Les apparitions d'Emma Dante dans la Cité des Papes ("Le Sorelle Macaluso" et plus récemment "Bestie di scena") sont toujours attendues "religieusement", avec grande fébrilité tant elle allie à une créativité unique une humanité hors normes insufflant de l'oxygène revivifiant dans un monde au bord de l'asphyxie. Tout chez elle semble surgissement du bonheur de la représentation. De création en création, mettant en pièces les attendus sur lesquels d'autres pourraient paresseusement surfer, elle nous "surprend" pour nous entraîner dans des mondes fabuleux parlant intimement à notre sensibilité.
Et "La Statuette de Sucre - La Fête Des Morts", créé au Teatro Grande à Pompéi ce début juillet, en est la preuve… vivante. Au centre du plateau, lumière est faite sur un homme seul, coincé dans ses vêtements endimanchés, assis sur un petit tabouret de paille, et dont le poids des ans fait pencher ostensiblement la tête vers la terre qui l'attend. Devant lui, sur un autre tabouret, une pâte à lever concentre toute son attention : elle est la matière vivante d'où émergera la statuette en pain de sucre placée au centre de la cérémonie qui se prépare… Derrière lui, ses trois jeunes sœurs, mortes depuis des lustres, agitent déjà gaiement des clochettes en psalmodiant des mélodies. Le ton est donné, la messe va pouvoir être dite…
Et "La Statuette de Sucre - La Fête Des Morts", créé au Teatro Grande à Pompéi ce début juillet, en est la preuve… vivante. Au centre du plateau, lumière est faite sur un homme seul, coincé dans ses vêtements endimanchés, assis sur un petit tabouret de paille, et dont le poids des ans fait pencher ostensiblement la tête vers la terre qui l'attend. Devant lui, sur un autre tabouret, une pâte à lever concentre toute son attention : elle est la matière vivante d'où émergera la statuette en pain de sucre placée au centre de la cérémonie qui se prépare… Derrière lui, ses trois jeunes sœurs, mortes depuis des lustres, agitent déjà gaiement des clochettes en psalmodiant des mélodies. Le ton est donné, la messe va pouvoir être dite…
Un à un, puis tous ensemble, les membres de la "familia grande" vont surgir de l'épaisse nuit qui les enveloppait pour peupler facétieusement le plateau de leurs existences disparues. Chacun est porteur de son double mort - stupéfiantes sculptures articulées de Cesare Inzerillo - l'accompagnant comme son ombre dans ce retour vers la vie. Ils ont différents âges, dont celui de leur mort, les frontières spatio-temporelles n'ont plus lieu d'être… C'est la fête des retrouvailles, sous l'œil attendri du vieil homme solitaire retrouvant enfin ceux qu'il aimait.
Qu'elles étaient belles ses sœurs, la mère les couvait de son regard attendri… Elles sont là, devant nous pétillantes de fantaisie, jusqu'à ce qu'on les voie jetées au sol, leurs corps pris de convulsions, victimes du typhus les ayant emportées dans la fleur de l'âge - pas étonnant, elles dormaient toutes les trois tête-bêche, dans le même lit, ne se quittant jamais… Et lui le frère noir adopté, feu follet à la faim insatiable, bondissant en tous sens comme un lutin monté sur ressorts, que de jeux endiablés tous les quatre n'ont-ils pas vécus… Et cet oncle et cette tante n'ayant rien de plus urgent en se retrouvant qu'à se chevaucher fougueusement, avant que ça dégénère, cheveux tirés et coups de pied à l'appui dans le corps sans vie projeté au sol…
Qu'elles étaient belles ses sœurs, la mère les couvait de son regard attendri… Elles sont là, devant nous pétillantes de fantaisie, jusqu'à ce qu'on les voie jetées au sol, leurs corps pris de convulsions, victimes du typhus les ayant emportées dans la fleur de l'âge - pas étonnant, elles dormaient toutes les trois tête-bêche, dans le même lit, ne se quittant jamais… Et lui le frère noir adopté, feu follet à la faim insatiable, bondissant en tous sens comme un lutin monté sur ressorts, que de jeux endiablés tous les quatre n'ont-ils pas vécus… Et cet oncle et cette tante n'ayant rien de plus urgent en se retrouvant qu'à se chevaucher fougueusement, avant que ça dégénère, cheveux tirés et coups de pied à l'appui dans le corps sans vie projeté au sol…
Et sa mère, si belle et si jeune, attendant au bout de la jetée pendant plus de cinquante ans le retour de son mari parti en mer… Ce père aimant, jeune marin fringant à côté de lui dans ses vêtements le mettant en valeur, ému, il lui donne tendrement l'accolade… Quand il revenait le père de ses traversées au long cours, c'était la fête ! Et tous alors de mettre le feu au plateau, la mère redevenue instantanément jeune, redressant son corps courbé par les ans et ôtant sa robe de vieille femme pour exhiber une tenue branchée, sa mère s'éclatant dans des figures de danses électriques faisant vibrer la scène transformée en gigantesque dancefloor.
Le vieil homme semble visiblement aux anges en voyant ses chers disparus revivre sous ses yeux, chacun n'ayant rien perdu de ce qui de son vivant faisait qu'il était un être unique, défauts et qualités comprises. Et quand viendra au bout de la nuit, le moment pour les morts de regagner leurs pénates d'outre-tombe et le temps pour le vieil homme de retourner à sa solitude, ils repartiront en procession lumineuse portant chacun sa sculpture sur l'épaule. Les chants religieux viendront couvrir la voix de leur hôte d'un soir et le dernier tableau, d'une beauté sculpturale à faire défaillir, sera à prendre comme une apothéose musicale et visuelle.
Le vieil homme semble visiblement aux anges en voyant ses chers disparus revivre sous ses yeux, chacun n'ayant rien perdu de ce qui de son vivant faisait qu'il était un être unique, défauts et qualités comprises. Et quand viendra au bout de la nuit, le moment pour les morts de regagner leurs pénates d'outre-tombe et le temps pour le vieil homme de retourner à sa solitude, ils repartiront en procession lumineuse portant chacun sa sculpture sur l'épaule. Les chants religieux viendront couvrir la voix de leur hôte d'un soir et le dernier tableau, d'une beauté sculpturale à faire défaillir, sera à prendre comme une apothéose musicale et visuelle.
Célébrer de manière joyeuse les morts afin de ne pas les tuer une seconde fois en les incarcérant dans l'oubli, les exhumer pour les représenter doublement au plateau (artistes bien vivants et leurs répliques sculptées mangées en partie par la décomposition "à l'œuvre") dans une mise en jeu d'une beauté plastique insoupçonnée, est à prendre comme un moment de grâce accordé aux vivants par une metteuse en scène mécréante développant vis-à-vis de l'humaine condition une foi inconditionnelle.
Plaisir sensuel de voir se rencontrer vivants et morts dans le même espace onirique orchestré par des musiques et des danses énergisantes, c'est peu de dire que, dans le droit fil de cette tradition italienne dont elle revendique l'héritage, Emma Dante réussit sous nos yeux émerveillés l'exploit peu ordinaire de répondre à notre besoin abyssal de consolation.
Vu au Gymnase du Lycée Mistral à Avignon, le mercredi 21 juillet 2021 à 19 h.
Plaisir sensuel de voir se rencontrer vivants et morts dans le même espace onirique orchestré par des musiques et des danses énergisantes, c'est peu de dire que, dans le droit fil de cette tradition italienne dont elle revendique l'héritage, Emma Dante réussit sous nos yeux émerveillés l'exploit peu ordinaire de répondre à notre besoin abyssal de consolation.
Vu au Gymnase du Lycée Mistral à Avignon, le mercredi 21 juillet 2021 à 19 h.
"Pupo di Zucchero - La Festa dei Morti/La Statuette de Sucre - La Fête des Morts"
Création le 8 juillet 2021 au Teatro Grande (Pompéi, Italie).
Spectacle en dialecte napolitain surtitré en français.
Texte et mise en scène : Emma Dante.
Librement inspiré du "Conte des Contes" de Giambattista Basile.
Avec : Tiebeu Marc-Henry Brissy Ghadout, Sandro Maria Campagna, Martina Caracappa, Federica Greco, Giuseppe Lino, Carmine Maringola, Valter Sarzi Sartori, Maria Sgro, Stéphanie Taillandier, Nancy Trabona.
Sculpture : Cesare Inzerillo.
Lumière : Cristian Zucaro.
Costumes : Emma Dante.
Assistante costumes : Italia Carroccio.
Traduction en français pour le surtitrage : Juliane Regler.
Surtitrage : Franco Vena.
Compagnie SudCostaOccidentale
Durée 1 h 15.
Spectacle en dialecte napolitain surtitré en français.
Texte et mise en scène : Emma Dante.
Librement inspiré du "Conte des Contes" de Giambattista Basile.
Avec : Tiebeu Marc-Henry Brissy Ghadout, Sandro Maria Campagna, Martina Caracappa, Federica Greco, Giuseppe Lino, Carmine Maringola, Valter Sarzi Sartori, Maria Sgro, Stéphanie Taillandier, Nancy Trabona.
Sculpture : Cesare Inzerillo.
Lumière : Cristian Zucaro.
Costumes : Emma Dante.
Assistante costumes : Italia Carroccio.
Traduction en français pour le surtitrage : Juliane Regler.
Surtitrage : Franco Vena.
Compagnie SudCostaOccidentale
Durée 1 h 15.
•Avignon In 2021•
Du 16 au 23 juillet 2021.
Tous les jours à 19 h, relâche le 20 juillet.
Gymnase du Lycée Mistral, Avignon (84).
>> festival-avignon.com
Réservations : 04 90 14 14 14.
Tournée
7 au 17 octobre 2021 : Teatro Biondo Palermo, Palerme (Italie).
10 au 12 mars 2022 : Châteauvallon - Le Liberté - Scène nationale, Toulon (83).
15 mars 2022 : Théâtre Durance, Château-Arnoux-Saint-Auban (04).
18 au 20 mars 2022 : La Criée, Marseille (13).
25 au 26 mars 2022 : Anthéa - Antipolis, Antibes (06).
Du 16 au 23 juillet 2021.
Tous les jours à 19 h, relâche le 20 juillet.
Gymnase du Lycée Mistral, Avignon (84).
>> festival-avignon.com
Réservations : 04 90 14 14 14.
Tournée
7 au 17 octobre 2021 : Teatro Biondo Palermo, Palerme (Italie).
10 au 12 mars 2022 : Châteauvallon - Le Liberté - Scène nationale, Toulon (83).
15 mars 2022 : Théâtre Durance, Château-Arnoux-Saint-Auban (04).
18 au 20 mars 2022 : La Criée, Marseille (13).
25 au 26 mars 2022 : Anthéa - Antipolis, Antibes (06).