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Avignon 2021

•In 2021• Kingdom Rêve et folie… il y a quelque chose de pourri au royaume…

Les auteurs et autrices se caractérisent - avant même les sujets qui les "pré-occupent" - par une écriture qui leur est propre. Celle d'Anne-Cécile Vandalem ("Tristesses", "Arctique") est reconnaissable entre toutes… Personnages immergés dans une atmosphère inquiétante flottant entre réel et fiction, tableaux nimbés de lumières inspirées de "La nuit américaine" de François Truffaut. Écriture à proprement "parler" ciselée. Caméra addictive pour donner à voir sous un quelconque prétexte - ici le tournage d'un film validant l'expérience "vivaliste" - ce qui se trame derrière les apparences, y compris derrière les murs de la maison en bois où nous ne pénètrerons jamais, mais dont nous percevrons tout.



© Christophe Raynaud de Lage/Festival d'Avignon.
© Christophe Raynaud de Lage/Festival d'Avignon.
Un chalet construit au milieu de la taïga par une famille en rupture avec la marche du monde, s'étant retirée là naguère sous l'impulsion du père - devenu depuis patriarche - pour "écrire le livre de sa vie" (à entendre de manière polysémique) au titre évocateur : "Kingdom". Royaume construit par lui (et pour lui) afin que ses enfants mènent une vie saine et vertueuse, en autonomie, au plus près de la nature, loin des vicissitudes et turpitudes de la civilisation marchande. Rêve écolo-équitable que les "autonomistes" contemporains ne démentiraient pas, mais qui, sous ses dehors séduisants, recèle ici sa part d'ombres terrifiantes.

Les secrets familiaux, tapis dans les tréfonds où on s'est éreinté à les reléguer, finissent souvent (comme les histoires d'amour qui finissent mal, en général) par faire surface, emportant alors comme une lame de fond les fragiles équilibres construits à force de dénis. Si tout avait débuté dans l'atmosphère vivifiante d'une nature rude, voire dangereuse, avec en prime les paysages d'une beauté ineffable et les rires éclatants d'enfants grandissant sous le regard aimant des adultes, très vite un "je-ne-sais-quoi presque rien" va faire dérailler, de l'optimisme raisonné affiché à l'angoisse vécue.

© Christophe Raynaud de Lage/Festival d'Avignon.
© Christophe Raynaud de Lage/Festival d'Avignon.
Pourquoi cette défiance, jusqu'au rejet absolu, à l'égard de la famille voisine honnie dont cette grande famille est séparée par une barrière interdite sur laquelle pèse un tabou imprescriptible ? Pourquoi la mère porte-t-elle sur son visage l'empreinte animale d'une mutilation ? Pourquoi le Sioux, petit frère de huit ans, est-il parti au ciel après avoir plumé un canard vivant lui ayant arraché l'œil ? Pourquoi l'autre frère ne donne-t-il plus de nouvelles, depuis un mois, parti à la chasse dit-on ? Et pourquoi la fille aînée, refusant à mi-mot la loi oppressante de la tribu, interprète-t-elle différemment l'empoisonnement supposé de leur chien par les voisins ? Mais qui est-il, ce clan, détesté et redouté, constitué d'individus dont on ne verra jamais les visages ? Pourquoi tant de haine ?

Sur fond de thriller naturaliste, dans le bruit du vent qui enfle, des crissements du bois de la cabane qui geint, de l'hélicoptère assourdissant des braconniers qui chassent sans vergogne les élans, ours et autres faunes (bruits mixés en live), le tout soutenu par une musique idoine orchestrant autant l'infinie mélancolie de ces lieux baignés d'une poésie troublante que les tensions montantes, on se précipite vers un dénouement embrasé. Que restera-t-il pour les temps futurs de cette utopie se cognant à l'appétit d'humains ayant transportés avec eux, dans ce lieu vierge, leurs problématiques anciennes d'affrontements ?

© Christophe Raynaud de Lage/Festival d'Avignon.
© Christophe Raynaud de Lage/Festival d'Avignon.
Outre la beauté plastique des tableaux présentés, où la lumière joue avec les ombres de la nuit dans des effets hypnotiques saisissants, outre la force des sujets mis en jeu, un élément ne peut passer inaperçu… En invitant sur le plateau de tous jeunes enfants (ils ont l'âge des parents quand ils sont arrivés au "Royaume") et en leur confiant l'initiative de l'acte ultime, Anne-Cécile Vandalem pose en filigrane une question aussi lourde de résonances tragiques que de pertinence épiphanique ouvrant sur des horizons d'attentes insoupçonnables… Quel avenir pour le futur ? C'est à l'insoupçonnable légèreté de la jeunesse que la réponse désormais appartient.

Vu dans la Cour du Lycée Saint-Joseph à Avignon, le samedi 10 juillet à 22 h.

"Kingdom"

© Christophe Raynaud de Lage/Festival d'Avignon.
© Christophe Raynaud de Lage/Festival d'Avignon.
Création, librement inspiré de "Braguino" de Clément Cogitore.
Texte et mise en scène : Anne-Cécile Vandalem.
Assistantes à la mise en scène : Pauline Ringeade et Mahlia Theismann.
Avec : Arnaud Botman, Laurent Caron, Philippe Grand'Henry, Épona Guillaume, Zoé Kovacs,
et Federico d'Ambrosio, Leonor Malamatenios (équipe de réalisation) ; et, en alternance, Juliette Goossens/Ida Mühleck, Lea Swaeles/Léonie Chaidron, Isaac Mathot/Noa Staes, Daryna Melnyk/Eulalie Poucet.
Dramaturgie : Sarah Seignobosc.
Musique : Vincent Cahay, Pierre Kissling.
Scénographie : Ruimtevaarders.
Lumière : Amélie Géhin.
Vidéo : Frédéric Nicaise.
Son : Antoine Bourgain.
Costumes : Laurence Hermant.
Maquillage : Sophie Carlier.
Durée : 1 h 40.
"Kingdom" d'Anne-Cécile Vandalem est publié chez Actes-Sud Papiers.

•Avignon In 2021•
Du 6 au 14 juillet 2021.
Tous les jours à 22 h, relâche le 11 juillet.
Cour du Lycée Saint-Joseph, Avignon (84).
>> festival-avignon.com
Réservations : 04 90 14 14 14.

Tournée
24 septembre au 1er octobre 2021 : Théâtre de Liège, Liège (Belgique).
7 au 14 octobre 2021 : Théâtre National Wallonie-Bruxelles, Bruxelles (Belgique).
19 au 22 octobre 2021 : Théâtre du Nord, Lille (59).
27 au 28 octobre 2021 : Maison de la Culture de Tournai, Tournai (Belgique).
9 au 12 novembre 2021 : Le Quai - CDN Angers Pays de la Loire, Angers (49).
18 au 19 novembre 2021 : Théâtre de Lorient, Lorient (56).
20 au 22 janvier 2022 : Théâtre de Namur, Namur (Belgique).
28 au 29 janvier 2022 : Les Théâtres, Ville de Luxembourg.
9 au 10 mars 2022 : Le Volcan, Le Havre (76).
30 mars au 3 avril 2022 : Célestins, Lyon (69).
9 au 10 avril 2022 : Schaubühne, Berlin (Allemagne).
29 au 30 avril 2022 : Le Tangram, Évreux (27).

Yves Kafka
Mercredi 14 Juillet 2021

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•Off 2024• "Mon Petit Grand Frère" Récit salvateur d'un enfant traumatisé au bénéfice du devenir apaisé de l'adulte qu'il est devenu

Comment dire l'indicible, comment formuler les vagues souvenirs, les incertaines sensations qui furent captés, partiellement mémorisés à la petite enfance. Accoucher de cette résurgence voilée, diffuse, d'un drame familial ayant eu lieu à l'âge de deux ans est le parcours théâtral, étonnamment réussie, que nous offre Miguel-Ange Sarmiento avec "Mon petit grand frère". Ce qui aurait pu paraître une psychanalyse impudique devient alors une parole salvatrice porteuse d'un écho libératoire pour nos propres histoires douloureuses.

© Ève Pinel.
9 mars 1971, un petit bonhomme, dans les premiers pas de sa vie, goûte aux derniers instants du ravissement juvénile de voir sa maman souriante, heureuse. Mais, dans peu de temps, la fenêtre du bonheur va se refermer. Le drame n'est pas loin et le bonheur fait ses valises. À ce moment-là, personne ne le sait encore, mais les affres du destin se sont mis en marche, et plus rien ne sera comme avant.

En préambule du malheur à venir, le texte, traversant en permanence le pont entre narration réaliste et phrasé poétique, nous conduit à la découverte du quotidien plein de joie et de tendresse du pitchoun qu'est Miguel-Ange. Jeux d'enfants faits de marelle, de dinette, de billes, et de couchers sur la musique de Nounours et de "bonne nuit les petits". L'enfant est affectueux. "Je suis un garçon raisonnable. Je fais attention à ma maman. Je suis un bon garçon." Le bonheur est simple, mais joyeux et empli de tendresse.

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© Betül Balkan.
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On retrouve dans cet album une réelle intensité pour chaque interprétation, une profondeur dans la tessiture, dans les tonalités exprimées dont on sent qu'elles puisent tant dans l'âme créatrice des illustres auteurs que dans les recoins intimes, les chemins de vie personnelle de Marc Casa, pour y mettre, dans une manière discrète et maîtrisée, emplie de sincérité, un peu de sa propre histoire.

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© Philippe Hanula.
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26/03/2024