La Revue du Spectacle, le magazine des arts de la scène et du spectacle vivant. Infos théâtre, chanson, café-théâtre, cirque, arts de la rue, agenda, CD, etc.



Augmenter la taille du texte
Diminuer la taille du texte
Partager
Cirque & Rue

BIAC 2025 Avec "Passages", la contorsionniste Alice Rende défie la gravitation et l'imaginaire

Comme un obélisque haut de quatre mètres, se dresse un cube de plexiglas. Chaque face mesure quelques dizaines de centimètres de large. Largeur d'épaule. Voilà l'espace de jeu avec lequel la circassienne Alice Rende va devoir jouer.



© Emmanuel-Layani.
© Emmanuel-Layani.
Jouer de son corps, de sa souplesse, de l'élasticité de ses articulations pour se glisser à l'intérieur de cet obélisque par une trappe invisible. Elle porte une sorte de toge, capuche recouvrant sa tête, quelque chose de monastique dans ce costume dont elle se dépouille assez vite pour évoluer entre les quatre étroites parois de cet univers que ce simple monolithe parvient à créer.

Très vite vient le besoin de se séparer de l'excès de tissus sur ses membres et son visage pour découvrir les lois de ce nouvel univers. C'est une histoire de peau, de jonction épidermique avec la matière, de découverte. L'évolution de la contorsionniste commence alors dans un univers sonore totalement lié à ses mouvements. De ses mains d'abord, de ses pieds, ses cuisses, son dos, son visage, elle colle littéralement aux surfaces lisses du cube, s'élève puis glisse, et à chaque glissement le son amplifié de sa peau contre le plexiglas saisit. Une amplification pleine de réverbérations, de répétitions qui font penser au monde aquatique et qui se mêle à la création sonore de Chloé Levoy, elle aussi, créant un univers en profondeur, en échos, en tremblement, jusqu'à devenir nappes longues comme les vagues de l'océan.

© Emmanuel-Layani.
© Emmanuel-Layani.
L'exploration de cet univers vertical se poursuit ainsi avec curiosité et humour. La contorsionniste se retrouvant dans les positions les plus inimaginables, jambes retroussées derrière la tête, reins cambrés, bras jetés dans le dos. Elle caracole comme en apesanteur, comme dans le vide sidéral du grand cosmos, comme un fœtus dans le corps d'une mère. Étonnée des sons qu'elle produit, qui l'entourent, amusée des positions tête en bas, sens dessus dessous que ses évolutions provoquent. Mais tentant encore et de multiples fois l'ascension de ses parois. Échec, glissement, contorsions et recommencement dans une sorte d'obstination du vivant à rêver l'apesanteur, à être en quête du ciel.

Jusqu'à ce qu'enfin, Alice Rende naisse tout en haut du cube transparent, évoluant dans un équilibre éphémère avant de retourner tel un gecko vif et habile à l'intérieur de son univers et disparaître comme dans un tour de magie, laissant le spectateur devant ce cube transparent, toile vierge à peine visible lui-même dans le décor qui l'environne.
◙ Bruno Fougniès

Vu au Village Chapitaux, plage du Prado à Marseille.

"Passages"

© Emmanuel-Layani.
© Emmanuel-Layani.
Sur une idée originale Alice Rende.
Interprétation : Alice Rende.
Création sonore : Chloé Levoy.
Conception et construction de la scénographie : Benet Jofre.
Remerciements : Roberto Magro.
Production : Compagnie Ar, Clémence Drake et Alina Yanikeeva.
Durée : 30 minutess
Tout public.

Tournée
18 mai 2025 : Fadoli Circus, Cirque ZimZam - Pôle Cirque et Handicap, La Tour-d'Aigues (84).
24 mai 2025 : Festival Temps-dance exterieur, Nice (06).
30 et 31 mai 2025 (à confirmer) : avec Cie Happes, Aigues-Vives (30).
12 et 13 juin 2025 : Festival Ay-roop, Rennes (35).
17 et 18 juin 2025 : Biennale Circ'Aarau, Aarau (Suisse).
19 et 20 septembre 2025 : Festival Ipercorpo, Forlì (Italie).
17 et 18 janvier 2026 : Festival Circonova, Quimper (29).

6ᵉ édition de la Biennale Internationale des Arts du Cirque, Marseille et toute la région Provence-Alpes-Côte d'Azur
Un mois de cirque en région Sud.
Du 9 janvier au 9 février 2025.
Renseignements et réservations sur le site de la BIAC :
>> biennale-cirque.com

Bruno Fougniès
Lundi 3 Février 2025

Nouveau commentaire :

Théâtre | Danse | Concerts & Lyrique | À l'affiche | À l'affiche bis | Cirque & Rue | Humour | Festivals | Pitchouns | Paroles & Musique | Avignon 2017 | Avignon 2018 | Avignon 2019 | CédéDévédé | Trib'Une | RV du Jour | Pièce du boucher | Coulisses & Cie | Coin de l’œil | Archives | Avignon 2021 | Avignon 2022 | Avignon 2023 | Avignon 2024 | À l'affiche ter | Avignon 2025





Numéros Papier

Anciens Numéros de La Revue du Spectacle (10)

Vente des numéros "Collectors" de La Revue du Spectacle.
10 euros l'exemplaire, frais de port compris.







À Découvrir

"La Chute" Une adaptation réussie portée par un jeu d'une force organique hors du commun

Dans un bar à matelots d'Amsterdam, le Mexico-City, un homme interpelle un autre homme.
Une longue conversation s'initie entre eux. Jean-Baptiste Clamence, le narrateur, exerçant dans ce bar l'intriguant métier de juge-pénitent, fait lui-même les questions et les réponses face à son interlocuteur muet.

© Philippe Hanula.
Il commence alors à lever le voile sur son passé glorieux et sa vie d'avocat parisien. Une vie réussie et brillante, jusqu'au jour où il croise une jeune femme sur le pont Royal à Paris, et qu'elle se jette dans la Seine juste après son passage. Il ne fera rien pour tenter de la sauver. Dès lors, Clamence commence sa "chute" et finit par se remémorer les événements noirs de son passé.

Il en est ainsi à chaque fois que nous prévoyons d'assister à une adaptation d'une œuvre d'Albert Camus : un frémissement d'incertitude et la crainte bien tangible d'être déçue nous titillent systématiquement. Car nous portons l'auteur en question au pinacle, tout comme Jacques Galaud, l'enseignant-initiateur bien inspiré auprès du comédien auquel, il a proposé, un jour, cette adaptation.

Pas de raison particulière pour que, cette fois-ci, il en eût été autrement… D'autant plus qu'à nos yeux, ce roman de Camus recèle en lui bien des considérations qui nous sont propres depuis toujours : le moi, la conscience, le sens de la vie, l'absurdité de cette dernière, la solitude, la culpabilité. Entre autres.

Brigitte Corrigou
09/10/2024
Spectacle à la Une

"Very Math Trip" Comment se réconcilier avec les maths

"Very Math Trip" est un "one-math-show" qui pourra réconcilier les "traumatisés(es)" de cette matière que sont les maths. Mais il faudra vous accrocher, car le cours est assuré par un professeur vraiment pas comme les autres !

© DR.
Ce spectacle, c'est avant tout un livre publié par les Éditions Flammarion en 2019 et qui a reçu en 2021 le 1er prix " La Science se livre". L'auteur en est Manu Houdart, professeur de mathématiques belge et personnage assez emblématique dans son pays. Manu Houdart vulgarise les mathématiques depuis plusieurs années et obtient le prix de " l'Innovation pédagogique" qui lui est décerné par la reine Paola en personne. Il crée aussi la maison des Maths, un lieu dédié à l'apprentissage des maths et du numérique par le jeu.

Chaque chapitre de cet ouvrage se clôt par un "Waooh" enthousiaste. Cet enthousiasme opère aussi chez les spectateurs à l'occasion de cet one-man-show exceptionnel. Un spectacle familial et réjouissant dirigé et mis en scène par Thomas Le Douarec, metteur en scène du célèbre spectacle "Les Hommes viennent de Mars et les femmes de Vénus".

N'est-ce pas un pari fou que de chercher à faire aimer les mathématiques ? Surtout en France, pays où l'inimitié pour cette matière est très notoire chez de nombreux élèves. Il suffit pour s'en faire une idée de consulter les résultats du rapport PISA 2022. Rapport édifiant : notre pays se situe à la dernière position des pays européens et avant-dernière des pays de l'OCDE.
Il faut urgemment reconsidérer les bases, Monsieur le ministre !

Brigitte Corrigou
12/04/2025
Spectacle à la Une

"La vie secrète des vieux" Aimer même trop, même mal… Aimer jusqu'à la déchirure

"Telle est ma quête", ainsi parlait l'Homme de la Mancha de Jacques Brel au Théâtre des Champs-Élysées en 1968… Une quête qu'ont fait leur cette troupe de vieux messieurs et vieilles dames "indignes" (cf. "La vieille dame indigne" de René Allio, 1965, véritable ode à la liberté) avides de vivre "jusqu'au bout" (ouaf… la crudité revendiquée de leur langue émancipée y autorise) ce qui constitue, n'en déplaise aux catholiques conservateurs, le sel de l'existence. Autour de leur metteur en scène, Mohamed El Khatib, ils vont bousculer les règles de la bienséance apprise pour dire sereinement l'amour chevillé au corps des vieux.

© Christophe Raynaud de Lage.
Votre ticket n'est plus valable. Prenez vos pilules, jouez au Monopoly, au Scrabble, regardez la télé… des jeux de votre âge quoi ! Et surtout, ayez la dignité d'attendre la mort en silence, on ne veut pas entendre vos jérémiades et – encore moins ! – vos chuchotements de plaisir et vos cris d'amour… Mohamed El Khatib, fin observateur des us et coutumes de nos sociétés occidentales, a documenté son projet théâtral par une série d'entretiens pris sur le vif en Ehpad au moment de la Covid, des mouroirs avec eau et électricité à tous les étages. Autour de lui et d'une aide-soignante, artiste professionnelle pétillante de malice, vont exister pleinement huit vieux et vieilles revendiquant avec une belle tranquillité leur droit au sexe et à l'amour (ce sont, aussi, des sentimentaux, pas que des addicts de la baise).

Un fauteuil roulant poussé par un vieux très guilleret fait son entrée… On nous avertit alors qu'en fonction du grand âge des participant(e)s au plateau, et malgré les deux défibrillateurs à disposition, certain(e)s sont susceptibles de mourir sur scène, ce qui – on l'admettra aisément – est un meilleur destin que mourir en Ehpad… Humour noir et vieilles dentelles, le ton est donné. De son fauteuil, la doyenne de la troupe, 91 ans, Belge et ancienne présentatrice du journal TV, va ar-ti-cu-ler son texte, elle qui a renoncé à son abonnement à la Comédie-Française car "ils" ne savent plus scander, un vrai scandale ! Confiant plus sérieusement que, ce qui lui manque aujourd'hui – elle qui a eu la chance d'avoir beaucoup d'hommes –, c'est d'embrasser quelqu'un sur la bouche et de manquer à quelqu'un.

Yves Kafka
30/08/2024