La Revue du Spectacle, le magazine des arts de la scène et du spectacle vivant. Infos théâtre, chanson, café-théâtre, cirque, arts de la rue, agenda, CD, etc.



Augmenter la taille du texte
Diminuer la taille du texte
Partager
Théâtre

Klaxon, trompettes et pétarades... une tempête vitale et généreuse... Un feu d'artifice !

"Klaxon, trompettes... et pétarades", Théâtre 14, Paris

En cette période grillosconi*, il est bon de découvrir (redécouvrir) l’œuvre de Dario Fo. Cet artisan du théâtre, alerte octogénaire nobélisé, puise depuis près de soixante ans dans le monde contemporain, revivifie et actualise un répertoire qui a fait ses preuves depuis des siècles et des siècles : celui de la farce. Très tôt lucide quant aux luttes qui animent la société et connaissant la force des fables populaires, Dario Fo détient un savoir-faire ludique critique et politique unique.



© Victor Tonnelli.
© Victor Tonnelli.
C’est ainsi que, dans le canevas de sa "commedia dell’arte" contemporaine "Klaxon, trompettes... et pétarades", le grand patron de la Fiat Agnelli échappe à un attentat et dans la confusion subit une opération chirurgicale qui lui donne l’apparence de l’ouvrier qui l’a sauvé in extremis…

Écrite en 1981 durant une période noire d’attentats qui culmine avec l’enlèvement et l’assassinat d’Aldo Moro, la pièce est grotesque, triviale, et ouvertement polémique. Elle entremêle les fondamentaux de la farce et du discours politique, contrebat (et avec quelle efficacité) toute convenance correcte et bienséante, brise le cercle du tragique et propose le rire en antidote.

Dans un talent très italien de contre bonimenteur jusqu’au-boutiste, l’auteur inverse les propositions, lie le pessimisme de l’intelligence et l’optimisme de la volonté. Visionnaire, il touche au génie.

© Victor Tonnelli.
© Victor Tonnelli.
Frappant juste tous les préjugés, retournant tous les arguments. Les coups pleuvent à égalité sur les puissants, les princes que sont les grands patrons et sur le petit peuple, l’ouvrier naïf et rusé, ou couard et tondu.

La fiction devient un piège pour la réalité. Et Marc Prin qui met en scène restitue la tempête qui est sous les crânes tout autant que sur le plateau. Quel cirque ! Quel feu d’artifice !

À la fois vitale et généreuse, la pièce est une machine à broyer les personnages et une machine à jouer pour les comédiens.

Et ceux-ci s’en donnent à cœur joie.

Car, dans "Klaxon, trompettes... et pétarades", c’est bien de joie qu’il faut parler. Ce rire qui ne recule devant rien, fût-il obscène, fût-il saignant, a la bienveillance pour moteur. Il est de complicité directe avec le public. Et la tragédie engendre la comédie. Désopilant, réconfortant. Et pan sur le bec de Warren Buffet qui a dernièrement déclaré : "La guerre des classes existe, c’est la mienne qui est en train de gagner".

*Contraction de Beppe Grillo et Berlusconi en usage actuellement en Italie.

"Klaxon, trompettes... et pétarades"

© Victor Tonnelli.
© Victor Tonnelli.
Texte : Dario Fo.
Traduction : Marie-France Sidet.
Mise en scène, scénographie et costumes : Marc Prin.
Assistante à la mise en scène : Ana-Lucia Luna.
Avec : Céline Dupuis (Rosa), Anne Dupuis (le médecin), Gérald Cesbron (le commissaire), Gilles Ostrowsky, (Antonio/Sosie), Milena Esturgie (Lucia/La juge).
Dramaturgie : Julien Dieudonné.
Lumières Pierre Montessuit,
Masques, perruques et maquillages : Marie Messien.
Accessoiriste : Patrick Laganne.
Arrangements & compositions musicales : Valérie Bajcsa & Marc Delhaye.
Cie Théâtre à bout portant.
Durée : 1 h 40 sans entracte.

Du 12 mars au 27 avril 2013
Mardi et vendredi à 20 h 30, mercredi et jeudi à 19 h, samedi à 16 h et 20 h 30.
Théâtre 14, Paris 14e, 01 45 45 49 77.
>> theatre14.fr

Jean Grapin
Mardi 12 Mars 2013

Nouveau commentaire :

Théâtre | Danse | Concerts & Lyrique | À l'affiche | À l'affiche bis | Cirque & Rue | Humour | Festivals | Pitchouns | Paroles & Musique | Avignon 2017 | Avignon 2018 | Avignon 2019 | CédéDévédé | Trib'Une | RV du Jour | Pièce du boucher | Coulisses & Cie | Coin de l’œil | Archives | Avignon 2021 | Avignon 2022 | Avignon 2023 | Avignon 2024 | À l'affiche ter





Numéros Papier

Anciens Numéros de La Revue du Spectacle (10)

Vente des numéros "Collectors" de La Revue du Spectacle.
10 euros l'exemplaire, frais de port compris.






À Découvrir

"La Chute" Une adaptation réussie portée par un jeu d'une force organique hors du commun

Dans un bar à matelots d'Amsterdam, le Mexico-City, un homme interpelle un autre homme.
Une longue conversation s'initie entre eux. Jean-Baptiste Clamence, le narrateur, exerçant dans ce bar l'intriguant métier de juge-pénitent, fait lui-même les questions et les réponses face à son interlocuteur muet.

© Philippe Hanula.
Il commence alors à lever le voile sur son passé glorieux et sa vie d'avocat parisien. Une vie réussie et brillante, jusqu'au jour où il croise une jeune femme sur le pont Royal à Paris, et qu'elle se jette dans la Seine juste après son passage. Il ne fera rien pour tenter de la sauver. Dès lors, Clamence commence sa "chute" et finit par se remémorer les événements noirs de son passé.

Il en est ainsi à chaque fois que nous prévoyons d'assister à une adaptation d'une œuvre d'Albert Camus : un frémissement d'incertitude et la crainte bien tangible d'être déçue nous titillent systématiquement. Car nous portons l'auteur en question au pinacle, tout comme Jacques Galaud, l'enseignant-initiateur bien inspiré auprès du comédien auquel, il a proposé, un jour, cette adaptation.

Pas de raison particulière pour que, cette fois-ci, il en eût été autrement… D'autant plus qu'à nos yeux, ce roman de Camus recèle en lui bien des considérations qui nous sont propres depuis toujours : le moi, la conscience, le sens de la vie, l'absurdité de cette dernière, la solitude, la culpabilité. Entre autres.

Brigitte Corrigou
09/10/2024
Spectacle à la Une

"Dub" Unité et harmonie dans la différence !

La dernière création d'Amala Dianor nous plonge dans l'univers du Dub. Au travers de différents tableaux, le chorégraphe manie avec rythme et subtilité les multiples visages du 6ᵉ art dans lequel il bâtit un puzzle artistique où ce qui lie l'ensemble est une gestuelle en opposition de styles, à la fois virevoltante et hachée, qu'ondulante et courbe.

© Pierre Gondard.
En arrière-scène, dans une lumière un peu sombre, la scénographie laisse découvrir sept grands carrés vides disposés les uns sur les autres. Celui situé en bas et au centre dessine une entrée. L'ensemble représente ainsi une maison, grande demeure avec ses pièces vides.

Devant cette scénographie, onze danseurs investissent les planches à tour de rôle, chacun y apportant sa griffe, sa marque par le style de danse qu'il incarne, comme à l'image du Dub, genre musical issu du reggae jamaïcain dont l'origine est due à une erreur de gravure de disque de l'ingénieur du son Osbourne Ruddock, alias King Tubby, en mettant du reggae en version instrumentale. En 1967, en Jamaïque, le disc-jockey Rudy Redwood va le diffuser dans un dance floor. Le succès est immédiat.

L'apogée du Dub a eu lieu dans les années soixante-dix jusqu'au milieu des années quatre-vingt. Les codes ont changé depuis, le mariage d'une hétérogénéité de tendances musicales est, depuis de nombreuses années, devenu courant. Le Dub met en exergue le couple rythmique basse et batterie en lui incorporant des effets sonores. Awir Leon, situé côté jardin derrière sa table de mixage, est aux commandes.

Safidin Alouache
17/12/2024
Spectacle à la Une

"La vie secrète des vieux" Aimer même trop, même mal… Aimer jusqu'à la déchirure

"Telle est ma quête", ainsi parlait l'Homme de la Mancha de Jacques Brel au Théâtre des Champs-Élysées en 1968… Une quête qu'ont fait leur cette troupe de vieux messieurs et vieilles dames "indignes" (cf. "La vieille dame indigne" de René Allio, 1965, véritable ode à la liberté) avides de vivre "jusqu'au bout" (ouaf… la crudité revendiquée de leur langue émancipée y autorise) ce qui constitue, n'en déplaise aux catholiques conservateurs, le sel de l'existence. Autour de leur metteur en scène, Mohamed El Khatib, ils vont bousculer les règles de la bienséance apprise pour dire sereinement l'amour chevillé au corps des vieux.

© Christophe Raynaud de Lage.
Votre ticket n'est plus valable. Prenez vos pilules, jouez au Monopoly, au Scrabble, regardez la télé… des jeux de votre âge quoi ! Et surtout, ayez la dignité d'attendre la mort en silence, on ne veut pas entendre vos jérémiades et – encore moins ! – vos chuchotements de plaisir et vos cris d'amour… Mohamed El Khatib, fin observateur des us et coutumes de nos sociétés occidentales, a documenté son projet théâtral par une série d'entretiens pris sur le vif en Ehpad au moment de la Covid, des mouroirs avec eau et électricité à tous les étages. Autour de lui et d'une aide-soignante, artiste professionnelle pétillante de malice, vont exister pleinement huit vieux et vieilles revendiquant avec une belle tranquillité leur droit au sexe et à l'amour (ce sont, aussi, des sentimentaux, pas que des addicts de la baise).

Un fauteuil roulant poussé par un vieux très guilleret fait son entrée… On nous avertit alors qu'en fonction du grand âge des participant(e)s au plateau, et malgré les deux défibrillateurs à disposition, certain(e)s sont susceptibles de mourir sur scène, ce qui – on l'admettra aisément – est un meilleur destin que mourir en Ehpad… Humour noir et vieilles dentelles, le ton est donné. De son fauteuil, la doyenne de la troupe, 91 ans, Belge et ancienne présentatrice du journal TV, va ar-ti-cu-ler son texte, elle qui a renoncé à son abonnement à la Comédie-Française car "ils" ne savent plus scander, un vrai scandale ! Confiant plus sérieusement que, ce qui lui manque aujourd'hui – elle qui a eu la chance d'avoir beaucoup d'hommes –, c'est d'embrasser quelqu'un sur la bouche et de manquer à quelqu'un.

Yves Kafka
30/08/2024