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Théâtre

"Renversante" s'amuse à détricoter les préjugés sexistes bien comme il faut

C'est avec légèreté, légèreté de forme et légèreté de ton que Léna Bréban a mis en scène cette adaptation du livre de Florence Hinckel. Une légèreté qui permet au rire de prendre place, mais qui n'empêche ni de laisser flotter une ironie active, ni de plonger les esprits dans une réalité beaucoup moins superficielle et sans importance, comme certains le prétendent : l'égalité homme-femme et la question du genre.



© François Fonty.
© François Fonty.
Si les deux interprètes de la pièce paraissent abordables et ludiques, semblables à de gentils moniteurs de colo que les enfantillages ne rebutent pas, a contrario le fond du discours sur lesquels ils brodent les différents épisodes du spectacle est bien d'actualité comme on dit : un problème sociétal, contemporain, une injustice que notre monde si juste semble avaler quotidiennement comme un fait absolu, un ordre de la nature, une vérité basique.

En une petite demi-heure, dans un dispositif extrêmement épuré, la plupart des thèmes discriminatoires à l'encontre des femmes, principalement, sont abordés. L'autrice Florence Hinckel utilise un procédé simple lui aussi : elle inverse les rôles, et les sexes et donc les rôles que la société réserve pour chaque sexe, que ce soit dans le monde de l'entreprise, les tâches ménagères et surtout les mots.

© François Fonty.
© François Fonty.
Ce procédé permet d'entendre alors des phrases qui résonnent drôlement à l'oreille. Ces phrases souvent péjoratives qui laminent de manière inconsciente l'image des filles, de leurs potentiels, leurs espoirs. Ainsi entend-on des choses comme ça : "un homme présidente de la République, je n'y crois pas". Et tant d'autres phrases ainsi lancées par l'un ou l'autre interprète qui s'amusent à inverser eux aussi leurs "rôles" pour mieux stigmatiser les préjugés. Et cela fonctionne car le texte n'est pas didactique.

La mise en scène et le jeu de Léna Bréban et d'Antoine Prud'homme de la Boussinière ajoutent encore à l'efficacité de ce renversement en restant toujours dans une sorte d'humeur un peu enfantine, ludique, légère. Ils incarnent le plus souvent des jeunes, ados, préados, tant par leurs habits que par leurs mimiques, c'est aussi l'âge d'une partie du public qui rit de toutes ces facéties.

Grâce à tous ces ingrédients, le message passe, les images frappent et chacun se rend compte de la puissance des préjugés, des habitudes et des mots sur nos mentalités. Et cela commence tôt, bien sûr, dans la sexualisation des coutumes, bleu pour les garçons, rose pour les filles, et jouets différents, et jeux dans la cour de l'école, séparés, jusqu'au décalage entre les salaires féminins et masculins sous prétexte que… que quoi au fait ?

Le spectacle est suivi d'un débat, plutôt d'un échange, très bien orchestré par les deux interprètes qui questionnent le public, surtout les enfants, sur ce qu'ils vivent au quotidien, tentant de mettre le doigt sur des idées préconçues qu'ils portent sans se poser de questions.

Des idées avec lesquelles ils ne sont pourtant pas d'accord.
Des questions qui finissent par voler dans la salle et peut-être plus tard, dans les têtes juvéniles.
◙ Bruno Fougniès

"Renversante"

© François Fonty.
© François Fonty.
Texte : Florence Hinckel.
Adaptation : Léna Bréban, Thomas Blanchard.
Mise en scène : Léna Bréban.
Avec : Léna Bréban ou Julie Roux (en alternance), Antoine Prud’homme de la Boussinière ou Étienne Durot ou Pierre Lefebvre (en alternance).
Scénographie : Léna Bréban.
Création lumières : Denis Koransky.
Costumes : Julie Deljehier.
Vidéo : Julien Dubois.
Production Espace des Arts, Scène nationale de Chalon-sur-Saône.
Durée : 65 minutes (35 minutes + 30 minutes de débat).
Théâtre tout public à partir de 8 ans.

Du 1er au 12 mars 2025.
Samedi et mercredi à 15 h et 19 h ; mardi, jeudi et mercredi 12 à 19 h.
Théâtre de la Concorde, Studio Pierre Cardin, Paris 8e, 01 71 27 97 17.
>> theatredelaconcorde.paris

Bruno Fougniès
Vendredi 28 Février 2025

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"Bienvenue Ailleurs" Faire sécession avec un monde à l'agonie pour tenter d'imaginer de nouveaux possibles

Sara a 16 ans… Une adolescente sur une planète bleue peuplée d’une humanité dont la grande majorité est sourde à entendre l’agonie annoncée, voire amorcée diront les plus lucides. Une ado sur le chemin de la prise de conscience et de la mutation, du passage du conflit générationnel… à l'écologie radicale. Aurélie Namur nous parle, dans "Bienvenue ailleurs", de rupture, de renversement, d'une jeunesse qui ne veut pas s'émanciper, mais rompre radicalement avec notre monde usé et dépassé… Le nouvel espoir d'une jeunesse inspirée ?

© PKL.
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© Pierre Gondard.
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© DR.
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