La Revue du Spectacle, le magazine des arts de la scène et du spectacle vivant. Infos théâtre, chanson, café-théâtre, cirque, arts de la rue, agenda, CD, etc.



Augmenter la taille du texte
Diminuer la taille du texte
Partager
Concerts

"Révolution(s)" au Festival Radio France de Montpellier

Alors qu'on commémore le centenaire de la Révolution russe, le Festival Radio France a décidé de mettre l'accent sur le foisonnement intellectuel, artistique et musical qui découla de l'événement à l'Est comme à l'Ouest, dans cette nouvelle édition. Une programmation ambitieuse est ainsi proposée à Montpellier comme dans toute la région occitane depuis le 10 juillet avec 90 % de concerts gratuits.



Le jeune soliste Edgar Moreau © DR.
Le jeune soliste Edgar Moreau © DR.
Au programme, des répertoires liés à l'idée de révolution cette année où la Russie est évidemment à l'honneur : Khatchaturian, Roslavets, Chostakovitch et Prokofiev, mais aussi des artistes tels que les Chœurs de l'Armée Rouge ; et des compositeurs tel Giordano et son opéra oublié, "Siberia", à découvrir le 22 juillet avec la soprano Sonya Yoncheva - entre nombreux autres beaux rendez-vous.

Jazz, électro et musiques du monde égaient encore cette année le festival avec une quarantaine de concerts dont la grande soirée FIP du 28 juillet, quatre soirées de l'Ensemble Contraste "Besame mucho" et trois nuits "électro" avec Tohu Bohu à Montpellier.

Les orchestres ne manquent pas à l'appel : l'Orchestre National de Montpellier Occitanie pour trois productions dont "Siberia" déjà évoqué et une soirée "Finlandia" avec le chef Michael Schonwandt (le 27 juillet) ; les formations de Radio France (l'Orchestre National de France, l'Orchestre Philharmonique de Radio France et le Chœur avec Vladimir Fedoseyev le 25 juillet autour de la Cantate "Octobre" de Prokofiev).

Orchestre National du Capitole de Toulouse © DR.
Orchestre National du Capitole de Toulouse © DR.
Le Chœur de la Radio Lettone, le Concert Spirituel dirigé par Hervé Niquet et l'Orchestre National de Lille mené par Alexandre Bloch ont aussi répondu présent. Jeunes artistes et formations chambristes sont à découvrir ou à retrouver tout au long de la journée ou en soirée.

Le 17 juillet, le jeune chef letton Andris Poga, révélé à ses débuts à Montpellier (1), dirigeait l'Orchestre National du Capitole de Toulouse pour une soirée consacrée à Anton Dvorak pour son Concerto pour violoncelle et orchestre opus 104 et à Dmitri Chostakovitch et sa Symphonie n°12, "L'année 17" opus 112.

Conçu pendant les années américaines de Dvorak (1892-1895), ce Concerto pour violoncelle est l'occasion pour le compositeur tchèque d'accomplir un retour imaginaire dans sa patrie, y exhaler sa nostalgie d'exilé comme la tristesse de la perte de la femme aimée en vain dans les années de jeunesse (sa belle-sœur Joséphine Kounicova). C'est le jeune soliste Edgar Moreau qui était invité à se mesurer avec le chef-d'œuvre créé en 1896 par le violoncelliste Léo Stern.

Fazil Say © DR.
Fazil Say © DR.
Petit sentiment de déception pour cette première partie de soirée. Si Edgar Moreau est de toute évidence un bon accompagnateur de l'orchestre dès le premier mouvement "Allegro", ses parties solistes se révèlent parfois moins convaincantes. La virtuosité est bien là mais manquent peut-être ce son brillant et chantant espéré aussi dans les mouvements suivants comme la profondeur de la plainte élégiaque. La grâce, elle, ne faisant jamais défaut.

L'orchestre toulousain est quant à lui attendu dans la 12e symphonie du compositeur russe. Là encore on reste un peu sur sa faim. Sous la baguette d'Andris Poga, les pupitres de vents, les cuivres et les percussions rutilent dans les quatre mouvements retraçant les grandes heures de l'année 1917, du "Petrograd révolutionnaire" et son Allegro martial au Finale ("L'Aube de l'Humanité") et son allure grandiose. Si l'Adagio ("Les Crues") et le troisième mouvement ("Aurore") sont parfois un peu sages, c'est principalement le fameux double discours sarcastique propre à la persona musicale de Chostakovitch qui aura le plus manqué.

Le lendemain, la folie géniale du pianiste Fazil Say venait corriger la trop grande sagesse de la soirée précédente. Le pianiste turc était invité par le festival pour un programme des sonates de Mozart n°10 à 13, composées entre la fin des années 1770 (entre les espoirs du voyage vers Paris et la désillusion qui suivra dans la capitale pour le compositeur) et le début glorieux des années 1780 à Vienne. Humour, tristesse pré-romantique, gaieté folle et limpidité brillante, la palette la plus large des climats s'y déploie. Le pianiste s'est illustré dans ce répertoire dans un enregistrement révolutionnaire qui a fait date (de là l'invitation dans cette édition).

Fazil Say © DR.
Fazil Say © DR.
La célébrissime Fantaisie K 475 conclut un concert passionnant où l'engagement de Fazil Say ne se dément jamais. Un vrai spectacle où corps et âme rivalisent pour sculpter un son toujours parfait et où la science magique du toucher du pianiste impressionne sur le magnifique Steinway de concert. Avec sa générosité habituelle, Fazil Say (2) offre au public quatre bis anthologiques avec Satie, Chopin, une de ses superbes compositions mariant Orient et Occident et une improvisation finale de la Fantaisie précédemment interprétée qui lui a valu une ovation du public debout, ô combien méritée.

(1) Andris Poga a gagné le premier prix du Concours Svetlanov à Montpellier en 2010.
(2) Fazil Say est un chouchou du public depuis ses débuts de carrière fait à Montpellier.


Du 10 au 28 juillet 2017.
Festival de Radio France Occitanie Montpellier.
Programme complet et réservations :
Festival Radio France.
Allée des Républicains Espagnols, Montpellier (34).
Réservations : 04 67 61 66 81.
>> lefestival.eu

Les concerts peuvent être réécoutés en podcast sur le site de France Musique.

Christine Ducq
Vendredi 21 Juillet 2017

Nouveau commentaire :

Concerts | Lyrique





Numéros Papier

Anciens Numéros de La Revue du Spectacle (10)

Vente des numéros "Collectors" de La Revue du Spectacle.
10 euros l'exemplaire, frais de port compris.






À Découvrir

•Off 2024• "Mon Petit Grand Frère" Récit salvateur d'un enfant traumatisé au bénéfice du devenir apaisé de l'adulte qu'il est devenu

Comment dire l'indicible, comment formuler les vagues souvenirs, les incertaines sensations qui furent captés, partiellement mémorisés à la petite enfance. Accoucher de cette résurgence voilée, diffuse, d'un drame familial ayant eu lieu à l'âge de deux ans est le parcours théâtral, étonnamment réussie, que nous offre Miguel-Ange Sarmiento avec "Mon petit grand frère". Ce qui aurait pu paraître une psychanalyse impudique devient alors une parole salvatrice porteuse d'un écho libératoire pour nos propres histoires douloureuses.

© Ève Pinel.
9 mars 1971, un petit bonhomme, dans les premiers pas de sa vie, goûte aux derniers instants du ravissement juvénile de voir sa maman souriante, heureuse. Mais, dans peu de temps, la fenêtre du bonheur va se refermer. Le drame n'est pas loin et le bonheur fait ses valises. À ce moment-là, personne ne le sait encore, mais les affres du destin se sont mis en marche, et plus rien ne sera comme avant.

En préambule du malheur à venir, le texte, traversant en permanence le pont entre narration réaliste et phrasé poétique, nous conduit à la découverte du quotidien plein de joie et de tendresse du pitchoun qu'est Miguel-Ange. Jeux d'enfants faits de marelle, de dinette, de billes, et de couchers sur la musique de Nounours et de "bonne nuit les petits". L'enfant est affectueux. "Je suis un garçon raisonnable. Je fais attention à ma maman. Je suis un bon garçon." Le bonheur est simple, mais joyeux et empli de tendresse.

Puis, entre dans la narration la disparition du grand frère de trois ans son aîné. La mort n'ayant, on le sait, aucune morale et aucun scrupule à commettre ses actes, antinaturelles lorsqu'il s'agit d'ôter la vie à un bambin. L'accident est acté et deux gamins dans le bassin sont décédés, ceux-ci n'ayant pu être ramenés à la vie. Là, se révèle l'avant et l'après. Le bonheur s'est enfui et rien ne sera plus comme avant.

Gil Chauveau
14/06/2024
Spectacle à la Une

•Off 2024• Lou Casa "Barbara & Brel" À nouveau un souffle singulier et virtuose passe sur l'œuvre de Barbara et de Brel

Ils sont peu nombreux ceux qui ont une réelle vision d'interprétation d'œuvres d'artistes "monuments" tels Brel, Barbara, Brassens, Piaf et bien d'autres. Lou Casa fait partie de ces rares virtuoses qui arrivent à imprimer leur signature sans effacer le filigrane du monstre sacré interprété. Après une relecture lumineuse en 2016 de quelques chansons de Barbara, voici le profond et solaire "Barbara & Brel".

© Betül Balkan.
Comme dans son précédent opus "À ce jour" (consacré à Barbara), Marc Casa est habité par ses choix, donnant un souffle original et unique à chaque titre choisi. Évitant musicalement l'écueil des orchestrations "datées" en optant systématiquement pour des sonorités contemporaines, chaque chanson est synonyme d'une grande richesse et variété instrumentales. Le timbre de la voix est prenant et fait montre à chaque fois d'une émouvante et artistique sincérité.

On retrouve dans cet album une réelle intensité pour chaque interprétation, une profondeur dans la tessiture, dans les tonalités exprimées dont on sent qu'elles puisent tant dans l'âme créatrice des illustres auteurs que dans les recoins intimes, les chemins de vie personnelle de Marc Casa, pour y mettre, dans une manière discrète et maîtrisée, emplie de sincérité, un peu de sa propre histoire.

"Nous mettons en écho des chansons de Barbara et Brel qui ont abordé les mêmes thèmes mais de manières différentes. L'idée est juste d'utiliser leur matière, leur art, tout en gardant une distance, en s'affranchissant de ce qu'ils sont, de ce qu'ils représentent aujourd'hui dans la culture populaire, dans la culture en général… qui est énorme !"

Gil Chauveau
19/06/2024
Spectacle à la Une

•Off 2024• "Un Chapeau de paille d'Italie" Une version singulière et explosive interrogeant nos libertés individuelles…

… face aux normalisations sociétales et idéologiques

Si l'art de générer des productions enthousiastes et inventives est incontestablement dans l'ADN de la compagnie L'Éternel Été, l'engagement citoyen fait aussi partie de la démarche créative de ses membres. La présente proposition ne déroge pas à la règle. Ainsi, Emmanuel Besnault et Benoît Gruel nous offrent une version décoiffante, vive, presque juvénile, mais diablement ancrée dans les problématiques actuelles, du "Chapeau de paille d'Italie"… pièce d'Eugène Labiche, véritable référence du vaudeville.

© Philippe Hanula.
L'argument, simple, n'en reste pas moins source de quiproquos, de riantes ficelles propres à la comédie et d'une bonne dose de situations grotesques, burlesques, voire absurdes. À l'aube d'un mariage des plus prometteurs avec la très florale Hélène – née sans doute dans les roses… ornant les pépinières parentales –, le fringant Fadinard se lance dans une quête effrénée pour récupérer un chapeau de paille d'Italie… Pour remplacer celui croqué – en guise de petit-déj ! – par un membre de la gent équestre, moteur exclusif de son hippomobile, ci-devant fiacre. À noter que le chapeau alimentaire appartenait à une belle – porteuse d'une alliance – en rendez-vous coupable avec un soldat, sans doute Apollon à ses heures perdues.

N'ayant pas vocation à pérenniser toute forme d'adaptation académique, nos deux metteurs en scène vont imaginer que cette histoire absurde est un songe, le songe d'une nuit… niché au creux du voyage ensommeillé de l'aimable Fadinard. Accrochez-vous à votre oreiller ! La pièce la plus célèbre de Labiche se transforme en une nouvelle comédie explosive, électro-onirique ! Comme un rêve habité de nounours dans un sommeil moelleux peuplé d'êtres extravagants en doudounes orange.

Gil Chauveau
26/03/2024