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Billet n°10 : Welcome to the Village  20/07/2011

Je n’ai rien vu venir. C’est arrivé alors que j’étais encore sous le choc des émotions ressenties au château de Grignan. Comment s’y attendre d’ailleurs ? Alors que j’étais en mission pour le compte de la Revue du Spectacle…
J’en suis presque certaine à présent, j’ai été chloroformée. Ou quelque chose dans le genre. Du moins, c’est ce que je crois. Une chose de sûre, j’ai été démasquée !

Quand je suis revenue à moi, j’apercevais toujours le château de Grignan dans les hauteurs, mais le décor qui m’entourait était diamétralement opposé. Un autochtone m’expliqua que je me trouvais au village de Grignan, mais que tout le monde appelait l’endroit le "Village".
Imaginez un instant ma stupeur. Au château, le "Hamlet" de Torreton était vibrant, les décors tremblaient, les acteurs bondissaient, on y sentait la joie et les odeurs de nourriture. Au Village, pas un bruit. Le sentiment de déambuler dans un décor parfait, surfait même, presque insaisissable. Dans ces rues sans odeur, j’ai dû passer dix bonnes minutes à chercher un mégot par terre. En vain ! L’immaculé propreté faite village.

Avais-je été télétransportée ? Une sorte de retour dans le passé ? Ici, en effet, nul Maure, nul Sarrasin. Je n’ai même pas entr’aperçu de jeunes ou de pauvres, c’est vous dire. Hors du temps. Et de la réalité. Tout comme les passants d’ailleurs. Des clones, aux étranges sourires et aux visages lissés. Un peu comme ces gens que l’on voit dans le J.T. de Jean-Pierre Pernaud.
Avais-je donc été capturée ? Et si oui, par qui ? Et pour quelle raison ? Je me dirigeai vers la grand-place, quadrillée par une foule impeccablement alignée, qui applaudissait comme il fallait et quand il le fallait les orateurs en face d’eux. Ces derniers étaient-ils donc des acteurs ? Bizarre, tout de même… Passer une demi-heure à se remercier et à se congratuler.

Était-ce afin de rendre compte de leurs spectacles que l’on m’avait transportée ici ? Il me fallait en avoir le cœur net et rencontrer le chef du Village. Un passant – un exemplaire du Figaro soigneusement plié sous le coude – me renseigna fort aimablement, m’indiquant du doigt une dame élégante, dont le visage me disait quelque chose... Fouillant dans mes souvenirs, je me souvins l’avoir vu présenter le journal télévisé sur une grande chaîne nationale.

- C’est elle qui parraine le festival, me dit-il. C’est la numéro 2, en quelque sorte.
Je m’avançai et l’interpellai :
- Pardon Madame, mais quel est cet endroit, qui sont ces gens, et pourquoi tout est encore plus propre que dans les rêves les plus fous d’un cantonnier suisse ?
- Comment, vous ne connaissiez donc pas le Festival de la Correspondance ? Voyons, c’est LE Festival où il faut être.
- Ah... Oui. La programmation est de qualité, certaines lectures sont superbes et émouvantes, je vous l’accorde. Mais je suis étonnée du lieu si fermé et de l’ambiance qui y règne…
- Justement, croyez-vous donc que le commun des mortels ait la capacité de pouvoir apprécier de tels chefs-d'œuvre ? Nous ne visons pas à divertir les gueux, mais au beau, au subtil, au profond... Le spectateur est trié sur le volet : il doit être d’un certain âge et d’une certaine classe sociale. D’ailleurs, l’année prochaine, notre programmation sera toute entière axée sur la correspondance des philosophes. Vous pensez bien que ce choix n’est pas tout à fait anodin !
- Vous êtes la numéro 2, m’a-t-on dit, mais qui est le numéro 1 ?
Elle me dévisagea un instant avant de répondre :
- Et vous êtes...? dit-elle simplement.
Je me présentai. Sur quoi elle éclata de rire.
- Mais non, voyons, nous savons qui vous êtes. Vous êtes la numéro 6 !
- ??? Qu’est-ce que vous racontez ? Je ne suis pas un numéro. Il n’y a que les prisonniers qui ont des numéros. Moi, je suis une personne libre.
- Libre ? Au Village ?
Comme elle éclatait de rire, surgit soudain un énorme ballon, blanc et menaçant. Il roula dans ma direction, comme pour m’envelopper. Il me semblait avoir déjà vu ça, je ne sais plus où…

Je poussai un grand cri et me réveillai soudain. Autour de moi, les remparts, la poussière et les bruits, éclectiques parfois même incongrus, d’Avignon. Tout cela n’avait-il été qu’un affreux cauchemar ? Mais oui, quelle sotte je fais ! Un festival coincé dans un décor propret et aseptisé, des gens aux sourires convenus et inquiétants. Un événement culturel réservé uniquement à une certaine classe sociale. Comment ai-je pu y croire un seul instant ?
Hein ?

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© Betül Balkan.
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On retrouve dans cet album une réelle intensité pour chaque interprétation, une profondeur dans la tessiture, dans les tonalités exprimées dont on sent qu'elles puisent tant dans l'âme créatrice des illustres auteurs que dans les recoins intimes, les chemins de vie personnelle de Marc Casa, pour y mettre, dans une manière discrète et maîtrisée, emplie de sincérité, un peu de sa propre histoire.

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