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Théâtre

Avignon Off 2012 : Management par une terreur froide... Ou le diktat de la productivité et du marketing

Avignon Off 2012, "Les Travaux et les Jours", Théâtre des Lucioles, Avignon

Dans l’entreprise familiale décrite par Michel Vinaver dans "Les Travaux et les Jours", le service après-vente n’a pas beaucoup d’activité car le produit phare, le moulin à café, est simple fiable et de qualité. Le petit service après-vente dans son quotidien parait donc un peu désœuvré…



© Philippe Cibille.
© Philippe Cibille.
C’est un microcosme humain à dominante féminine vivant sur lui-même, installé dans la très longue durée et dont le vieillissement est quasi invisible. Le texte s’appuie rythmiquement sur le retour périodique de dialogues et d’apartés qui, avec ses ellipses, ses leitmotiv, fondent comme un chant poétique.

Amours, jalousies, espérances et droit de cuissage bonhomme… le spectateur se glisse avec plaisir dans une forme de banalité d’un quotidien pittoresque et à bien des égards naïf. Sous la plume de l’auteur un brin ironique, ce monde de plein emploi et de petits salaires est hésiodique. Il a le parfum d’un parfum de paradis perdu sur lequel les dirigeants, comme des dieux antiques bien éloignés et invisibles, vont fondre avec fureur.
Management par une terreur froide.

© Philippe Cibille.
© Philippe Cibille.
Traitée par Valérie Grail comme un roman photo acidulé dans lequel chaque personnage a ses silences, sa profondeur, ses illusions, sa tragédie, la pièce prend la couleur d’une comédie acidulée. Comme si elle avait été visionnée par un Godard jeune ou un Jacques Tati en pleine forme. Elle apparait d’autant plus douce et amère qu’elle apparaît rétrospectivement prémonitoire.

L’auteur en fin observateur du monde du travail décrit avec scrupule et clairvoyance les effets de la modernisation fatale des années soixante-dix qui aura effacé les signes extérieurs de l’humain : les papotages, les images punaisées ou pincées au bras du téléphone, et fait apparaitre l’inquiétude sourde sur le sort de chacun : le diktat de la productivité et du marketing.

© Philippe Cibille.
© Philippe Cibille.
À l’heure où les circuits de distribution et de production sont absorbés à leur tour par l’automatisation, le spectateur ne peut qu’écouter avec attention les allusions sur l’obsolescence programmée, la disparition de la SAV au profit de la vente, les flux tendus, la mesure de la productivité avec ses indicateurs d’activité pervers, la contraction de la masse salariale.

Il ne peut s’empêcher de penser avec sourire que les clavardages et téléchargements d’images réinventent un désordre humain très humain dans les process.
Dans "Les Travaux et les Jours", le théâtre démontre sa capacité à parler le monde avec le plaisir pour compagnon.

"Les Travaux et les Jours"

© Philippe Cibille.
© Philippe Cibille.
Texte : Michel Vinaver.
Mise en scène : Valérie Grail.
Scénographie : Charlotte Villermet.
Musique originale : Stefano Genovese.
Lumières : Christophe Bruyas.
Avec : Cédric David, Luc Ducros, Agathe L’Huillier, Julie Ménard, Mireille Roussel.
Durée : 1 h 25.

Spectacle du 25 avril au 2 juin 2012.
Du mardi au samedi à 21 h 30.
Théâtre Le Lucernaire, Paris 6e, 01 45 44 57 34.
>> lucernaire.fr

Avignon Off 2012
Spectacle du 7 au 28 juillet 2012.
Tous les jours à 16 h 35.
Théâtre des Lucioles, 10, rue rempart Saint-Lazare, Avignon, 04 90 14 05 51.

Jean Grapin
Lundi 30 Avril 2012

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•Off 2024• "Mon Petit Grand Frère" Récit salvateur d'un enfant traumatisé au bénéfice du devenir apaisé de l'adulte qu'il est devenu

Comment dire l'indicible, comment formuler les vagues souvenirs, les incertaines sensations qui furent captés, partiellement mémorisés à la petite enfance. Accoucher de cette résurgence voilée, diffuse, d'un drame familial ayant eu lieu à l'âge de deux ans est le parcours théâtral, étonnamment réussie, que nous offre Miguel-Ange Sarmiento avec "Mon petit grand frère". Ce qui aurait pu paraître une psychanalyse impudique devient alors une parole salvatrice porteuse d'un écho libératoire pour nos propres histoires douloureuses.

© Ève Pinel.
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En préambule du malheur à venir, le texte, traversant en permanence le pont entre narration réaliste et phrasé poétique, nous conduit à la découverte du quotidien plein de joie et de tendresse du pitchoun qu'est Miguel-Ange. Jeux d'enfants faits de marelle, de dinette, de billes, et de couchers sur la musique de Nounours et de "bonne nuit les petits". L'enfant est affectueux. "Je suis un garçon raisonnable. Je fais attention à ma maman. Je suis un bon garçon." Le bonheur est simple, mais joyeux et empli de tendresse.

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Ils sont peu nombreux ceux qui ont une réelle vision d'interprétation d'œuvres d'artistes "monuments" tels Brel, Barbara, Brassens, Piaf et bien d'autres. Lou Casa fait partie de ces rares virtuoses qui arrivent à imprimer leur signature sans effacer le filigrane du monstre sacré interprété. Après une relecture lumineuse en 2016 de quelques chansons de Barbara, voici le profond et solaire "Barbara & Brel".

© Betül Balkan.
Comme dans son précédent opus "À ce jour" (consacré à Barbara), Marc Casa est habité par ses choix, donnant un souffle original et unique à chaque titre choisi. Évitant musicalement l'écueil des orchestrations "datées" en optant systématiquement pour des sonorités contemporaines, chaque chanson est synonyme d'une grande richesse et variété instrumentales. Le timbre de la voix est prenant et fait montre à chaque fois d'une émouvante et artistique sincérité.

On retrouve dans cet album une réelle intensité pour chaque interprétation, une profondeur dans la tessiture, dans les tonalités exprimées dont on sent qu'elles puisent tant dans l'âme créatrice des illustres auteurs que dans les recoins intimes, les chemins de vie personnelle de Marc Casa, pour y mettre, dans une manière discrète et maîtrisée, emplie de sincérité, un peu de sa propre histoire.

"Nous mettons en écho des chansons de Barbara et Brel qui ont abordé les mêmes thèmes mais de manières différentes. L'idée est juste d'utiliser leur matière, leur art, tout en gardant une distance, en s'affranchissant de ce qu'ils sont, de ce qu'ils représentent aujourd'hui dans la culture populaire, dans la culture en général… qui est énorme !"

Gil Chauveau
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… face aux normalisations sociétales et idéologiques

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© Philippe Hanula.
L'argument, simple, n'en reste pas moins source de quiproquos, de riantes ficelles propres à la comédie et d'une bonne dose de situations grotesques, burlesques, voire absurdes. À l'aube d'un mariage des plus prometteurs avec la très florale Hélène – née sans doute dans les roses… ornant les pépinières parentales –, le fringant Fadinard se lance dans une quête effrénée pour récupérer un chapeau de paille d'Italie… Pour remplacer celui croqué – en guise de petit-déj ! – par un membre de la gent équestre, moteur exclusif de son hippomobile, ci-devant fiacre. À noter que le chapeau alimentaire appartenait à une belle – porteuse d'une alliance – en rendez-vous coupable avec un soldat, sans doute Apollon à ses heures perdues.

N'ayant pas vocation à pérenniser toute forme d'adaptation académique, nos deux metteurs en scène vont imaginer que cette histoire absurde est un songe, le songe d'une nuit… niché au creux du voyage ensommeillé de l'aimable Fadinard. Accrochez-vous à votre oreiller ! La pièce la plus célèbre de Labiche se transforme en une nouvelle comédie explosive, électro-onirique ! Comme un rêve habité de nounours dans un sommeil moelleux peuplé d'êtres extravagants en doudounes orange.

Gil Chauveau
26/03/2024