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Trib'Une

À mon âge... je me cache encore pour pleurer

La chronique d'Isa-belle L

"À mon âge, je me cache encore pour fumer"... J'ai cru que ma meilleure amie avait écrit son premier "one woman show" ! Mais non, rien à voir. Au théâtre ce soir, ce fut une toute autre histoire...



"À mon âge, je me cache encore pour fumer" © Bastien Capela.
"À mon âge, je me cache encore pour fumer" © Bastien Capela.
Trente-cinq ans de vie, vingt ans de cigarettes, vingt ans que ma brune préférée se tape des blondes en cachette ; ma brune, majeure et vaccinée qui, à son âge, "se cache encore pour fumer". Comme Fatima, dans son hammam. À Alger. Est-ce que ma meilleure amie aurait été capable d’aller jusqu’à Alger pour s’en griller une ?

Personnellement j’aurais aimé. Je ne me plains pas, j’étais déjà là. Avec elles, proche d’elles. Au deuxième rang. Assise confortablement à regarder et à me concentrer sur l’odeur qui m’a saisie les premières secondes écoulées quand le voile sur cette femme s’est levé. Oui. J’y étais. Vraiment. Avec elles. Dans ce hammam, totalement envoûtée par le parfum des huiles essentielles.

M’exfolier à leurs côtés. Au savon noir ou au Karité. Je les suis du regard et je les écoute parler. Progressivement elles arrivent. Voilées ou non. Scène de la vie quotidienne dans un Hammam à Alger - quartier de Bab el Oued.

Relaxée, les jambes coincées sous le siège, j’écoute ces femmes raconter, une vie, un pays. Ces femmes qui ne sont pas d’accord, qui se chamaillent, se massent entre elles et rient ensemble dans ce lieu unique, intime où règnent larmes, souvenirs, lueurs d’espoir et rayons de soleil.

Élisabeth Ventura (Samia) et Rébecca Finet (Nadia) © Bastien Capela.
Élisabeth Ventura (Samia) et Rébecca Finet (Nadia) © Bastien Capela.
Neuf femmes sur un plateau. Neuf existences. Des joies. Des peines. Des blessures. Des croyances. Extrêmes parfois. Neuf femmes servies sur un plateau et on se régale avec elles. Fatima, Zaya, Samia, Nadia, Louisa, Aïcha, Latifa... Yallah !

Rébellion, oppression, religion. Fous rires, désirs, s’enfuir. Amitié, quartier, liberté. Deux heures à Alger.

Il y a aussi Madame Mouni et puis Myriam. Choukran !

Myriam, sur scène s’apprête à donner la vie. Myriam : c’est Rayhana –-l’auteur de la pièce. Sur le papier, son bébé est dodu, affirmé et possède un caractère bien trempé. Un bébé riche aux couleurs multiples. Un regard, un visage que nous comprenons, suivons, aimons très vite sans voir le temps passé. Un bébé qui ressemble à la maman, sûrement. Tiens ! Je vais la féliciter : Mas Hallah !

L’histoire qu’elle raconte, nous la connaissons. On apprend peu de chose finalement. Qui n’a pas lu ? Entendu ? Vu ? Nul ne peut ignorer l'Algérie, les années sombres, les femmes qui aimeraient être libres, les autres qui refusent de lâcher le voile. Celles qui acceptent de rester à côté d’un mari violent, celles qui ne peuvent pas avoir d’enfant. Celles qui fuient pour éviter de perdre la vie et la vie qui, aussi, grandit dedans. C’était hier ? Aujourd’hui ? Et demain, ce sera différent ?

Neuf femmes sur un plateau. "Les reines" étaient six en novembre, on en retrouve neuf en janvier. En novembre, elles se battaient pour une couronne, en janvier, elles se battent pour leur liberté.

Six reines et neuf princesses = quinze tranches de vie. Mabrouk tahani !
Un souvenir me revient. Quinze ans : l’âge de ma meilleure amie quand elle a commencé à fumer.

Au théâtre 13, ce n’était pas son histoire mais celle de femmes dans un Hammam en Algérie. À la fin, j’ai sursauté. Un coup de feu a retenti, le voile s’est assombri. Je n’ai pas tout de suite applaudi. Dans mon fauteuil je me suis blottie. J’ai plongé discrètement ma main dans un sac trop rempli pour en sortir un mouchoir qui avait déjà servi. À mon âge… je me cache encore pour pleurer.

"À mon âge, je me cache encore pour fumer"

"À mon âge, je me cache encore pour fumer" © Bastien Capela.
"À mon âge, je me cache encore pour fumer" © Bastien Capela.
Comédie tragique de Rayhana.
Mise en scène : Fabian Chappuis.
Assistante à la mise en scène : Stéphanie Labbé.
Scénographie : Fabian Chappuis.
Avec : Marie Augereau (Fatima, masseuse), Géraldine Azouélos (Zaya, jeune intégriste), Paula Brunet Sancho (Madame Mouni, une immigrée en France), Linda Chaïb - en février - ou Élisabeth Ventura - en janvier - (Samia, masseuse), Rébecca Finet (Nadia, étudiante), Catherine Giron (Louisa, femme au foyer), Maria Laborit (Aïcha, belle-mère), Taïdir Ouazine (Latifa, institutrice) et Rayhana (Myriam).
Lumières : Franck Michallet.
Silhouette et régie plateau : Frédéric Meille.
Vidéo : Bastien Capela.
Musique : Arve Henriksen et Gaâda Diwane de Béchar.
Costumes : Rayhana assistée de Edouard Funck.
Conseil chorégraphique : Serge Ricci.
Voix : Éric Wolfer et Benjamin Penamaria.
Durée : 1 h 55 sans entracte.

Spectacle du 10 janvier au 19 février 2012.
Mardi, jeudi et samedi à 19 h 30, mercredi et vendredi à 20 h 30, dimanche à 15 h 30.
Théâtre 13/Seine, 30 rue du Chevaleret, Paris 13e, 01 45 88 62 22.
>> theatre13.com

Isabelle Lauriou
Mardi 31 Janvier 2012

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À Découvrir

"Différente" Carolina ou "Cada uno es un mundo (Chacun est un monde)"

Star internationale à la frange rouge, Carolina est de retour en France, après sa tournée mondiale. Heureuse de retrouver son public préféré, elle interprète en live des chansons populaires qui touchent le cœur de toutes les générations.

© Audrey Bären.
Mais qui est donc cette incontournable Carolina ? Ou, plus exactement, qui se cache derrière cette artiste plutôt extravagante, à la folie douce ? De qui est-elle l'extension, au juste ?

L'éternelle question autour de l'acte créatif nous interpelle souvent, et nous amène à nous demander quelles influences l'homme ou la femme ont-ils sur leurs "créatures" fabriquées de toutes pièces ! Quelles inspirations les ont portées ! Autant de questions qui peuvent nous traverser particulièrement l'esprit si tant est que l'on connaisse un peu l'histoire de Miguel-Ange Sarmiento !

Parce que ce n'est pas la première fois que Carolina monte sur scène… Décidément, elle en a des choses à nous dire, à chaque fois. Elle est intarissable. Ce n'est pas Rémi Cotta qui dira le contraire, lui qui l'accompagne depuis déjà dix ans et tire sur les ficelles bien huilées de sa vie bien remplie.

Rémi Cotta, artiste plasticien, graphiste, comédien, chanteur lyrique, ou encore metteur en scène, sait jouer de ses multiples talents artistiques pour confier une parole virevoltante à notre Carolina. Il suffit de se souvenir du très original "Carolina Show", en 2010, première émission de télé sans caméra ayant reçu de nombreux artistes connus ou moins connus ou le "Happy Show de Carolina", ainsi que les spectacles musicaux "Carolina, naissance d'une étoile", "Le Cabaret de Carolina", ou encore " Carolina, L'Intelligence Artificielle".

"Différente" est en réalité la maturation de plusieurs années de cabarets et de spectacles où Carolina chante pourquoi et comment elle est devenue une star internationale tout en traversant sa vie avec sa différence". Miguel-Ange Sarmiento.

Brigitte Corrigou
08/11/2024
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"Tout va très bien !" Le Grand Orchestre du Splendid, bon pied bon œil, revient avec de la musique sur tous les fronts

Voir les choses en grand tout en restant léger ! Prendre du plaisir et, surtout, en donner ! Voilà la philosophie du Grand orchestre du Splendid qui régale le public depuis 1977. Bientôt 50 ans… Bientôt le jubilé. "De la musique avant toute chose" et vivre, vivre, vivre…

© Aurélie Courteille.
En 1977, quelques amis musiciens professionnels se retrouvent entre eux et décident de s'amuser en réinterprétant des classiques tels que ceux de Ray Ventura ou de Duke Ellington. Ce qui ne devait être qu'un plaisir entre copains devient vite un succès immédiat qui dure depuis presque 50 ans. Mais quel est donc le secret de cette longévité entre rythmes endiablés, joyeuses cadences et show totalement désopilants ?

Ne le leur demandez pas ! Ils ne vous en diront rien… Si tant est qu'ils le sachent eux-mêmes, tant cette énergie semble ancrée en eux depuis toutes ces années, indéfectible, salvatrice et impérissable.

Entre swing, jazz, salsa, reggae – quatre de leurs principales influences –, ou encore fiesta et mises en scène délirantes, les quatorze chanteuses et musiciens de l'Orchestre mythique enchantent le public, sur la scène du Café de la Gare, depuis le 11 novembre. Comme à leurs premières heures, et en échappant pourtant aux codes et impératifs de la mode, ils nous donnent irrésistiblement envie de monter sur scène pour danser à leurs côtés sur le plateau, frétiller, sautiller, et tout oublier l'espace de quelques instants. Leur énergie communicative est sans failles, et gagne sans commune mesure toutes les générations. Les cuivres étincellent. Les voix brillent de mille feux sonores.

Brigitte Corrigou
13/11/2024
Spectacle à la Une

"Jacques et Chirac" Un "Magouille blues"* décapant et burlesque n'occultant pas le mythe du président sympa et séducteur

Une comédie satirique enjouée sur le pouvoir, le mensonge et la Cinquième République portée par une distribution tonitruante et enthousiaste, dégustant avec gourmandise le texte de Régis Vlachos pour en offrir la clownesque et didactique substantifique moelle aux spectateurs. Cela est rendu aussi possible grâce à l'art sensible et maîtrisé de l'écriture de l'auteur qui mêle recherche documentaire affinée, humour décapant et bouffonnerie chamarrée pour dévoiler les tours et contours d'un Jacques sans qui Chirac ne serait rien.

© Fabienne Rappeneau.
Portraitiste décalé et impertinent d'une Histoire de France ou de l'Humanité aux galbes pas toujours gracieux dont surgissent parfois les affres de notre condition humaine, Régis Vlachos, "Cabaret Louise" (Louise Michel), "Dieu est mort" (Dieu, mieux vaut en rire)"Little Boy" (nom de la bombe larguée sur Hiroshima), revient avec un nouveau spectacle (création 2023) inspiré d'un des plus grands scandales de notre histoire contemporaine : la Françafrique. Et qui d'autre que Jacques Chirac – l'homme qui faisait la bise aux dictateurs – pouvait être convoqué au "tribunal" du rire et de la fantaisie par l'auteur facétieux, mais doté d'une conscience politique aiguë, qu'est Régis Vlachos.

Le président disparu en 2019 fut un homme complexe composé du Chirac "bulldozer" en politique, menteur, magouilleur, et du Jacques, individu affable, charmeur, mettant autant la main au cul des vaches que des femmes. Celui-ci fut d'abord attiré le communisme pour ses idéaux pacifistes. Il vendra même L'Humanité-dimanche devant l'église Saint-Sulpice.

La diversité des personnalités importantes qui marquèrent le début de son chemin politique joue tout autant la complexité : Michel Rocard, André Malraux et, bien sûr, Georges Pompidou comme modèle, Marie-France Garaud, Pierre Juillet… et Dassault comme portefeuille ! Le tout agrémenté de nombre de symboles forts et de cafouillages désastreux : le bruit et l'odeur, la pomme, le cul des vaches, les vacances à l'île Maurice, les amitiés avec les despotes infréquentables, l'affaire ELF, etc.

Gil Chauveau
03/11/2024