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Festivals

Festival Trente Trente 2024 Épisode 4 "Dark Horse", "In the Wood", "Storytelling", "Home"

Deuxième samedi de Festival, deuxième parcours Le Bouscat-Bordeaux pour découvrir quatre performances convoquant la danse, la musique, le théâtre, et ressentir la même sensation… Celle d'assister à des "créations" qui n'en portent pas que le nom mais résultent d'un processus de maturation intérieure dont les artistes livrent ici l'objet se détachant d'eux.



"Dark Horse" © Pierre Planchenault.
"Dark Horse" © Pierre Planchenault.
"Dark Horse"… Meytal Blanaru – danseuse chorégraphe découverte à l'Atelier des Marches il y a quatre ans pour sa performance "Rain" inscrite en lettres de feu dans nos mémoires – est à nouveau invitée par Jean-Luc Terrade pour présenter un mystérieux moment chorégraphié, fascinant tant ses interprétations sont libres… Surtout ne pas se laisser égarer par une traduction littérale du titre, mais se laisser gagner par le champ des possibles contenus dans l'expression idiomatique "Dark Horse" suggérant l'idée d'un secret à révéler…

Dans un dispositif bi-frontal qui la fera "découvrir" alternativement (deux cycles d'un quart d'heure chacun), soit de dos, soit de face selon les gradins où l'on a pris place, la performeuse fondatrice du Fathom High – approche de la danse basée sur la méthode Feldenkrais accordant la part belle aux relations sensibles entre la personne en mouvement et son environnement – met son corps en vibrations avec l'espace qui l'entoure.

"Dark Horse" © Pierre Planchenault.
"Dark Horse" © Pierre Planchenault.
Après avoir croisé avec une infinie douceur notre regard et nous avoir adressé un sourire amène nous incluant dans son univers, avec la lenteur qui sied à la rencontre, elle se défait du haut de son vêtement pour entamer sa danse… De dos nue ou de face où les ailes de l'étrange papillon noir peint délicatement sur son buste traduisent la mue à l'œuvre, elle livre son corps au rythme de la musique répétitive. Ses pieds glissent latéralement sur le sol immaculé tandis que ses bras et mains s'abandonnent à un ballet hypnotique, alternant moulinets rapides et mouvements amples au gré d'une fantaisie inspirée par l'énergie qui la traverse.

Parfois, des tressaillements peuvent laisser entrevoir le passage d'émotions plus sombres, mais toujours la confiance en la vie transcende les épreuves pour illuminer son visage diaphane. Sa fragilité à fleur de peau, sa force intranquille, son énergie vitale, bouleversent.

"In the Wood" © Pierre Planchenault.
"In the Wood" © Pierre Planchenault.
"In the Wood". Frédéric Jouanlong, clavier et voix, et Sophie Agnel, au piano à queue, nous immergent dans l'univers intime d'une grande voix féminine du jazz, Nina Simone, chantre des Blacks Power. The wood, c'est le bois de sa maison et celui qui l'entoure, bruissant encore de sa présence iconique et de ses combats "encrés" dans le mouvement des droits civiques des Afro-Américains.

Au gré des fantaisies musicales et vocales des deux complices réunis dans le même trip sur le plateau, le piano devient boîte à musiques libérant ses marteaux frappés à la main, les bruits de pluie s'échappent des contorsions ludiques de la bouche, ceux du vent du souffle rapproché du micro. La traversée onirique, ponctuée de chants envoutants, évoque des fragments du monde iconique du jazz et de ses voix ô combien prenantes, Billie Holiday, John Coltrane, Prince, Aretha Franklin… Une ballade musicale et sonore qui fait chaud au cœur en ses temps atones.

"Storytelling" © Pierre Planchenault.
"Storytelling" © Pierre Planchenault.
"Storytelling", de Nicolas Meunier… que nous avions laissé en novembre dernier à la Halle des Chartrons, la tête de son personnage-personne posée contre celle froide de sa mère morte sans qu'il ne ressente alors la moindre émotion (cf. "Sitcom")… et que nous retrouvons là au Glob Théâtre pour creuser dans "Storytelling" le même sillon, celui d'un artiste protéiforme extrayant de son existence la matière première de ses performances à fort potentiel émotionnel.

Sa mère, elle, sera à nouveau présente ce soir par le truchement d'une séance de "spiritisme maison" la faisant revenir de l'au-delà pour "parler" à sa progéniture avide d'établir avec elle ce qui n'a jamais pu être de son vivant… Elle ne sera pas seule, la mère, à venir hanter le présent de la représentation. Il y aura aussi la grand-mère, personnage étayé par la logorrhée vindicative qui lui tient lieu de béquilles. D'autres voix encore s'immisceront dans ce maelström aux dimensions de huis clos familial ; celle de sa petite sœur Manon, ou encore celle d'un ancien amant venant alimenter l'intranquillité consubstantielle à son existence.

"Storytelling" © Pierre Planchenault.
"Storytelling" © Pierre Planchenault.
Seul en scène, mais habité tour à tour par toutes les voix qui le traversent, ses éternels feuillets en main (papiers qu'il jette au fur et à mesure de la progression du récit, comme des notes de mise en scène devenues inutiles, nous rappelant que l'on est bien au théâtre et non chez le psy), l'homme-orchestre déroule son synopsis où, dans une cacophonie maitrisée, se dit le chaos d'un parcours dysharmonique, le sien.

D'emblée, entre réalité et fiction, l'acteur secoué par les sanglots qui le gagnent lit une lettre d'un amant lui annonçant son suicide par pendaison, "dans le verger" précise-t-il. Ayant laissé se confondre "baiser et s'aimer", l'ami désespéré propose sa propre fin comme début du spectacle… Musiques et lumières stéréoscopiques découvrent alors une table ronde, tendue d'une nappe blanche, avec trois chaises disposées autour, l'acteur occupant la centrale…

La voix de la grand-mère, une bordée d'injures qui tonitruent… Enculés, ils m'ont fait sauter le courant ! Hors de question que tu fasses du spiritisme ! Celle du petit-fils… Le bruit d'une femme qui boite… Maman, c'est toi ? Mon amoureux s'est suicidé… Était-ce la corde avec laquelle il s'attachait ? À nouveau, la grand-mère… Bordel, la chouette sur le toit, tiens-moi l'échelle, il faut la déloger sinon c'est l'annonce d'une mort ou d'une naissance ! T'es pas en cloque Manon ?

Et puis, la tête entre les mains, la désolation attachée à la disparition tragique de l'amant. La cohorte des pensées qui défilent dans une nuit épaisse, auxquelles se mêlent des cris de bébé… Présent et passé se confondant dans les mêmes affres, voix se recouvrant… Table renversée… Qui m'a consolé quand j'étais petit ? Personne ! Vous m'abandonnez tous ! Regarde Nico, tu lui as dévissé la tête à ton poupon ! La folie est-elle contagieuse maman ? Ta mère, maintenant tu sais, c'était pas un accident… Tu veux lui parler par l'intermédiaire des Esprits ? Peuh, elle n'a jamais voulu dialoguer ta mère ! Maman ça va ?

Charriées par les frustrations accumulées, les blessures s'ouvrent… La peine de la grand-mère ayant dû se substituer à sa fille défaillante pour élever le petit… La rage de la mère ne s'étant - elle aussi – jamais sentie protégée par quiconque et qui, de l'au-delà où elle séjourne désormais, révèle l'inentendable vœu qui fut le sien lorsqu'elle s'est retrouvée enceinte… La prière du fils adressé à sa mère d'avancer maintenant ensemble vers le jour…

La chute, accompagnée de la voix chaude de Paolo Conte, exauce un temps ce désir en projetant, au centre du plateau débarrassé symboliquement de toutes scories, un rayon de lumière nimbant l'acteur dansant lascivement… De performance en performance, Nicolas Meunier, sans rien perdre de son authenticité à fleur de peau mise au service d'un théâtre total, maîtrise de mieux en mieux son art pour porter jusqu'à nous le chaos d'un passé familial qui n'arrête pas de passer en lui. Chapeau l'artiste.

"Home" © Pierre Planchenault.
"Home" © Pierre Planchenault.
"Home", de Sebastian Abarbanell, présente le corps du performeur dans tous ses états. Jouant avec tous les possibles offerts par une boîte cubique qu'il a élue comme refuge, il multiplie des compositions plastiques à fort potentiel artistique. Cette première partie, d'un esthétisme parlant, le montre tel le voyageur céleste faisant corps avec sa roulotte… Cependant, lorsqu'il vient à se défaire de "sa coquille" pour continuer sa mue nu comme un ver, des convulsions le traversent de part en part… et le charme tout d'abord ressenti se dissipe sous l'effet de monstrations trop appuyées.

Spectacles vus le samedi 27 janvier lors du Parcours Le Bouscat-Bordeaux organisé dans le cadre du Festival Trente Trente de Bordeaux Métropole – Boulazac.

"Dark Horse" © Pierre Planchenault.
"Dark Horse" © Pierre Planchenault.
"Dark Horse"
Danse - Avant-première.
Conception et interprétation : Meytal Blanaru.
Durée : 30 minutes.
Représenté les 26 et 27 janvier à L'Atelier des Marches, Le Bouscat (33).

"In the Wood" © Pierre Planchenault.
"In the Wood" © Pierre Planchenault.
"In the Wood"
Musique, voix – Création.
Voix et boucles : Fred Jouanlong.
Piano à queue et objets : Sophie Agnel.
Durée : 40 minutes.
Présenté le 27 janvier au Marché de Lerme à Bordeaux.

"Storytelling" © Pierre Planchenault.
"Storytelling" © Pierre Planchenault.
"Storytelling"
Performance, théâtre – Création.
Conception et interprétation : Nicolas Meusnier.
Régie : Marius Bichet.
Regard technique : Jean-Luc Terrade.
Durée : 30 minutes.
A eu lieu le 27 janvier (2 représentations) au Glob Théâtre à Bordeaux.

"Home" © Pierre Planchenault.
"Home" © Pierre Planchenault.
"Home"
Danse, performance - Première française.
Direction artistique et chorégraphie : Sebastian Abarbanell.
Création lumière : Barnaby Booth.
Dramaturgie : Tuan Ly.
Direction technique : Shaly Lopez.
Musique originale : slowdanger, Seb Brun & SUM1.
Projection vidéo : Sina Lesnik & César Brodermann.
Costumes : Sebastian Abarbanell.
Construction boîtes : Alex Varenne.
Durée : 40 minutes.
Présenté le 27 janvier au Glob Théâtre à Bordeaux.

Festival Trente Trente
A eu lieu du 16 janvier au 2 février 2024.
XXIe Rencontres de la Forme Courte dans le Spectacle Vivant
Bordeaux Métropole - Boulazac.
>> trentetrente.com

Yves Kafka
Lundi 5 Février 2024

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•Off 2024• "Mon Petit Grand Frère" Récit salvateur d'un enfant traumatisé au bénéfice du devenir apaisé de l'adulte qu'il est devenu

Comment dire l'indicible, comment formuler les vagues souvenirs, les incertaines sensations qui furent captés, partiellement mémorisés à la petite enfance. Accoucher de cette résurgence voilée, diffuse, d'un drame familial ayant eu lieu à l'âge de deux ans est le parcours théâtral, étonnamment réussie, que nous offre Miguel-Ange Sarmiento avec "Mon petit grand frère". Ce qui aurait pu paraître une psychanalyse impudique devient alors une parole salvatrice porteuse d'un écho libératoire pour nos propres histoires douloureuses.

© Ève Pinel.
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Gil Chauveau
14/06/2024
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Ils sont peu nombreux ceux qui ont une réelle vision d'interprétation d'œuvres d'artistes "monuments" tels Brel, Barbara, Brassens, Piaf et bien d'autres. Lou Casa fait partie de ces rares virtuoses qui arrivent à imprimer leur signature sans effacer le filigrane du monstre sacré interprété. Après une relecture lumineuse en 2016 de quelques chansons de Barbara, voici le profond et solaire "Barbara & Brel".

© Betül Balkan.
Comme dans son précédent opus "À ce jour" (consacré à Barbara), Marc Casa est habité par ses choix, donnant un souffle original et unique à chaque titre choisi. Évitant musicalement l'écueil des orchestrations "datées" en optant systématiquement pour des sonorités contemporaines, chaque chanson est synonyme d'une grande richesse et variété instrumentales. Le timbre de la voix est prenant et fait montre à chaque fois d'une émouvante et artistique sincérité.

On retrouve dans cet album une réelle intensité pour chaque interprétation, une profondeur dans la tessiture, dans les tonalités exprimées dont on sent qu'elles puisent tant dans l'âme créatrice des illustres auteurs que dans les recoins intimes, les chemins de vie personnelle de Marc Casa, pour y mettre, dans une manière discrète et maîtrisée, emplie de sincérité, un peu de sa propre histoire.

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Gil Chauveau
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© Philippe Hanula.
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N'ayant pas vocation à pérenniser toute forme d'adaptation académique, nos deux metteurs en scène vont imaginer que cette histoire absurde est un songe, le songe d'une nuit… niché au creux du voyage ensommeillé de l'aimable Fadinard. Accrochez-vous à votre oreiller ! La pièce la plus célèbre de Labiche se transforme en une nouvelle comédie explosive, électro-onirique ! Comme un rêve habité de nounours dans un sommeil moelleux peuplé d'êtres extravagants en doudounes orange.

Gil Chauveau
26/03/2024