La Revue du Spectacle, le magazine des arts de la scène et du spectacle vivant. Infos théâtre, chanson, café-théâtre, cirque, arts de la rue, agenda, CD, etc.
Théâtre

"Les Petits pouvoirs" Flottements entre manipulations et fantasmes - 22/03/2022

L'univers est carré, propre, d'inspiration japonaise, avec ses grands espaces ouverts sur plusieurs niveaux : l'esthétique au service de l'efficacité avec ce zeste de nature qui annihile le côté artificiel en rendant omniprésente la nature, l'eau, les plantes vivantes et les tissus-éponge blancs immaculés bien rangés dans un rayonnage digne d'une boutique. Au tout début, le décor monumental qui...  

"Fantasio" L'expression contemporaine d'un mal-être générationnel - 17/03/2022

"Buvons l'ami et songeons à ce mariage point désiré." Éternel sujet maintes fois traité par nos grands auteurs classiques, l'union "forcée" reste encore d'actualité et l'acte de résistance qu'opposent les femmes, quel que soit le pays, peut induire une forme de rébellion et une revendication d'indépendance, d'autonomie, de liberté qui traversent facilement le prisme de la modernité. Il y a des...  

"Entre chien et loup"… Entre accueil et viol ! - 15/03/2022

S'inspirant grandement du film de Lars von Trier "Dogville", la metteuse en scène brésilienne Christiane Jatahy nous plonge dans les méandres d'une compagnie artistique avec ses exclusions, suspicions et abus autant sexuels que sociaux, à l'égard d'une réfugiée. Les travers de l'âme humaine sont mis à nu autour de relations humaines où le rapport "dominé dominant" en est l'axe central. Lumière...  

"CroiZades (jusqu'au trognon)" Par le monde, il y a beaucoup plus de couillons que d'hommes* - 14/03/2022

Que croire ? Question. Ou bien, qu'est-ce que c'est que cela : croire ? D'où cela vient, comment cela procède, par quel média cela se propage-t-il d'individus à société, de génération à la suivante ? La croyance, les croyances sont l'épicentre et également le centre épique de ce spectacle, "CroiZade", qui chevauche allègrement les imaginaires pour tenter de poser le plus visuellement possible la...  

"Loin d'Hagondange" Lorsque le travail phagocyte les vies minuscules… - 10/03/2022

Si l'Histoire nationale a retenu 1979 comme date de fermeture des deux derniers hauts fourneaux de ce haut site sidérurgique de l'est de la France, le couple de retraités formé par Georges, l'un des antihéros anonymes des aciéries d'Hagondange, et par son épouse, Marie, au destin indissolublement lié, souffre de la vacance de vies préemptées par le travail. Lorsque l'on s'est donné corps et âme,...  

"Le Courage de ma mère" Une petite polyphonie concertante laissant entendre la voix de l’intime - 09/03/2022

Il est un vieil adage selon lequel la réalité dépasse la fiction. Et quelquefois cette réalité est tellement puissante qu’elle peut même défier l’entendement. Et, dans un retournement ironique, tout récit se heurtant à l’indicible et au vraisemblable prend des allures d'imaginaire. Des faits incontestables peuvent en effet par leur ampleur entraîner des réflexes de dénégation. Qu'il faut savoir...  

"Wamah - Chaman De la matière dont les rêves sont faits" Tempête sous un crâne… - 08/03/2022

"Nous sommes de l'étoffe dont sont faits les rêves et notre petite vie est entourée de sommeil", écrivait Shakespeare dans La Tempête. Le moins que l'on puisse dire c'est que ça souffle grave dans la tête de ce géant déchu et ses rêves sont devenus cauchemars depuis que ses dons de guérisseur l'ont conduit à se réfugier dans la masure d'un village perdu au milieu de nulle part… On est en Pologne,...  

Une répétition des "Trois Sœurs" dirigée par Christian Benedetti… avant l'intégrale Tchekhov - 07/03/2022

La salle du Studio. Dans les gradins, épars, des affaires, habits, sacs, dispersés de bas en haut, sous et au-dessus des deux tables de montage qui prennent la place de deux banquettes. Les quatorze interprètes de la pièce sont, eux aussi, dispersés dans l'espace. Certains traversent le plateau. Portent une chaise ici. Un banc. Aident à la mise en place du décor de l'acte IV des "Trois Sœurs"....  

"Rome, Venise et Calcutta désert(s)" Une chambre claire nommée désirs… - 07/03/2022

Un dispositif tout de blanc tendu, une table, trois chaises et trois comédiens, vêtus eux aussi de blanc comme dans le cinéma de Marguerite Duras. Ils sont attablés en quête de mots et images tissant une œuvre hybride. Trois personnages en quête de metteur en scène. Marguerite Duras, Yann Andréa et Elle, la littérature, tant il est vrai que pour les deux premiers il ne pouvait y avoir échanges...  

"L'Île d'Or"… Un théâtre rêvé ! - 04/11/2022

Dans une vaste fresque où tragédies, régions et langues du monde s'entrecroisent, Mnouchkine propose la suite de "La chambre d'Inde" (jouée de 2016 à 2018) où le rêve, avec le nô, tient lieu de mise en scène avec ses idéaux politiques. Un téléphone sonne dans le public. Deux kurokos arrivent à la recherche du coupable. Qui se trouve sur scène dans son lit et à qui le précieux sésame est donné....  
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À Découvrir

•Off 2024• "Mon Petit Grand Frère" Récit salvateur d'un enfant traumatisé au bénéfice du devenir apaisé de l'adulte qu'il est devenu

Comment dire l'indicible, comment formuler les vagues souvenirs, les incertaines sensations qui furent captés, partiellement mémorisés à la petite enfance. Accoucher de cette résurgence voilée, diffuse, d'un drame familial ayant eu lieu à l'âge de deux ans est le parcours théâtral, étonnamment réussie, que nous offre Miguel-Ange Sarmiento avec "Mon petit grand frère". Ce qui aurait pu paraître une psychanalyse impudique devient alors une parole salvatrice porteuse d'un écho libératoire pour nos propres histoires douloureuses.

© Ève Pinel.
9 mars 1971, un petit bonhomme, dans les premiers pas de sa vie, goûte aux derniers instants du ravissement juvénile de voir sa maman souriante, heureuse. Mais, dans peu de temps, la fenêtre du bonheur va se refermer. Le drame n'est pas loin et le bonheur fait ses valises. À ce moment-là, personne ne le sait encore, mais les affres du destin se sont mis en marche, et plus rien ne sera comme avant.

En préambule du malheur à venir, le texte, traversant en permanence le pont entre narration réaliste et phrasé poétique, nous conduit à la découverte du quotidien plein de joie et de tendresse du pitchoun qu'est Miguel-Ange. Jeux d'enfants faits de marelle, de dinette, de billes, et de couchers sur la musique de Nounours et de "bonne nuit les petits". L'enfant est affectueux. "Je suis un garçon raisonnable. Je fais attention à ma maman. Je suis un bon garçon." Le bonheur est simple, mais joyeux et empli de tendresse.

Puis, entre dans la narration la disparition du grand frère de trois ans son aîné. La mort n'ayant, on le sait, aucune morale et aucun scrupule à commettre ses actes, antinaturelles lorsqu'il s'agit d'ôter la vie à un bambin. L'accident est acté et deux gamins dans le bassin sont décédés, ceux-ci n'ayant pu être ramenés à la vie. Là, se révèle l'avant et l'après. Le bonheur s'est enfui et rien ne sera plus comme avant.

Gil Chauveau
14/06/2024
Spectacle à la Une

•Off 2024• Lou Casa "Barbara & Brel" À nouveau un souffle singulier et virtuose passe sur l'œuvre de Barbara et de Brel

Ils sont peu nombreux ceux qui ont une réelle vision d'interprétation d'œuvres d'artistes "monuments" tels Brel, Barbara, Brassens, Piaf et bien d'autres. Lou Casa fait partie de ces rares virtuoses qui arrivent à imprimer leur signature sans effacer le filigrane du monstre sacré interprété. Après une relecture lumineuse en 2016 de quelques chansons de Barbara, voici le profond et solaire "Barbara & Brel".

© Betül Balkan.
Comme dans son précédent opus "À ce jour" (consacré à Barbara), Marc Casa est habité par ses choix, donnant un souffle original et unique à chaque titre choisi. Évitant musicalement l'écueil des orchestrations "datées" en optant systématiquement pour des sonorités contemporaines, chaque chanson est synonyme d'une grande richesse et variété instrumentales. Le timbre de la voix est prenant et fait montre à chaque fois d'une émouvante et artistique sincérité.

On retrouve dans cet album une réelle intensité pour chaque interprétation, une profondeur dans la tessiture, dans les tonalités exprimées dont on sent qu'elles puisent tant dans l'âme créatrice des illustres auteurs que dans les recoins intimes, les chemins de vie personnelle de Marc Casa, pour y mettre, dans une manière discrète et maîtrisée, emplie de sincérité, un peu de sa propre histoire.

"Nous mettons en écho des chansons de Barbara et Brel qui ont abordé les mêmes thèmes mais de manières différentes. L'idée est juste d'utiliser leur matière, leur art, tout en gardant une distance, en s'affranchissant de ce qu'ils sont, de ce qu'ils représentent aujourd'hui dans la culture populaire, dans la culture en général… qui est énorme !"

Gil Chauveau
19/06/2024
Spectacle à la Une

•Off 2024• "Un Chapeau de paille d'Italie" Une version singulière et explosive interrogeant nos libertés individuelles…

… face aux normalisations sociétales et idéologiques

Si l'art de générer des productions enthousiastes et inventives est incontestablement dans l'ADN de la compagnie L'Éternel Été, l'engagement citoyen fait aussi partie de la démarche créative de ses membres. La présente proposition ne déroge pas à la règle. Ainsi, Emmanuel Besnault et Benoît Gruel nous offrent une version décoiffante, vive, presque juvénile, mais diablement ancrée dans les problématiques actuelles, du "Chapeau de paille d'Italie"… pièce d'Eugène Labiche, véritable référence du vaudeville.

© Philippe Hanula.
L'argument, simple, n'en reste pas moins source de quiproquos, de riantes ficelles propres à la comédie et d'une bonne dose de situations grotesques, burlesques, voire absurdes. À l'aube d'un mariage des plus prometteurs avec la très florale Hélène – née sans doute dans les roses… ornant les pépinières parentales –, le fringant Fadinard se lance dans une quête effrénée pour récupérer un chapeau de paille d'Italie… Pour remplacer celui croqué – en guise de petit-déj ! – par un membre de la gent équestre, moteur exclusif de son hippomobile, ci-devant fiacre. À noter que le chapeau alimentaire appartenait à une belle – porteuse d'une alliance – en rendez-vous coupable avec un soldat, sans doute Apollon à ses heures perdues.

N'ayant pas vocation à pérenniser toute forme d'adaptation académique, nos deux metteurs en scène vont imaginer que cette histoire absurde est un songe, le songe d'une nuit… niché au creux du voyage ensommeillé de l'aimable Fadinard. Accrochez-vous à votre oreiller ! La pièce la plus célèbre de Labiche se transforme en une nouvelle comédie explosive, électro-onirique ! Comme un rêve habité de nounours dans un sommeil moelleux peuplé d'êtres extravagants en doudounes orange.

Gil Chauveau
26/03/2024