La Revue du Spectacle, le magazine des arts de la scène et du spectacle vivant. Infos théâtre, chanson, café-théâtre, cirque, arts de la rue, agenda, CD, etc.



Augmenter la taille du texte
Diminuer la taille du texte
Partager
Concerts

"Le Sacre de Stravinsky" de Bartabas à la Seine Musicale

La Seine Musicale présente la chorégraphie du metteur en scène et écuyer Bartabas, "Le Sacre de Stravinsky", pour l'Académie Équestre de Versailles. Un très beau spectacle qui lui permet de nouer une première collaboration avec l'Orchestre Philharmonique et les Chœurs de Radio France dirigés par Mikko Franck.



© A. Poupel.
© A. Poupel.
Pour son deuxième spectacle présenté dans la grande salle de La Seine Musicale (après le "Requiem" de Mozart), le grand Bartabas revisite pour l'Académie équestre de Versailles son ballet "Le Sacre de Stravinsky" créé initialement à Amsterdam par les Voltigeurs de Zingaro.

C'est à un spectacle d'art total que nous invite le célèbre écuyer et chorégraphe avec les douze Écuyers et dix-huit chevaux de son académie fondée en 2003, sept danseurs indiens, une artiste aérienne, les chœurs et orchestre de Radio France. Un travail collectif rapprochant en une vision inédite deux chefs-d'œuvre du compositeur russe, le ballet "Le Sacre du Printemps" et la "Symphonie des Psaumes".

Dans une première partie, les artistes et cavaliers redonnent vie au grand rite sacral païen créé en 1913 au Théâtre des Champs-Élysées en redéfinissant les relations entre animalité et humanité (une préoccupation majeure dans le travail de Bartabas). Après l'entracte, rejoints par les Chœurs de Radio France, c'est à la symphonie chorale composée en 1930 (au moment où Stravinsky retrouve la foi et renoue avec l'Église orthodoxe) que le ballet équestre dédie sa création en de superbes figures que semble appeler un Ange (la magnifique "Aérienne" Jeanne Eden).

© A. Poupel.
© A. Poupel.
Le rapprochement fait sens évidemment en un chemin tracé entre deux affirmations artistiques fortes, de l'expression des forces dionysiaques primitives de Pan à l'exaltation spirituelle d'une œuvre symphonique tissée de chants bibliques en latin tirés des Psaumes 35, 39 et 150.

Dans le manège aménagé sur le plateau, place d'abord au ballet mêlé de sensualité et d'antagonismes des Danseurs indiens de Kalaripayatt (remplaçant les Adolescentes du ballet d'origine) et des Amazones de l'Académie (en lieu et place des Vieux Sages). Dans une première section intitulée "Le Baiser à la Terre", ces danseurs étreignent et labourent une colline de terre, bientôt cernés par les figures des Amazones pour un "Jeu du Rapt", des "Rondes printanières" et un "Jeu des Cités rivales" jusqu'à l'arrivée du "Cortège du Sage" (ici la Reine des Amazones).

L'Orchestre Philharmonique de Radio France redessine dans ce ballet des harmonies moins rudes pour la musique, en assagissant quelque peu la charge sauvage de ce "Sacre". Mikko Franck choisit clairement dans sa direction d'accompagner sensuellement les cadences flexibles et vibrantes des chevaux.

Aux tentatives d'union sensuelle des danseurs répond la domination des Amazones par le biais d'allures variées de leurs montures : doublements, foules, trot enlevé ou galop. Aux voltes très maîtrisées de leurs magnifiques chevaux s'ajoutera, dans la deuxième section ("Le Grand Sacrifice"), la brillance de trois pur-sang blancs tout en cabrioles et cabrements qui se rouleront à plusieurs reprises dans la terre pour signifier leur retour à la nature et à la sauvagerie. C'est le fiancé qui sera sacrifié à la Reine des Amazones en un intrigant retournement de perspective.

© A. Poupel.
© A. Poupel.
Dans la "Symphonie des Psaumes", place à de majestueuses écuyères de l'Académie, aux chevelures lâchées et aux magnifiques costumes médiévaux. Elles brillent en enchaînant les pas stylisés (ceux de la haute école classique de la Grande Écurie Royale), avec d'élégantes figures d'allongement ou de changements de pied.

Ces princesses de contes font montre de toute leur finesse de cavalière avec une maîtrise souveraine de leurs coursiers et de leurs pistes. Leur danse évoque d'énigmatiques tableaux de maîtres dans le beau clair-obscur imaginé par Bertrand Couderc. Le chœur mixte à quatre voix et l'orchestre les accompagnent dans une partition, dont l'écriture dépouillée le plus souvent homophonique de Stravinsky roule jusqu'au crescendo final, tout pénétré d'ardente foi.

Une deuxième partie du spectacle qui, tel un second panneau pictural, met à l'honneur l'équitation de légèreté de tradition française - celle qu'entend préserver Bartabas depuis qu'il a créé l'Académie équestre nationale du domaine de Versailles.

© A. Poupel.
© A. Poupel.
Du 21 au 26 septembre 2018 à 20 h 30.

La Seine Musicale,
Île Seguin, Boulogne-Billancourt (92).
Tél. : 01 74 34 53 53.
>> laseinemusicale.com

"Le Sacre de Stravinsky".
Théâtre équestre.
"Le Sacre du Printemps".
"Symphonie des Psaumes".
Musique d'Igor Stravinsky.
Durée : 1 h 20 avec entracte.

Bartabas, scénographie et chorégraphie.
Mikko Franck, direction musicale.
Bertrand Couderc, création lumières.

Avec :
L'Académie équestre de Versailles.
L'Orchestre Philharmonique de Radio France.
Le Chœur de Radio France dirigé par Lionel Sow.

Christine Ducq
Mercredi 26 Septembre 2018

Nouveau commentaire :

Concerts | Lyrique





Numéros Papier

Anciens Numéros de La Revue du Spectacle (10)

Vente des numéros "Collectors" de La Revue du Spectacle.
10 euros l'exemplaire, frais de port compris.






À Découvrir

•Off 2024• "Mon Petit Grand Frère" Récit salvateur d'un enfant traumatisé au bénéfice du devenir apaisé de l'adulte qu'il est devenu

Comment dire l'indicible, comment formuler les vagues souvenirs, les incertaines sensations qui furent captés, partiellement mémorisés à la petite enfance. Accoucher de cette résurgence voilée, diffuse, d'un drame familial ayant eu lieu à l'âge de deux ans est le parcours théâtral, étonnamment réussie, que nous offre Miguel-Ange Sarmiento avec "Mon petit grand frère". Ce qui aurait pu paraître une psychanalyse impudique devient alors une parole salvatrice porteuse d'un écho libératoire pour nos propres histoires douloureuses.

© Ève Pinel.
9 mars 1971, un petit bonhomme, dans les premiers pas de sa vie, goûte aux derniers instants du ravissement juvénile de voir sa maman souriante, heureuse. Mais, dans peu de temps, la fenêtre du bonheur va se refermer. Le drame n'est pas loin et le bonheur fait ses valises. À ce moment-là, personne ne le sait encore, mais les affres du destin se sont mis en marche, et plus rien ne sera comme avant.

En préambule du malheur à venir, le texte, traversant en permanence le pont entre narration réaliste et phrasé poétique, nous conduit à la découverte du quotidien plein de joie et de tendresse du pitchoun qu'est Miguel-Ange. Jeux d'enfants faits de marelle, de dinette, de billes, et de couchers sur la musique de Nounours et de "bonne nuit les petits". L'enfant est affectueux. "Je suis un garçon raisonnable. Je fais attention à ma maman. Je suis un bon garçon." Le bonheur est simple, mais joyeux et empli de tendresse.

Puis, entre dans la narration la disparition du grand frère de trois ans son aîné. La mort n'ayant, on le sait, aucune morale et aucun scrupule à commettre ses actes, antinaturelles lorsqu'il s'agit d'ôter la vie à un bambin. L'accident est acté et deux gamins dans le bassin sont décédés, ceux-ci n'ayant pu être ramenés à la vie. Là, se révèle l'avant et l'après. Le bonheur s'est enfui et rien ne sera plus comme avant.

Gil Chauveau
14/06/2024
Spectacle à la Une

•Off 2024• Lou Casa "Barbara & Brel" À nouveau un souffle singulier et virtuose passe sur l'œuvre de Barbara et de Brel

Ils sont peu nombreux ceux qui ont une réelle vision d'interprétation d'œuvres d'artistes "monuments" tels Brel, Barbara, Brassens, Piaf et bien d'autres. Lou Casa fait partie de ces rares virtuoses qui arrivent à imprimer leur signature sans effacer le filigrane du monstre sacré interprété. Après une relecture lumineuse en 2016 de quelques chansons de Barbara, voici le profond et solaire "Barbara & Brel".

© Betül Balkan.
Comme dans son précédent opus "À ce jour" (consacré à Barbara), Marc Casa est habité par ses choix, donnant un souffle original et unique à chaque titre choisi. Évitant musicalement l'écueil des orchestrations "datées" en optant systématiquement pour des sonorités contemporaines, chaque chanson est synonyme d'une grande richesse et variété instrumentales. Le timbre de la voix est prenant et fait montre à chaque fois d'une émouvante et artistique sincérité.

On retrouve dans cet album une réelle intensité pour chaque interprétation, une profondeur dans la tessiture, dans les tonalités exprimées dont on sent qu'elles puisent tant dans l'âme créatrice des illustres auteurs que dans les recoins intimes, les chemins de vie personnelle de Marc Casa, pour y mettre, dans une manière discrète et maîtrisée, emplie de sincérité, un peu de sa propre histoire.

"Nous mettons en écho des chansons de Barbara et Brel qui ont abordé les mêmes thèmes mais de manières différentes. L'idée est juste d'utiliser leur matière, leur art, tout en gardant une distance, en s'affranchissant de ce qu'ils sont, de ce qu'ils représentent aujourd'hui dans la culture populaire, dans la culture en général… qui est énorme !"

Gil Chauveau
19/06/2024
Spectacle à la Une

•Off 2024• "Un Chapeau de paille d'Italie" Une version singulière et explosive interrogeant nos libertés individuelles…

… face aux normalisations sociétales et idéologiques

Si l'art de générer des productions enthousiastes et inventives est incontestablement dans l'ADN de la compagnie L'Éternel Été, l'engagement citoyen fait aussi partie de la démarche créative de ses membres. La présente proposition ne déroge pas à la règle. Ainsi, Emmanuel Besnault et Benoît Gruel nous offrent une version décoiffante, vive, presque juvénile, mais diablement ancrée dans les problématiques actuelles, du "Chapeau de paille d'Italie"… pièce d'Eugène Labiche, véritable référence du vaudeville.

© Philippe Hanula.
L'argument, simple, n'en reste pas moins source de quiproquos, de riantes ficelles propres à la comédie et d'une bonne dose de situations grotesques, burlesques, voire absurdes. À l'aube d'un mariage des plus prometteurs avec la très florale Hélène – née sans doute dans les roses… ornant les pépinières parentales –, le fringant Fadinard se lance dans une quête effrénée pour récupérer un chapeau de paille d'Italie… Pour remplacer celui croqué – en guise de petit-déj ! – par un membre de la gent équestre, moteur exclusif de son hippomobile, ci-devant fiacre. À noter que le chapeau alimentaire appartenait à une belle – porteuse d'une alliance – en rendez-vous coupable avec un soldat, sans doute Apollon à ses heures perdues.

N'ayant pas vocation à pérenniser toute forme d'adaptation académique, nos deux metteurs en scène vont imaginer que cette histoire absurde est un songe, le songe d'une nuit… niché au creux du voyage ensommeillé de l'aimable Fadinard. Accrochez-vous à votre oreiller ! La pièce la plus célèbre de Labiche se transforme en une nouvelle comédie explosive, électro-onirique ! Comme un rêve habité de nounours dans un sommeil moelleux peuplé d'êtres extravagants en doudounes orange.

Gil Chauveau
26/03/2024