La Revue du Spectacle, le magazine des arts de la scène et du spectacle vivant. Infos théâtre, chanson, café-théâtre, cirque, arts de la rue, agenda, CD, etc.



Augmenter la taille du texte
Diminuer la taille du texte
Partager
Cirque & Rue

"A Simple Space" Acrobaties aériennes contre force gravitationnelle

Ils sont huit artistes à défier la gravitation qui ancre, entre autres, la plante des pieds des êtres humains sur la surface terrestre, avec des figures acrobatiques en solo ou en groupe, dans une configuration de jeux et de concours entre eux. La création de la compagnie australienne "Gravity & other myths" offre avec "A simple space", un spectacle dans lequel le sourire et la jovialité font cause commune avec la poésie de l'art circassien.



© Steve Ullathorn.
© Steve Ullathorn.
C'est une petite scène noire rectangulaire délimitée par des poteaux de lumières situés à l'angle de chacun des côtés de celle-ci et qui l'éclairent dans des clairs-obscurs. La scénographie ressemble à un ring avec côtés gauche et droit des sièges où les spectateurs s'installent. Nous sommes ainsi dans une configuration où la scène est vue comme lieu de représentation par une partie du public et pour le reste de l'assistance comme observateur à la fois interne et externe à cette configuration. Cette double focale visuelle donne un regard croisé entre observations omniscientes brassant les planches pour une partie de l'assistance dans leur objet de représentation quand pour l'autre, ils sont spectateurs en lieu et place du public.

À l'entame, en arrière-fond du plateau, nos artistes sont sur une ligne de départ et démarrent avec des courses et des sauts périlleux, arrière, avant selon le moment de la représentation. Ou tout à la fois aussi dans un même tableau.

© Steve Ullathorn.
© Steve Ullathorn.
Le propos artistique n'est pas uniquement dans les acrobaties, même si certaines sont très originales, voire étonnantes. Cette pratique existant depuis tant d'années, l'intérêt de cette création peut aussi se loger dans un autre balcon. Il est avant tout dans un rapport à l'espace, à soi et à l'autre basé sur une confiance "aveugle" réciproque et une impression de simplicité d'exécution décorrélée de la difficulté des figures. La majorité des mouvements prend naissance, car les artistes sont en appui des uns et des autres.

Un corps qui tombe en arrière à un endroit se trouve arrêté avant même de toucher le sol, en écho à ce qui se joue ailleurs au même moment pour la même figure. C'est une sorte de défi lancé par les protagonistes contre une force gravitationnelle, des poids contre la légèreté, du solide contre l'air, de l'éther contre la force newtonienne. Le tout devient un mariage où l'un se nourrit de l'autre, tel un combat commun qui trouve un équilibre heureux.

Les corps deviennent élastiques. Tout est bascule, chute et reprise. Ils sont huit composés de deux femmes et six hommes. Certains glissent leurs pieds en haut des troncs de leurs alter égos afin de marcher d'épaule en épaule en traversant les planches. Ailleurs, il y a une artiste qui marche sur une mer de corps allongés en posant son pied sur des torses et des mains qui se lèvent. Les trajectoires se retrouvent souvent dans les airs où l'équilibre est plus proche de la culbute que de la route droite.

Plus loin, un concours de sauts périlleux arrière s'effectue entre trois circassiens. Ce n'est pas le seul. Ce type de jeu se poursuit tout au long de la représentation. Les visages sont rayonnants et souriants. Tout est fait au travers de la simplicité et de l'humour avec un côté guilleret.

Dans un ensemble de duos, des interprètes sont lancés en diagonale tels des objets à hauteur des torses et prennent la forme et l'allure de virgule. Comme des masses dont on testerait à la fois les énergies cinétiques et potentielles ainsi que les forces de frottement. Ici élastiques, là raides ou courbes, plus loin légers comme des plumes, ils sont mis dans de multiples configurations où le comique de situation a aussi sa place, comme avec ces sauts à la corde entre trois interprètes.

© Chris Herzfeld.
© Chris Herzfeld.
À la lisière de la scène, il y a un batteur qui bat la mesure côté jardin, que nous retrouvons un moment, seul sur les planches, pour un numéro de percussions corporelles, avec la paume des mains qui tape sur le torse, le ventre, les jambes et où le public est aussi convié. Il y a aussi, tête posée au sol sur un ruban de mousse, cet acrobate qui fait son rubik's cube.

Le spectacle semble aussi simple que surprenant, aussi évident que la force gravitationnelle qui nous tient debout. "A Simple Space" a été joué près de 1 000 fois et a tourné dans 34 pays et 6 continents.

"A Simple Space"

© Chris Herzfeld.
© Chris Herzfeld.
Création : Martin Schreiber, Lachlam Binns, Jascha Boyce, Jacob Randell, Triton Tunis-Mitchell.
Avec : Alyssa Moore, Annalise Moore, Axel Osborne, André Augustus, Jacob Randell, Kevin Beverley, Lachlan Harper, Nick Martyn.
Composition : Elliot Zoerner.
Par la compagnie "A Gravity and Other Myths".
Tout public dès cinq ans.
Durée : 1 h.
Avec le soutien d'Arts South Australia.

Du 12 au 31 décembre 2023.
Du mardi au vendredi à 20 h, samedi à 18 h, dimanche à 16 h.
La Villette, Espace Chapiteau, Paris 19e, 01 40 03 75 75.
>> lavillette.com

Safidin Alouache
Vendredi 22 Décembre 2023

Nouveau commentaire :

Théâtre | Danse | Concerts & Lyrique | À l'affiche | À l'affiche bis | Cirque & Rue | Humour | Festivals | Pitchouns | Paroles & Musique | Avignon 2017 | Avignon 2018 | Avignon 2019 | CédéDévédé | Trib'Une | RV du Jour | Pièce du boucher | Coulisses & Cie | Coin de l’œil | Archives | Avignon 2021 | Avignon 2022 | Avignon 2023 | Avignon 2024 | À l'affiche ter




Numéros Papier

Anciens Numéros de La Revue du Spectacle (10)

Vente des numéros "Collectors" de La Revue du Spectacle.
10 euros l'exemplaire, frais de port compris.






À Découvrir

"La Chute" Une adaptation réussie portée par un jeu d'une force organique hors du commun

Dans un bar à matelots d'Amsterdam, le Mexico-City, un homme interpelle un autre homme.
Une longue conversation s'initie entre eux. Jean-Baptiste Clamence, le narrateur, exerçant dans ce bar l'intriguant métier de juge-pénitent, fait lui-même les questions et les réponses face à son interlocuteur muet.

© Philippe Hanula.
Il commence alors à lever le voile sur son passé glorieux et sa vie d'avocat parisien. Une vie réussie et brillante, jusqu'au jour où il croise une jeune femme sur le pont Royal à Paris, et qu'elle se jette dans la Seine juste après son passage. Il ne fera rien pour tenter de la sauver. Dès lors, Clamence commence sa "chute" et finit par se remémorer les événements noirs de son passé.

Il en est ainsi à chaque fois que nous prévoyons d'assister à une adaptation d'une œuvre d'Albert Camus : un frémissement d'incertitude et la crainte bien tangible d'être déçue nous titillent systématiquement. Car nous portons l'auteur en question au pinacle, tout comme Jacques Galaud, l'enseignant-initiateur bien inspiré auprès du comédien auquel, il a proposé, un jour, cette adaptation.

Pas de raison particulière pour que, cette fois-ci, il en eût été autrement… D'autant plus qu'à nos yeux, ce roman de Camus recèle en lui bien des considérations qui nous sont propres depuis toujours : le moi, la conscience, le sens de la vie, l'absurdité de cette dernière, la solitude, la culpabilité. Entre autres.

Brigitte Corrigou
09/10/2024
Spectacle à la Une

"Dub" Unité et harmonie dans la différence !

La dernière création d'Amala Dianor nous plonge dans l'univers du Dub. Au travers de différents tableaux, le chorégraphe manie avec rythme et subtilité les multiples visages du 6ᵉ art dans lequel il bâtit un puzzle artistique où ce qui lie l'ensemble est une gestuelle en opposition de styles, à la fois virevoltante et hachée, qu'ondulante et courbe.

© Pierre Gondard.
En arrière-scène, dans une lumière un peu sombre, la scénographie laisse découvrir sept grands carrés vides disposés les uns sur les autres. Celui situé en bas et au centre dessine une entrée. L'ensemble représente ainsi une maison, grande demeure avec ses pièces vides.

Devant cette scénographie, onze danseurs investissent les planches à tour de rôle, chacun y apportant sa griffe, sa marque par le style de danse qu'il incarne, comme à l'image du Dub, genre musical issu du reggae jamaïcain dont l'origine est due à une erreur de gravure de disque de l'ingénieur du son Osbourne Ruddock, alias King Tubby, en mettant du reggae en version instrumentale. En 1967, en Jamaïque, le disc-jockey Rudy Redwood va le diffuser dans un dance floor. Le succès est immédiat.

L'apogée du Dub a eu lieu dans les années soixante-dix jusqu'au milieu des années quatre-vingt. Les codes ont changé depuis, le mariage d'une hétérogénéité de tendances musicales est, depuis de nombreuses années, devenu courant. Le Dub met en exergue le couple rythmique basse et batterie en lui incorporant des effets sonores. Awir Leon, situé côté jardin derrière sa table de mixage, est aux commandes.

Safidin Alouache
17/12/2024
Spectacle à la Une

"R.O.B.I.N." Un spectacle jeune public intelligent et porteur de sens

Le trio d'auteurs, Clémence Barbier, Paul Moulin, Maïa Sandoz, s'emparent du mythique Robin des Bois avec une totale liberté. L'histoire ne se situe plus dans un passé lointain fait de combats de flèches et d'épées, mais dans une réalité explicitement beaucoup plus proche de nous : une ville moderne, sécuritaire. Dans cette adaptation destinée au jeune public, Robin est un enfant vivant pauvrement avec sa mère et sa sœur dans une sorte de cité tenue d'une main de fer par un être sans scrupules, richissime et profiteur.

© DR.
C'est l'injustice sociale que les auteurs et la metteure en scène Maïa Sandoz veulent mettre au premier plan des thèmes abordés. Notre époque, qui veut que les riches soient de plus en plus riches et les pauvres de plus pauvres, sert de caisse de résonance extrêmement puissante à cette intention. Rien n'étonne, en fait, lorsque la mère de Robin et de sa sœur, Christabelle, est jetée en prison pour avoir volé un peu de nourriture dans un supermarché pour nourrir ses enfants suite à la perte de son emploi et la disparition du père. Une histoire presque banale dans notre monde, mais un acte que le bon sens répugne à condamner, tandis que les lois économiques et politiques condamnent sans aucune conscience.

Le spectacle s'adresse au sens inné de la justice que portent en eux les enfants pour, en partant de cette situation aux allures tristement documentaires et réalistes, les emporter vers une fiction porteuse d'espoir, de rires et de rêves. Les enfants Robin et Christabelle échappent aux services sociaux d'aide à l'enfance pour s'introduire dans la forêt interdite et commencer une vie affranchie des règles injustes de la cité et de leur maître, quitte à risquer les foudres de la justice.

Bruno Fougniès
13/12/2024