De retour de Rome en 1832, Hector Berlioz - un des saints membres de la Trinité romantique selon Théophile Gautier (1) - compte bien proposer un opéra à Paris. C'est peut-être le poète Alfred de Vigny qui attire son attention sur les mémoires de Benvenuto Cellini, un de ces artistes athlètes de la Renaissance italienne. Le compositeur commande donc le livret de ce qui devrait être un opéra-comique à Léon de Wailly, bientôt rejoint par Auguste Barbier. Alors qu'elle est refusée par l'Opéra Comique, c'est à l'Opéra de Paris (alors Salle Le Pelletier) que Berlioz destine son œuvre dans une version en deux actes (2).
Méprisant les conventions de l'opéra de son temps, le musicien fêté de "La Symphonie Fantastique" doit cependant composer avec les goûts de l'époque dominée, entre autres, par Meyerbeer ou Rossini. "Benvenuto Cellini" représente cependant sa première tentative d'élaborer un ouvrage personnel - avant les chefs-d'œuvre de la maturité que sont entre autres "La Damnation de Faust" (1846) ou "Les Troyens" (3).
Méprisant les conventions de l'opéra de son temps, le musicien fêté de "La Symphonie Fantastique" doit cependant composer avec les goûts de l'époque dominée, entre autres, par Meyerbeer ou Rossini. "Benvenuto Cellini" représente cependant sa première tentative d'élaborer un ouvrage personnel - avant les chefs-d'œuvre de la maturité que sont entre autres "La Damnation de Faust" (1846) ou "Les Troyens" (3).
Les oppositions propres à l'esthétique romantique (mélange du sublime et du grotesque) traversant le livret et la caractérisation des personnages, de même que l'écriture comme tiraillée entre tradition (les airs à vocalises) et génie personnel (orchestration, éloquence rythmique) contribuent à l'échec retentissant de l'ouvrage à sa création en 1838. Le premier d'une longue série pour le héros shakespearien incompris dans sa patrie.
Nul doute que Berlioz met beaucoup de lui-même dans la figure de l'artiste hors norme prêt à fondre tout ce que contient son atelier pour livrer à temps sa statue au pape Clément VII et sa verve satirique a beau jeu de ridiculiser ses rivaux, médiocres figures de l'académisme, dans le personnage de Fieramosca, le sculpteur officiel soutenu par le Trésorier du pontife, Balducci. Terry Gilliam, membre éminent des "Monty Python", choisit quant à lui de nous présenter un Cellini façon bad boy, habillé comme un clown et doté d'un masque de bouc au début de l'acte un. Il est le meneur déjanté d'un carnaval qui, telle une rivière en crue, déborde de l'acte deux pour entraîner péripéties, public et personnages du début à la fin de la production.
Nul doute que Berlioz met beaucoup de lui-même dans la figure de l'artiste hors norme prêt à fondre tout ce que contient son atelier pour livrer à temps sa statue au pape Clément VII et sa verve satirique a beau jeu de ridiculiser ses rivaux, médiocres figures de l'académisme, dans le personnage de Fieramosca, le sculpteur officiel soutenu par le Trésorier du pontife, Balducci. Terry Gilliam, membre éminent des "Monty Python", choisit quant à lui de nous présenter un Cellini façon bad boy, habillé comme un clown et doté d'un masque de bouc au début de l'acte un. Il est le meneur déjanté d'un carnaval qui, telle une rivière en crue, déborde de l'acte deux pour entraîner péripéties, public et personnages du début à la fin de la production.
Le metteur en scène américain veut nous entraîner dans la folie profuse et insolente de sa vision. L'invention visuelle et les gags s'enchaînent à un rythme endiablé. Les décors immenses de carton-pâte en perpétuel changement, les couleurs brillantes, la pluie de confettis tombant des cintres sur le public à deux reprises, l'abondance de figurants et de circassiens de la troupe de Cassandro, les interventions des chœurs (dont l'excellent Chœur des Ciseleurs) donnent quasiment le tournis et transforment les spectateurs en enfants extasiés devant ce nouveau cirque aux moyens somptueux. Et ce théâtre spectaculaire est drôle, très drôle dans sa volonté naïve et ironique de choquer le bourgeois (selon les termes de Gilliam lui-même). Il finit pourtant par lasser.
Pendant l'ouverture de l'opéra apparaît un clochard sur scène qui trouve dans une poubelle quelques trésors pour Cellini. C'est l'annonce d'une esthétique revendiquée comme art impur (pour le dire poliment) voulant mettre en lumière (crue) les affres et joies de la création artistique - au risque de l'humour potache. Quid des moments tragiques de l'ouvrage, du lyrisme méditatif qui caractérise aussi le personnage de Benvenuto Cellini ("Seul pour lutter, seul avec mon courage…") ? Il n'en est pas question dans cette production.
Pendant l'ouverture de l'opéra apparaît un clochard sur scène qui trouve dans une poubelle quelques trésors pour Cellini. C'est l'annonce d'une esthétique revendiquée comme art impur (pour le dire poliment) voulant mettre en lumière (crue) les affres et joies de la création artistique - au risque de l'humour potache. Quid des moments tragiques de l'ouvrage, du lyrisme méditatif qui caractérise aussi le personnage de Benvenuto Cellini ("Seul pour lutter, seul avec mon courage…") ? Il n'en est pas question dans cette production.
La mise en scène brillante de Terry Gilliam donne l'impression en ce soir de première de vampiriser chanteurs et orchestre. Ceux-ci semblent en retrait, d'autant plus que certains chanteurs (John Osborn, Maurizio Muraro) n'ont guère pris techniquement la mesure d'une adaptation à l'acoustique de Bastille. Nous enchantent la Teresa délicieuse de Pretty Yende et l'Ascanio à la voix admirablement projetée de Michèle Losier, de même que des seconds rôles bien campés par Rodolphe Briand, Luc Bertin-Hugault et Vincent Delhourme.
La direction de Philippe Jordan semble également en hiatus avec la vision du metteur en scène. L'énergie dans l'agogique du discours, l'architecture des plans sonores, le soin apporté aux détails et aux coloris ne manquent pas sous sa baguette subtile. Mais là encore elle sonne trop "sage" dans cette production qui laisse une impression mitigée avec sa frénésie cinématographique certes bluffante, mais qui verse un peu trop dans le burlesque.
(1) Une Trinité romantique composée aussi d'Eugène Delacroix et Victor Hugo.
(2) Une autre version avec trois actes est composée en 1852 pour Weimar. La version donnée à Bastille reprend les manuscrits dits Paris I et II (1838), Weimar.
(3) La seconde partie seule fut créée du vivant de Berlioz en 1863.
La direction de Philippe Jordan semble également en hiatus avec la vision du metteur en scène. L'énergie dans l'agogique du discours, l'architecture des plans sonores, le soin apporté aux détails et aux coloris ne manquent pas sous sa baguette subtile. Mais là encore elle sonne trop "sage" dans cette production qui laisse une impression mitigée avec sa frénésie cinématographique certes bluffante, mais qui verse un peu trop dans le burlesque.
(1) Une Trinité romantique composée aussi d'Eugène Delacroix et Victor Hugo.
(2) Une autre version avec trois actes est composée en 1852 pour Weimar. La version donnée à Bastille reprend les manuscrits dits Paris I et II (1838), Weimar.
(3) La seconde partie seule fut créée du vivant de Berlioz en 1863.
Spectacle du 20 mars au 14 avril 2018.
Opéra Bastille.
Place de la Bastille Paris 12e.
Tél. : 08 92 89 90 90.
>> operadeparis.fr
"Benvenuto Cellini" (1838).
Opéra en deux actes.
Musique d'Hector Berlioz (1803-1869).
Livret de Wailly et Barbier.
En français surtitré en français et en anglais.
Durée : 3 h 30 avec un entracte.
Opéra Bastille.
Place de la Bastille Paris 12e.
Tél. : 08 92 89 90 90.
>> operadeparis.fr
"Benvenuto Cellini" (1838).
Opéra en deux actes.
Musique d'Hector Berlioz (1803-1869).
Livret de Wailly et Barbier.
En français surtitré en français et en anglais.
Durée : 3 h 30 avec un entracte.
Philippe Jordan, direction musicale.
Terry Gilliam, mise en scène.
Leah Hausman, assistante à la mise en scène et chorégraphie.
Terry Gilliam, Aaron Marsden, décors.
Katrina Lindsay, costumes.
Paule Constable, lumières.
John Osborn, Benvenuto Cellini.
Maurizio Muraro, Balducci.
Pretty Yende, Teresa.
Audun Iversen, Fieramosca.
Marco Spotti, Le Pape.
Michèle Losier, Ascanio.
Rodolphe Briand, Pompeo.
Vincent Delhourme, Francesco.
Luc Bertin-Hugault, Bernardino.
Chœurs et Orchestre de l'Opéra de Paris.
José Luis Basso, Chef des Chœurs.
Diffusion sur France Musique le 22 avril 2018 à 20 h.
Terry Gilliam, mise en scène.
Leah Hausman, assistante à la mise en scène et chorégraphie.
Terry Gilliam, Aaron Marsden, décors.
Katrina Lindsay, costumes.
Paule Constable, lumières.
John Osborn, Benvenuto Cellini.
Maurizio Muraro, Balducci.
Pretty Yende, Teresa.
Audun Iversen, Fieramosca.
Marco Spotti, Le Pape.
Michèle Losier, Ascanio.
Rodolphe Briand, Pompeo.
Vincent Delhourme, Francesco.
Luc Bertin-Hugault, Bernardino.
Chœurs et Orchestre de l'Opéra de Paris.
José Luis Basso, Chef des Chœurs.
Diffusion sur France Musique le 22 avril 2018 à 20 h.