Pour cette rentrée parisienne très spéciale (pour cause de pandémie) de l'Orchestre national de Lille à la Philharmonie, dans sa saison 2020-2021 placée sous le thème de l'héroïsme, un programme original et un soliste rare en France nous étaient proposés. La transcription pour violoncelle et orchestre d'un Nocturne (opus 19) de Tchaïkovski écrite en 1888, d'une œuvre extraite des Six Morceaux pour piano (de 1873) ouvrait le concert. Mischa Maisky (longs cheveux blancs et chemise bouffante de soie blanche lui donnant un air de ressemblance avec sa complice de toujours, Martha Argerich) rendait justice à cette attachante "Andante sentimentale" de quatre minutes avec la belle sonorité de son violoncelle Montagnana du XVIIIe siècle, offert à l'artiste israélien d'origine russe par un mécène.
Suivait immédiatement après un très bref silence, le "Kol Nidrei" de Max Bruch (1838-1920), une œuvre de 1880 d'une dizaine de minutes sous-titrée "Adagio sur deux mélodies hébraïques» - ces deux mélodies étant composées à partir de deux thèmes du folklore juif : la prière vespérale "Kol Nidrei" chantée à la synagogue pour Yom Kippour et un arrangement d'Isaac Nathan sur un poème de Lord Byron. La transcription pour orchestre étant ici due à Mischa Maisky lui-même. Magnifique pièce que le violoncelle exalte en psalmodiant tel le chantre de la synagogue dans un beau dialogue avec un orchestre au diapason, la violoniste solo Ayako Tanaka et la subtile harpe d'Anne Le Roy Petit.
Suivait immédiatement après un très bref silence, le "Kol Nidrei" de Max Bruch (1838-1920), une œuvre de 1880 d'une dizaine de minutes sous-titrée "Adagio sur deux mélodies hébraïques» - ces deux mélodies étant composées à partir de deux thèmes du folklore juif : la prière vespérale "Kol Nidrei" chantée à la synagogue pour Yom Kippour et un arrangement d'Isaac Nathan sur un poème de Lord Byron. La transcription pour orchestre étant ici due à Mischa Maisky lui-même. Magnifique pièce que le violoncelle exalte en psalmodiant tel le chantre de la synagogue dans un beau dialogue avec un orchestre au diapason, la violoniste solo Ayako Tanaka et la subtile harpe d'Anne Le Roy Petit.
Cette première partie du concert se concluait avec les Variations sur un thème rococo (opus 13) de Tchaikovski pour violoncelle et orchestre (dans la version de son ami Fitzenhagen, violoncelliste et commanditaire). À l'écoute, ces huit charmantes variations, rendant hommage au style galant du XVIIIe siècle, semblent avoir été composées pour mettre en lumière avant tout la virtuosité du soliste. Elles nous laissent un peu froids (par sa vocation même).
Cependant, le violoncelliste israélien sait colorer les différents modes de jeux convoqués d'un réel panache (avec parfois une virtuosité sonnant un peu "à l'arraché"), il excelle dans les traits des staccatos de la 5e variation et déploie un beau chant dans la cantilène de la 7e. Les entrées des vents, énonçant tous les thèmes, se révèlent parfaites. Un magnifique bis d'un lyrisme habité (avec le "Cygne" du Carnaval de Saint-Saëns) déchaîne l'enthousiasme du public, qui salue le talent du violoncelliste israélien, de la harpiste et de l'orchestre comme il se doit.
Le moment fort de la soirée demeure pourtant l'interprétation à la renversante beauté, par 23 solistes des pupitres de cordes de l'OnL, des "Métamorphoses" de Richard Strauss, en deuxième partie de soirée. Chacun connaît la haute valeur spirituelle de ce poignant testament composé en un mois, entre mars et avril 1945, par un artiste dont le monde et la brillante culture ont disparu dans la barbarie et la guerre.
Cependant, le violoncelliste israélien sait colorer les différents modes de jeux convoqués d'un réel panache (avec parfois une virtuosité sonnant un peu "à l'arraché"), il excelle dans les traits des staccatos de la 5e variation et déploie un beau chant dans la cantilène de la 7e. Les entrées des vents, énonçant tous les thèmes, se révèlent parfaites. Un magnifique bis d'un lyrisme habité (avec le "Cygne" du Carnaval de Saint-Saëns) déchaîne l'enthousiasme du public, qui salue le talent du violoncelliste israélien, de la harpiste et de l'orchestre comme il se doit.
Le moment fort de la soirée demeure pourtant l'interprétation à la renversante beauté, par 23 solistes des pupitres de cordes de l'OnL, des "Métamorphoses" de Richard Strauss, en deuxième partie de soirée. Chacun connaît la haute valeur spirituelle de ce poignant testament composé en un mois, entre mars et avril 1945, par un artiste dont le monde et la brillante culture ont disparu dans la barbarie et la guerre.
Ultime partition purement orchestrale de Strauss, cette immense méditation funèbre offre une texture polyphonique en perpétuelle "métamorphose" et une création thématique d'une richesse rare, convoquant autant l'héritage malhérien qu'annonçant les bouleversants Vier Letzte Lieder de 1948. Ce long adagio de près d'une demi-heure est transcendé ici par un orchestre entièrement dévoué à son jeune chef extrêmement engagé, le passionné Alexandre Bloch sollicitant chaque musicien, dont l'instrument est traité en soliste. Des cordes qui se révèlent exemplaires de legato, de densité et de dépouillement.
S'imposent encore le style Bloch, son energeia traduite par une gestique dense, sa capacité à magnifier les plans sonores. Le chef lillois détaille superbement l'architecture de ces Métamorphoses, révélant chaque clair-obscur de ce soleil noir. Tonalité élégiaque des flux et reflux du chant straussien, accelerando continu implacable du tempo jusqu'au tutti, désespoir noir mutant peut-être enfin en une sereine acceptation du destin avec la citation de la Marche funèbre de la Troisième Symphonie de Beethoven(*) aux dernières mesures, tout est ici d'une perfection, d'une hauteur de vue qui serrent et ravissent l'âme.
S'imposent encore le style Bloch, son energeia traduite par une gestique dense, sa capacité à magnifier les plans sonores. Le chef lillois détaille superbement l'architecture de ces Métamorphoses, révélant chaque clair-obscur de ce soleil noir. Tonalité élégiaque des flux et reflux du chant straussien, accelerando continu implacable du tempo jusqu'au tutti, désespoir noir mutant peut-être enfin en une sereine acceptation du destin avec la citation de la Marche funèbre de la Troisième Symphonie de Beethoven(*) aux dernières mesures, tout est ici d'une perfection, d'une hauteur de vue qui serrent et ravissent l'âme.
Un moment d'une émotion si intense et hors du temps qu'un long silence recueilli ne peut que lui succéder ; un silence qui scelle l'unisson de cœurs étreints par la noblesse d'une sublime confession. C'est pour ces rares épiphanies, ces expériences uniques, que nous ne pouvons décidément nous passer du concert vivant.
(*) Citation marquée par R. Strauss "In Memoriam" sur la partition, comme sur un tombeau. L'OnL dirigé par A. Bloch donnera L'Eroica début décembre à l'Auditorium du Nouveau Siècle à Lille.
Concert donné les 7 et 8 octobre à Lille et entendu le 9 octobre 2020 à la Philharmonie de Paris.
Programme complet de la saison :
>> onlille.com/saison_20-21
(*) Citation marquée par R. Strauss "In Memoriam" sur la partition, comme sur un tombeau. L'OnL dirigé par A. Bloch donnera L'Eroica début décembre à l'Auditorium du Nouveau Siècle à Lille.
Concert donné les 7 et 8 octobre à Lille et entendu le 9 octobre 2020 à la Philharmonie de Paris.
Programme complet de la saison :
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