Scénographie : Heiko Moennich.
Musique originale : Mohammadreza Râd.
Durée : 30 minutes.
Vu le vendredi 27 janvier à la MÉCA Bordeaux, dans le cadre du Festival Trente Trente.
"L'éthique"
Danse pour adultes.
Conception et chorégraphie : Matthieu Hocquemiller.
Texte : Matthieu Hocquemiller, Patrice Desmon et Pierre Emö.
Avec : Patrice Desmons et Pierre Emö.
Caméra : Magali Laroche.
Mmusique : Benjamin Collier.
Lumière : Abigail Fowler.
Durée: 40 minutes.
Vu le vendredi 27 janvier à la MÉCA Bordeaux, dans le cadre du Festival Trente Trente.
Danse pour adultes.
Conception et chorégraphie : Matthieu Hocquemiller.
Texte : Matthieu Hocquemiller, Patrice Desmon et Pierre Emö.
Avec : Patrice Desmons et Pierre Emö.
Caméra : Magali Laroche.
Mmusique : Benjamin Collier.
Lumière : Abigail Fowler.
Durée: 40 minutes.
Vu le vendredi 27 janvier à la MÉCA Bordeaux, dans le cadre du Festival Trente Trente.
"Épiphanie"
Performance pour adultes.
Performance : Paola Daniele.
Collectif Hic Est Sanguis Meus.
Durée : 30 minutes.
Vu le vendredi 27 janvier à 22h15, à la MÉCA Bordeaux, dans le cadre du Festival Trente Trente.
Festival Trente Trente
S'est déroulé du 12 janvier au 2 février 2023.
>> trentetrente.com
Performance pour adultes.
Performance : Paola Daniele.
Collectif Hic Est Sanguis Meus.
Durée : 30 minutes.
Vu le vendredi 27 janvier à 22h15, à la MÉCA Bordeaux, dans le cadre du Festival Trente Trente.
Festival Trente Trente
S'est déroulé du 12 janvier au 2 février 2023.
>> trentetrente.com