La question était sur toutes les lèvres : comment, quel que soit son avéré savoir-faire, Thomas Ostermeier allait-il pouvoir "faire théâtre" d'un essai de la densité de celui écrit par le sociologue rémois ? La réponse est donnée avec éclat par le plateau, transformé en studio de postproduction où s'activent un réalisateur, un propriétaire de studio et une actrice enregistrant le texte original pendant que des images d'époque défilent sur grand écran. Trois comédiens percutants se font les authentiques passeurs de ces mises en abyme bluffantes.
Quand la comédienne - jouant l'actrice - prend place derrière le micro, s'apprêtant à enregistrer le récit critique rédigé à la première personne, des images du voyage retour de Paris à Reims défilent à vive allure. Lignes de fuite de champs monotones et de rails fuyant vers l'horizon, compartiment où un homme assis - que l'on devine être Didier Éribon, l'auteur - semble perdu dans des pensées contemplatives se mêlant aux paysages entrevus.
Le dispositif liminaire perdurera, uniquement interrompu par les pauses suscitées par le débat "en direct" entre les trois personnages - doubles des spectateurs réunis pour les entendre -, se frottant les uns aux autres pour questionner, chacun, de la place sociale qu'il occupe, les dires du sociologue et l'interprétation que le réalisateur entend leur donner.
Quand la comédienne - jouant l'actrice - prend place derrière le micro, s'apprêtant à enregistrer le récit critique rédigé à la première personne, des images du voyage retour de Paris à Reims défilent à vive allure. Lignes de fuite de champs monotones et de rails fuyant vers l'horizon, compartiment où un homme assis - que l'on devine être Didier Éribon, l'auteur - semble perdu dans des pensées contemplatives se mêlant aux paysages entrevus.
Le dispositif liminaire perdurera, uniquement interrompu par les pauses suscitées par le débat "en direct" entre les trois personnages - doubles des spectateurs réunis pour les entendre -, se frottant les uns aux autres pour questionner, chacun, de la place sociale qu'il occupe, les dires du sociologue et l'interprétation que le réalisateur entend leur donner.
Histoire d'un retour aux sources d'un jeune homme se questionnant enfin sur la honte sociale héritée. Né de parents cabossés par l'existence des prolétaires dont les organismes malmenés portent à jamais les stigmates de leur corps social d'appartenance, il a rompu délibérément avec ses origines et décide de "se réparer" en retissant le fil le reliant à son milieu.
Sans autres horizons d'attente que la misère qui l'engluait, répétant à l'envi le destin hérité, le père décédé récemment, semblable aux ouvriers de Zola trouvant dans l'alcool un refuge pour l'oubli, faisait figure de repoussoir. Mais que savait-il réellement de son existence, ce fils devenu grand clerc, échappant aux rigueurs de sa classe grâce (sic) à son homosexualité l'ayant conduit à la fuir très tôt pour fréquenter les milieux cultivés parisiens ?
Des fragments de passé fixé sur les clichés argentiques aux bords dentelés, extraits de boîtes à chaussures par une mère émue, au matériel critique apporté par les hautes études sociales vécues comme une planche de salut, tout fait sens pour le sociologue. L'approche sensible de la mémoire en miettes, étayée par des images d'archives réifiant en noir et blanc les cités ouvrières des années d'après-guerre et celles en couleur des grands événements du XXe siècle avec notamment l'arrivée sur nos petits écrans, un beau soir de mai 81, de la gauche aux postes de commande, tracent les étapes d'une réflexion à vif.
Tant que les deux plateaux de la balance - travailleurs de tous les pays unis contre les forces d'oppression du capital/travailleurs français unis contre travailleurs immigrés - penchaient en faveur du premier, le risque de l'instrumentalisation de la misère par l'extrême droite était écarté. Mais le concept de lutte des classes et de destins sociaux ayant été remplacé par celui du doucereux vivre ensemble, les frontières entre gauche et droite se sont délitées au profit d'un ordre néolibéral faisant du mérite individuel le sésame de la réussite. Faisant fi de Bourdieu et des mécanismes de reproduction sociale et d'oppression, la gauche a désespéré…
Dans le droit fil de cette analyse critique, et pour mieux faire théâtre, sera mise en scène la "prise de micro" du propriétaire du studio. Rompant alors avec le savoir savant, ce dernier interprète un rap décoiffant racontant l'histoire du "bâtard de terroir" qu'il est, lui dont l'ancêtre tirailleur sénégalais avait eu la chance d'échapper au peloton d'exécution de ces mêmes Français qu'il avait défendus en première ligne…
Théâtre engagé faisant feu de tout bois, ce "Retour à Reims" est un retour gagnant, propre à secouer les consciences assoupies en esquissant les contours de ce que pourrait être une nouvelle gauche.
Sans autres horizons d'attente que la misère qui l'engluait, répétant à l'envi le destin hérité, le père décédé récemment, semblable aux ouvriers de Zola trouvant dans l'alcool un refuge pour l'oubli, faisait figure de repoussoir. Mais que savait-il réellement de son existence, ce fils devenu grand clerc, échappant aux rigueurs de sa classe grâce (sic) à son homosexualité l'ayant conduit à la fuir très tôt pour fréquenter les milieux cultivés parisiens ?
Des fragments de passé fixé sur les clichés argentiques aux bords dentelés, extraits de boîtes à chaussures par une mère émue, au matériel critique apporté par les hautes études sociales vécues comme une planche de salut, tout fait sens pour le sociologue. L'approche sensible de la mémoire en miettes, étayée par des images d'archives réifiant en noir et blanc les cités ouvrières des années d'après-guerre et celles en couleur des grands événements du XXe siècle avec notamment l'arrivée sur nos petits écrans, un beau soir de mai 81, de la gauche aux postes de commande, tracent les étapes d'une réflexion à vif.
Tant que les deux plateaux de la balance - travailleurs de tous les pays unis contre les forces d'oppression du capital/travailleurs français unis contre travailleurs immigrés - penchaient en faveur du premier, le risque de l'instrumentalisation de la misère par l'extrême droite était écarté. Mais le concept de lutte des classes et de destins sociaux ayant été remplacé par celui du doucereux vivre ensemble, les frontières entre gauche et droite se sont délitées au profit d'un ordre néolibéral faisant du mérite individuel le sésame de la réussite. Faisant fi de Bourdieu et des mécanismes de reproduction sociale et d'oppression, la gauche a désespéré…
Dans le droit fil de cette analyse critique, et pour mieux faire théâtre, sera mise en scène la "prise de micro" du propriétaire du studio. Rompant alors avec le savoir savant, ce dernier interprète un rap décoiffant racontant l'histoire du "bâtard de terroir" qu'il est, lui dont l'ancêtre tirailleur sénégalais avait eu la chance d'échapper au peloton d'exécution de ces mêmes Français qu'il avait défendus en première ligne…
Théâtre engagé faisant feu de tout bois, ce "Retour à Reims" est un retour gagnant, propre à secouer les consciences assoupies en esquissant les contours de ce que pourrait être une nouvelle gauche.
"Retour à Reims"
D'après le livre Retour à Reims de Didier Éribon (Fayard, 2009).
Mise en scène : Thomas Ostermeier, assisté de Lisa Como et Christèle Ortu.
Avec : Cédric Eeckhout, Irène Jacob, Blade Mc Alimbaye.
Scénographie et costumes : Nina Wetzel.
Assistante costumes : Maïlys Leung Cheng.
Musique : Nils Ostendorf.
Son : Jochen Jezussek.
Dramaturgie : Florian Borchmeyer, Maja Zade.
Lumières : Erich Schneider.
Durée : 1 h 55.
Film
Réalisation : Sébastien Dupouey, Thomas Ostermeier.
Prises de vues : Marcus Lenz, Sébastien Dupouey, Marie Sanchez.
Montage : Sébastien Dupouey.
Bande originale : Peter Carstens, Robert Nabholz.
Musique : Nils Ostendorf.
Sound design : Jochen Jezussek.
Recherche archives : Laure Comte.
Technique vidéo : Jake Witlen, Sabrina Bruckner.
Mise en scène : Thomas Ostermeier, assisté de Lisa Como et Christèle Ortu.
Avec : Cédric Eeckhout, Irène Jacob, Blade Mc Alimbaye.
Scénographie et costumes : Nina Wetzel.
Assistante costumes : Maïlys Leung Cheng.
Musique : Nils Ostendorf.
Son : Jochen Jezussek.
Dramaturgie : Florian Borchmeyer, Maja Zade.
Lumières : Erich Schneider.
Durée : 1 h 55.
Film
Réalisation : Sébastien Dupouey, Thomas Ostermeier.
Prises de vues : Marcus Lenz, Sébastien Dupouey, Marie Sanchez.
Montage : Sébastien Dupouey.
Bande originale : Peter Carstens, Robert Nabholz.
Musique : Nils Ostendorf.
Sound design : Jochen Jezussek.
Recherche archives : Laure Comte.
Technique vidéo : Jake Witlen, Sabrina Bruckner.
A été représenté dans le cadre du FAB, les 16 et 17 octobre 2019, au Carré-Colonnes, Saint-Médard-en-Jalles (33).
Le FAB s'est déroulé du 4 au 20 octobre 2019.
>> fab.festivalbordeaux.com
Tournée 2019/2020
Du 22 au 24 octobre 2019 : Le lieu unique, Nantes (44).
6 et 7 novembre 2019 : Théâtre Molière - Scène nationale archipel de Thau, Sète (34).
du 13 au 15 novembre 2019 : Espace Malraux - Scène nationale Chambéry Savoie, Chambéry (73).
19 et 21 novembre 2019 : La Criée - Théâtre national, Marseille (13).
30 novembre 2019 : Theater Basel, Bâle (Suisse).
6 et 7 décembre 2019 : Festival Temporada Alta, Salt, Gérone (Espagne).
Du 16 au 25 janvier 2020 : Théâtre des Célestins, Lyon (69).
Le FAB s'est déroulé du 4 au 20 octobre 2019.
>> fab.festivalbordeaux.com
Tournée 2019/2020
Du 22 au 24 octobre 2019 : Le lieu unique, Nantes (44).
6 et 7 novembre 2019 : Théâtre Molière - Scène nationale archipel de Thau, Sète (34).
du 13 au 15 novembre 2019 : Espace Malraux - Scène nationale Chambéry Savoie, Chambéry (73).
19 et 21 novembre 2019 : La Criée - Théâtre national, Marseille (13).
30 novembre 2019 : Theater Basel, Bâle (Suisse).
6 et 7 décembre 2019 : Festival Temporada Alta, Salt, Gérone (Espagne).
Du 16 au 25 janvier 2020 : Théâtre des Célestins, Lyon (69).