Tout commence par le meurtre de la fille par le père. Iphigénie sacrifiée par le roi des rois grecs, Agamemnon. L'offrande de la vie d'une toute jeune femme offerte aux Dieux pour que le vent se lève et gonfle les voiles grecques jusqu'à Troie - le Moyen-Orient actuel - afin de laver l'honneur du roi Ménélas dont l'épouse, la belle Hélène, a été ravie par Paris, fils du roi troyen Priam… Enfin, c'est ce que l'on veut bien nous raconter depuis l'antiquité. Pour masquer leur volonté de gloires, les détenteurs du Pouvoir n'ont-ils pas toujours eu à c(h)œur (grec ou pas) d'habiller leurs intérêts personnels d'un récit jugé plus "honorable" ?
On apprendra par Électre, la sœur exaltée, nostalgique de la toute-puissance de son paternel, qu'elle méritait bien son sort, sa sœur indigne, vu ses amours saphiques et incestueuses pour leur autre sœur, Chrysothémis. Car, si les mâles guerriers gonflés à la testostérone (Agamemnon, Achille, Pyrrhus…) sacrifient "glorieusement" leur peuple dans un conflit où leur importe leur unique Triomphe à venir, les femmes aussi peuvent parfois verser vers les mêmes tentations guerrières en se faisant les instigatrices d'une vengeance effrénée.
On apprendra par Électre, la sœur exaltée, nostalgique de la toute-puissance de son paternel, qu'elle méritait bien son sort, sa sœur indigne, vu ses amours saphiques et incestueuses pour leur autre sœur, Chrysothémis. Car, si les mâles guerriers gonflés à la testostérone (Agamemnon, Achille, Pyrrhus…) sacrifient "glorieusement" leur peuple dans un conflit où leur importe leur unique Triomphe à venir, les femmes aussi peuvent parfois verser vers les mêmes tentations guerrières en se faisant les instigatrices d'une vengeance effrénée.
Cependant, si le plateau démasque les héros grecs traditionnels pour faire advenir leur monstruosité drapée dans des habits de grandeur, plus parlante encore sera "la Résistible ascension" (cf. Bertolt Brecht) de la pâle figure d'Oreste (celui qui doute jusqu'à la folie), se métamorphosant in fine en dictateur investi par les Dieux tirant les ficelles de ce fantoche parvenu au pouvoir après avoir, presque à son insu, accompli le meurtre de sa mère, la reine Clytemnestre.
Ces petits meurtres entre amis jurés auraient peut-être, dans leurs excès, quelque chose de risible s'ils ne précipitaient pas l'humanité vers une destruction annoncée, tant la soif de pouvoirs des puissants est inépuisable. Sauf que, l'Histoire ici va bégayer dans un sens où la tradition ne l'attendait plus…
Un signe initial… Sur le bandeau s'affichant en haut de scène, on peut lire "Clytemnestre", et non "Agamemnon", titre choisi par Eschyle pour le premier volet de son "Orestie". Le regard du féminin qui se substitue au masculin, une révolution copernicienne modifiant radicalement les points de vue. Ainsi Clytemnestre d'emblée donne-t-elle le ton de la rupture annoncée. Elle, dont l'amour maternel a été écorché vif, crie l'abomination du meurtre de sa fille Iphigénie, à l'origine des catastrophes en chaîne. Hurlant sa vérité à la figure d'Agamemnon, de retour glorieux de Troie qu'il se vante d'avoir rayée de la carte, elle refuse de se soumettre à ses désirs de mâle prétendant régner en maître absolu sur son corps comme sur le territoire grec. Et ce, sous le regard d'une Iphigénie en robe blanche maculée de sang, contemplant la querelle parentale de ses yeux d'outre-tombe.
Suite à son discours triomphal, où l'antienne des bourreaux résonne dans notre actualité - "Notre honneur est lavé, notre dignité rachetée. Il n'y a pas de gloire plus grande que de mourir pour la patrie" -, Agamemnon est amené à répondre à un journaliste lui attribuant l'épithète de "génocidaire". Et, là encore, il débite, imperturbable, les sempiternels mots des tyrans : "Toutes nos actions ont été dictées par la sécurité de notre peuple. Les Troyens allaient nous anéantir et leurs enfants après eux si nous ne les avions pas exterminés eux aussi". La litanie des "exploits" guerriers se chargeant de démentir les glorieuses déclarations. Ainsi d'Hécube, reine troyenne, venant raconter son martyre, elle, qui après avoir été violée par la soldatesque grecque, fut jetée à l'eau par les soins d'Ulysse, ce héros vénéré.
Ces petits meurtres entre amis jurés auraient peut-être, dans leurs excès, quelque chose de risible s'ils ne précipitaient pas l'humanité vers une destruction annoncée, tant la soif de pouvoirs des puissants est inépuisable. Sauf que, l'Histoire ici va bégayer dans un sens où la tradition ne l'attendait plus…
Un signe initial… Sur le bandeau s'affichant en haut de scène, on peut lire "Clytemnestre", et non "Agamemnon", titre choisi par Eschyle pour le premier volet de son "Orestie". Le regard du féminin qui se substitue au masculin, une révolution copernicienne modifiant radicalement les points de vue. Ainsi Clytemnestre d'emblée donne-t-elle le ton de la rupture annoncée. Elle, dont l'amour maternel a été écorché vif, crie l'abomination du meurtre de sa fille Iphigénie, à l'origine des catastrophes en chaîne. Hurlant sa vérité à la figure d'Agamemnon, de retour glorieux de Troie qu'il se vante d'avoir rayée de la carte, elle refuse de se soumettre à ses désirs de mâle prétendant régner en maître absolu sur son corps comme sur le territoire grec. Et ce, sous le regard d'une Iphigénie en robe blanche maculée de sang, contemplant la querelle parentale de ses yeux d'outre-tombe.
Suite à son discours triomphal, où l'antienne des bourreaux résonne dans notre actualité - "Notre honneur est lavé, notre dignité rachetée. Il n'y a pas de gloire plus grande que de mourir pour la patrie" -, Agamemnon est amené à répondre à un journaliste lui attribuant l'épithète de "génocidaire". Et, là encore, il débite, imperturbable, les sempiternels mots des tyrans : "Toutes nos actions ont été dictées par la sécurité de notre peuple. Les Troyens allaient nous anéantir et leurs enfants après eux si nous ne les avions pas exterminés eux aussi". La litanie des "exploits" guerriers se chargeant de démentir les glorieuses déclarations. Ainsi d'Hécube, reine troyenne, venant raconter son martyre, elle, qui après avoir été violée par la soldatesque grecque, fut jetée à l'eau par les soins d'Ulysse, ce héros vénéré.
Et, à cet endroit précis de l'intrigue, le tableau saisissant des victimes troyennes s'extrayant comme au ralenti des casiers leur servant de tombes (superbe scénographie) pour venir une à une s'enchevêtrer au centre du plateau… Quant à Clytemnestre, révulsée par ce carnage à ciel ouvert, elle qui se refusait d'entrer dans le cycle infernal des meurtres appelant d'autres meurtres, elle se verra tirer à bout portant sur le tyran. Cassandre, la prisonnière médium, avant de connaître le même sort, aura, elle, le temps de prédire une apocalypse nucléaire ensevelissant le vieux monde… Catastrophe ultime que seul l'humour d'une réplique décalée de Clytemnestre viendra alléger.
Les deux autres volets de cette "Orestie" contemporaine précipiteront l'action vers un dénouement inattendu. Ils verront tout d'abord s'affronter Électre (la fanatique criant vengeance) et Oreste (le héros tourmenté refusant un temps l'héritage violent) sur un fond de discours universaliste tenu par Clytemnestre prônant la "vivance" entre les peuples (avant certes de battre en retraite face aux slogans "Patrie et Patrie et Patrie…" chantés à tue-tête par ses opposants d'extrême droite).
Les deux autres volets de cette "Orestie" contemporaine précipiteront l'action vers un dénouement inattendu. Ils verront tout d'abord s'affronter Électre (la fanatique criant vengeance) et Oreste (le héros tourmenté refusant un temps l'héritage violent) sur un fond de discours universaliste tenu par Clytemnestre prônant la "vivance" entre les peuples (avant certes de battre en retraite face aux slogans "Patrie et Patrie et Patrie…" chantés à tue-tête par ses opposants d'extrême droite).
Il faudra attendre l'intervention des Dieux (Apollon et Athéna, magistraux magouilleurs), et d'une Pythie sous l'emprise de substances, pour que Les Érinyes pro-féministes acceptent de fermer les yeux sur le meurtre de Clytemnestre afin de mieux pouvoir contrôler l'avènement de l'Homme nouveau, Oreste innocenté et métamorphosé… Ceci avant que n'intervienne un ultime retournement, porteur lui d'une ouverture plus exaltante.
Le projet, fruit pour son écriture d'un auteur iranien (cf. "Pourama, Pourama", "Les Forteresses") empruntant à "l'Orestie" d'Eschyle ses personnages pour les projeter tout de go dans le monde contemporain, n'était pas sans hardiesse… Si l'on ajoute que la distribution comme la mise en jeu se répartit entre des artistes français et portugais s'exprimant chacun dans leur langue, on aurait pu craindre que l'unité de l'ensemble ne tienne de la gageure…
Or, portée par des interprétations soutenues par des mises en jeu créatives et une superbe scénographie, l'intrigue progresse sans faillir vers un dénouement susceptible de rencontrer nos aspirations… En ce soir de représentation théâtrale, devant un parterre de spectateurs assemblés dans un amphithéâtre contemporain, les Atrides ont accouché des promesses d'un monde nouveau. Un monde d'après, à l'horizon débarrassé des bellicismes patriarcaux.
Vu le samedi 8 octobre au TnBA de Bordeaux, dans le cadre du FAB - Festival International des Arts de Bordeaux Métropole. A été représenté du 4 au 8 octobre.
Le projet, fruit pour son écriture d'un auteur iranien (cf. "Pourama, Pourama", "Les Forteresses") empruntant à "l'Orestie" d'Eschyle ses personnages pour les projeter tout de go dans le monde contemporain, n'était pas sans hardiesse… Si l'on ajoute que la distribution comme la mise en jeu se répartit entre des artistes français et portugais s'exprimant chacun dans leur langue, on aurait pu craindre que l'unité de l'ensemble ne tienne de la gageure…
Or, portée par des interprétations soutenues par des mises en jeu créatives et une superbe scénographie, l'intrigue progresse sans faillir vers un dénouement susceptible de rencontrer nos aspirations… En ce soir de représentation théâtrale, devant un parterre de spectateurs assemblés dans un amphithéâtre contemporain, les Atrides ont accouché des promesses d'un monde nouveau. Un monde d'après, à l'horizon débarrassé des bellicismes patriarcaux.
Vu le samedi 8 octobre au TnBA de Bordeaux, dans le cadre du FAB - Festival International des Arts de Bordeaux Métropole. A été représenté du 4 au 8 octobre.
"Pour que les vents se lèvent, Une Orestie"
Création - 1ère française.
Texte : Gurshad Shaheman.
Mise en scène : Nuno Cardoso et Catherine Marnas.
Comédiennes et comédiens français(es) : Zoé Briau, Garance Degos, Félix Lefebvre, Léo Namur, Mickaël Pelissier, Bénédicte Simon.
Comédiennes et comédiens portugais(es) : Carlos Malvarez, Gustavo Rebelo, Inês Dias, Telma Cardoso, Teresa Coutinho, Tomé Quirino.
Assistante à la mise en scène : Janaína Suaudeau.
Lumières : José Alvaro Correia.
Scénographe : Fernando Ribeiro.
Création sonore : Esteban Fernandez.
Costumes : Emmanuelle Thomas.
Durée : 3 h 30 avec entracte.
Tournée
Du 20 octobre au 6 novembre 2022 : Teatro Nacional São João (TNSJ), Porto (Portugal).
10 et 11 novembre 2022 : Teatro Municipal Sá de Miranda, Viana do Castelo, (Portugal).
Du 19 au 30 novembre 2022 : Festival Cluj (Roumanie).
16 et 17 mars 2023 : Le Meta - Centre dramatique national, Poitiers (86).
Du 1er au 7 avril 2023 : Le Préau - Centre dramatique national, Vire (14).
FAB - 7e Festival International des Arts de Bordeaux Métropole.
Du 1er au 16 octobre 2022.
9 rue des Capérans, Bordeaux (33).
Billetterie : 06 63 80 01 48.
contact@festivalbordeaux.com
>> fab.festivalbordeaux.com
Texte : Gurshad Shaheman.
Mise en scène : Nuno Cardoso et Catherine Marnas.
Comédiennes et comédiens français(es) : Zoé Briau, Garance Degos, Félix Lefebvre, Léo Namur, Mickaël Pelissier, Bénédicte Simon.
Comédiennes et comédiens portugais(es) : Carlos Malvarez, Gustavo Rebelo, Inês Dias, Telma Cardoso, Teresa Coutinho, Tomé Quirino.
Assistante à la mise en scène : Janaína Suaudeau.
Lumières : José Alvaro Correia.
Scénographe : Fernando Ribeiro.
Création sonore : Esteban Fernandez.
Costumes : Emmanuelle Thomas.
Durée : 3 h 30 avec entracte.
Tournée
Du 20 octobre au 6 novembre 2022 : Teatro Nacional São João (TNSJ), Porto (Portugal).
10 et 11 novembre 2022 : Teatro Municipal Sá de Miranda, Viana do Castelo, (Portugal).
Du 19 au 30 novembre 2022 : Festival Cluj (Roumanie).
16 et 17 mars 2023 : Le Meta - Centre dramatique national, Poitiers (86).
Du 1er au 7 avril 2023 : Le Préau - Centre dramatique national, Vire (14).
FAB - 7e Festival International des Arts de Bordeaux Métropole.
Du 1er au 16 octobre 2022.
9 rue des Capérans, Bordeaux (33).
Billetterie : 06 63 80 01 48.
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