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Festivals

Avignon Off… Off comme Off Broadway

Il est loin le temps d'André Bénédetto. Comme est loin celui d'Alain Léonard qui, avec l'invention d'un simple passe-fil et d'un catalogue commun, facilitait l'accès à tous les spectacles présentés en marge du festival de théâtre officiel d'Avignon.



© flag' 2014 pour le Off.
© flag' 2014 pour le Off.
Avignon Off… Off comme Off Broadway. Avec ses 1 500 spectacles en 2018, Avignon Off l'utopie a bien dérivé. Avignon Off est entré en démesure et connaît les effets pervers de son gigantisme. Bien des spectacles présentés ne sont que de simples reprises qui rejouent à la loterie économique (La Revue du Spectacle soutient ceux qu'elle a aimés dans l'année.). Les conditions matérielles (coût des salles, rigidité des réservations, coût de la vie) ne sont pas optimales.

Les organisateurs, la ville essaient d'en corriger les aspects les plus criards : des mesures écologiques sont prises, les propriétaires de salles essaient de disposer d'outils d'accueil décents. Les habitants d'Avignon et du Vaucluse sont de plus en plus associés. Mais le spectateur a le sentiment que les efforts restent bien en deçà de ce qui pourrait être une véritable compensation des gaspillages d'énergie. Qu'elle soit fossile (les climatisations utiles aux crèmes glacées et aux data centers mais nuisibles au climat) ou humaine (les conditions sociales et touristiques très éloignées des conditions d'un développement durable).

© AF&C/ODS.
© AF&C/ODS.
Malgré tout, l'utopie de création résiste fortement.

La plupart des salles présentent en leur sein de mini festivals. De ce point de vue, l'aventure de créations conduite par le collectif de La Manufacture est indiscutable. De même, celle du Théâtre des Halles mené par Alain Timar.

Il suffit pour le spectateur de faire confiance à la programmation de jeunes arrivés comme le Train Bleu. La programmation en est pleine de malice et d'audace. Le florilège de la Caserne des Pompiers présente des "rarieties pour happy few" mêlant tradition du théâtre de papier à l'avant garde de ce qu'il faut bien appeler les nouvelles magies.

Le parvis d'Avignon limite volontairement le nombre de spectacles que la salle présente ; et utilise le temps disponible à des forums, débats, etc…

© AF&C/Œil du Sabre.
© AF&C/Œil du Sabre.
Les salles situées de part et d'autre de la rue Guillaume Puy et de la rue Thiers n'ont pas perdu de leurs saveurs.

Enfin, la mise en route du 11 Gilgamesh Belleville, qui a pour ambition d'offrir une structure toute l'année, propose une forme qu'il convient de suivre dans son développement.

Mais le spectateur orpailleur à la recherche de ses pépites peut-il faire encore confiance aux venelles, aux rencontres de hasard quand les "Çà me sonne" et les "Zappeuls" étendent leurs pouvoirs locomotionnels ?

Du 6 au 29 juillet 2018.
Avignon Festival & Compagnies.
Siège social : 24, bd Saint-Michel - 84000 Avignon.
Standard : +33 (0)4 90 85 13 08.

>> Avignon Off, le site
>> Programme et billeterie

Jean Grapin
Vendredi 29 Juin 2018

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À Découvrir

•Off 2024• "Mon Petit Grand Frère" Récit salvateur d'un enfant traumatisé au bénéfice du devenir apaisé de l'adulte qu'il est devenu

Comment dire l'indicible, comment formuler les vagues souvenirs, les incertaines sensations qui furent captés, partiellement mémorisés à la petite enfance. Accoucher de cette résurgence voilée, diffuse, d'un drame familial ayant eu lieu à l'âge de deux ans est le parcours théâtral, étonnamment réussie, que nous offre Miguel-Ange Sarmiento avec "Mon petit grand frère". Ce qui aurait pu paraître une psychanalyse impudique devient alors une parole salvatrice porteuse d'un écho libératoire pour nos propres histoires douloureuses.

© Ève Pinel.
9 mars 1971, un petit bonhomme, dans les premiers pas de sa vie, goûte aux derniers instants du ravissement juvénile de voir sa maman souriante, heureuse. Mais, dans peu de temps, la fenêtre du bonheur va se refermer. Le drame n'est pas loin et le bonheur fait ses valises. À ce moment-là, personne ne le sait encore, mais les affres du destin se sont mis en marche, et plus rien ne sera comme avant.

En préambule du malheur à venir, le texte, traversant en permanence le pont entre narration réaliste et phrasé poétique, nous conduit à la découverte du quotidien plein de joie et de tendresse du pitchoun qu'est Miguel-Ange. Jeux d'enfants faits de marelle, de dinette, de billes, et de couchers sur la musique de Nounours et de "bonne nuit les petits". L'enfant est affectueux. "Je suis un garçon raisonnable. Je fais attention à ma maman. Je suis un bon garçon." Le bonheur est simple, mais joyeux et empli de tendresse.

Puis, entre dans la narration la disparition du grand frère de trois ans son aîné. La mort n'ayant, on le sait, aucune morale et aucun scrupule à commettre ses actes, antinaturelles lorsqu'il s'agit d'ôter la vie à un bambin. L'accident est acté et deux gamins dans le bassin sont décédés, ceux-ci n'ayant pu être ramenés à la vie. Là, se révèle l'avant et l'après. Le bonheur s'est enfui et rien ne sera plus comme avant.

Gil Chauveau
14/06/2024
Spectacle à la Une

•Off 2024• Lou Casa "Barbara & Brel" À nouveau un souffle singulier et virtuose passe sur l'œuvre de Barbara et de Brel

Ils sont peu nombreux ceux qui ont une réelle vision d'interprétation d'œuvres d'artistes "monuments" tels Brel, Barbara, Brassens, Piaf et bien d'autres. Lou Casa fait partie de ces rares virtuoses qui arrivent à imprimer leur signature sans effacer le filigrane du monstre sacré interprété. Après une relecture lumineuse en 2016 de quelques chansons de Barbara, voici le profond et solaire "Barbara & Brel".

© Betül Balkan.
Comme dans son précédent opus "À ce jour" (consacré à Barbara), Marc Casa est habité par ses choix, donnant un souffle original et unique à chaque titre choisi. Évitant musicalement l'écueil des orchestrations "datées" en optant systématiquement pour des sonorités contemporaines, chaque chanson est synonyme d'une grande richesse et variété instrumentales. Le timbre de la voix est prenant et fait montre à chaque fois d'une émouvante et artistique sincérité.

On retrouve dans cet album une réelle intensité pour chaque interprétation, une profondeur dans la tessiture, dans les tonalités exprimées dont on sent qu'elles puisent tant dans l'âme créatrice des illustres auteurs que dans les recoins intimes, les chemins de vie personnelle de Marc Casa, pour y mettre, dans une manière discrète et maîtrisée, emplie de sincérité, un peu de sa propre histoire.

"Nous mettons en écho des chansons de Barbara et Brel qui ont abordé les mêmes thèmes mais de manières différentes. L'idée est juste d'utiliser leur matière, leur art, tout en gardant une distance, en s'affranchissant de ce qu'ils sont, de ce qu'ils représentent aujourd'hui dans la culture populaire, dans la culture en général… qui est énorme !"

Gil Chauveau
19/06/2024
Spectacle à la Une

•Off 2024• "Un Chapeau de paille d'Italie" Une version singulière et explosive interrogeant nos libertés individuelles…

… face aux normalisations sociétales et idéologiques

Si l'art de générer des productions enthousiastes et inventives est incontestablement dans l'ADN de la compagnie L'Éternel Été, l'engagement citoyen fait aussi partie de la démarche créative de ses membres. La présente proposition ne déroge pas à la règle. Ainsi, Emmanuel Besnault et Benoît Gruel nous offrent une version décoiffante, vive, presque juvénile, mais diablement ancrée dans les problématiques actuelles, du "Chapeau de paille d'Italie"… pièce d'Eugène Labiche, véritable référence du vaudeville.

© Philippe Hanula.
L'argument, simple, n'en reste pas moins source de quiproquos, de riantes ficelles propres à la comédie et d'une bonne dose de situations grotesques, burlesques, voire absurdes. À l'aube d'un mariage des plus prometteurs avec la très florale Hélène – née sans doute dans les roses… ornant les pépinières parentales –, le fringant Fadinard se lance dans une quête effrénée pour récupérer un chapeau de paille d'Italie… Pour remplacer celui croqué – en guise de petit-déj ! – par un membre de la gent équestre, moteur exclusif de son hippomobile, ci-devant fiacre. À noter que le chapeau alimentaire appartenait à une belle – porteuse d'une alliance – en rendez-vous coupable avec un soldat, sans doute Apollon à ses heures perdues.

N'ayant pas vocation à pérenniser toute forme d'adaptation académique, nos deux metteurs en scène vont imaginer que cette histoire absurde est un songe, le songe d'une nuit… niché au creux du voyage ensommeillé de l'aimable Fadinard. Accrochez-vous à votre oreiller ! La pièce la plus célèbre de Labiche se transforme en une nouvelle comédie explosive, électro-onirique ! Comme un rêve habité de nounours dans un sommeil moelleux peuplé d'êtres extravagants en doudounes orange.

Gil Chauveau
26/03/2024