La Revue du Spectacle, le magazine des arts de la scène et du spectacle vivant. Infos théâtre, chanson, café-théâtre, cirque, arts de la rue, agenda, CD, etc.



Augmenter la taille du texte
Diminuer la taille du texte
Partager
Concerts

Passion et étoiles au programme de l’Orchestre de Paris

La saison 2013-2014 de l’Orchestre de Paris, formation dirigée par le chef estonien Paavo Järvi, s’enrichit et nous propose de nouveaux horizons outre son répertoire de prédilection. Et les artistes invités ne sont pas de reste pour faire briller cette nouvelle année musicale à Paris.



© J.-B. Pellerin.
© J.-B. Pellerin.
Avec l’énergie et l’enthousiasme d’un chef fêté aux BBC Proms à Londres récemment, Paavo Järvi a ouvert la saison à la tête de sa phalange parisienne réunie au grand complet. Avec le renfort du Chœur dirigé par Lionel Sow et de la Maîtrise de Paris, une grande soirée d’ouverture nous était offerte la semaine dernière. Avec un programme éclectique donnant le ton de l’année à venir : Bachara El Khoury, Serge Prokofiev, Carl Orff.

"Orages", une création contemporaine du compositeur libanais, un des deux concertos pour violon (le n°2 en sol mineur) du russe et enfin la fameuse cantate profane de Carl Orff, "Carmina Burana", étaient donnés. Disons le rapidement, la suite orchestrale commandée à El Khoury par Paavo Järvi pour l’Orchestre nous a semblé une excellente musique de film et la violoniste hollandaise Janine Jansen, malgré son grand talent, un tant soit peu trop sage. Malgré sa virtuosité, la complice de longue date du directeur musical de l’Orchestre de Paris n’a pas totalement rendu justice à ce très beau concerto, composé entre 1934 et 1935 à Paris, alors que Prokofiev se préparait à retourner en URSS après un long séjour en Occident.

© Mirco Magliocca.
© Mirco Magliocca.
Heureusement, le "Carmina Burana" du controversé Carl Orff* (devenu un vrai hit depuis le film "Excalibur" de John Boorman) nous a réveillés - ainsi que l’orchestre… Ces rites païens sauvages, ces rafales orchestrales et vocales diaboliquement sensuelles laissant la place par moment à de purs églogues célestes constituent une jouissance rare. C’est avec une maestria toute fiévreuse que Paavo Järvi a dirigé tout son monde (plus de deux cents artistes !) ainsi que les solistes. Tous convaincants à commencer par la soprano norvégienne Mari Eriksmoen lumineuse, et notre baryton national Ludovic Tézier excellent.

De même se succèderont cette saison encore de grands interprètes, des chefs prestigieux - avec une découverte de talents venus d’Amérique du Sud, y compris des compositeurs. Outre le répertoire fétiche de l’orchestre (la musique française, Brahms, Beethoven, Sibélius, etc.), le directeur musical dirigera des chefs-d’œuvre moins joués - le "Hans Heiling" de Heinrich Marschner par exemple - et accordera une large place à la musique du XXe siècle comme aux créations contemporaines. Une saison sous le signe de la passion.

* Carl Orff (1895-1982) ne s’est pas signalé par une attitude très résistante sous le Troisième Reich (c’est un euphémisme).

Concert entendu le 11 septembre 2013.
Rediffusé pendant un mois sur >> citedelamusiquelive.tv

Programme complet de la saison 2013-2014 : >> orchestredeparis.com


Bachara El Khoury(1957), "Orages", ouverture de concert pour orchestre, opus 93.
Serge Prokofiev(1891-1953), Concerto pour violon en sol mineur, opus 63.
Carl Orff(1895-1982), "Carmina Burana", "Cantiones profanae" pour soprano, ténor, baryton, chœur mixte, chœur d’enfants et orchestre.

Paavo Järvi, direction.
Janine Jansen, violon.
Mari Eriksmoen, soprano.
Max-Emanuel Cencic, contre-ténor.
Ludovic Tézier, baryton.

Chœur de l’Orchestre de Paris.
Lionel Sow, direction.
Maîtrise de Paris.
Patrick Marco, chef de chœur.
Orchestre de Paris.
Philippe Aïche, violon solo.

Christine Ducq
Lundi 23 Septembre 2013

Concerts | Lyrique







À Découvrir

•Off 2024• "Mon Petit Grand Frère" Récit salvateur d'un enfant traumatisé au bénéfice du devenir apaisé de l'adulte qu'il est devenu

Comment dire l'indicible, comment formuler les vagues souvenirs, les incertaines sensations qui furent captés, partiellement mémorisés à la petite enfance. Accoucher de cette résurgence voilée, diffuse, d'un drame familial ayant eu lieu à l'âge de deux ans est le parcours théâtral, étonnamment réussie, que nous offre Miguel-Ange Sarmiento avec "Mon petit grand frère". Ce qui aurait pu paraître une psychanalyse impudique devient alors une parole salvatrice porteuse d'un écho libératoire pour nos propres histoires douloureuses.

© Ève Pinel.
9 mars 1971, un petit bonhomme, dans les premiers pas de sa vie, goûte aux derniers instants du ravissement juvénile de voir sa maman souriante, heureuse. Mais, dans peu de temps, la fenêtre du bonheur va se refermer. Le drame n'est pas loin et le bonheur fait ses valises. À ce moment-là, personne ne le sait encore, mais les affres du destin se sont mis en marche, et plus rien ne sera comme avant.

En préambule du malheur à venir, le texte, traversant en permanence le pont entre narration réaliste et phrasé poétique, nous conduit à la découverte du quotidien plein de joie et de tendresse du pitchoun qu'est Miguel-Ange. Jeux d'enfants faits de marelle, de dinette, de billes, et de couchers sur la musique de Nounours et de "bonne nuit les petits". L'enfant est affectueux. "Je suis un garçon raisonnable. Je fais attention à ma maman. Je suis un bon garçon." Le bonheur est simple, mais joyeux et empli de tendresse.

Puis, entre dans la narration la disparition du grand frère de trois ans son aîné. La mort n'ayant, on le sait, aucune morale et aucun scrupule à commettre ses actes, antinaturelles lorsqu'il s'agit d'ôter la vie à un bambin. L'accident est acté et deux gamins dans le bassin sont décédés, ceux-ci n'ayant pu être ramenés à la vie. Là, se révèle l'avant et l'après. Le bonheur s'est enfui et rien ne sera plus comme avant.

Gil Chauveau
14/06/2024
Spectacle à la Une

•Off 2024• Lou Casa "Barbara & Brel" À nouveau un souffle singulier et virtuose passe sur l'œuvre de Barbara et de Brel

Ils sont peu nombreux ceux qui ont une réelle vision d'interprétation d'œuvres d'artistes "monuments" tels Brel, Barbara, Brassens, Piaf et bien d'autres. Lou Casa fait partie de ces rares virtuoses qui arrivent à imprimer leur signature sans effacer le filigrane du monstre sacré interprété. Après une relecture lumineuse en 2016 de quelques chansons de Barbara, voici le profond et solaire "Barbara & Brel".

© Betül Balkan.
Comme dans son précédent opus "À ce jour" (consacré à Barbara), Marc Casa est habité par ses choix, donnant un souffle original et unique à chaque titre choisi. Évitant musicalement l'écueil des orchestrations "datées" en optant systématiquement pour des sonorités contemporaines, chaque chanson est synonyme d'une grande richesse et variété instrumentales. Le timbre de la voix est prenant et fait montre à chaque fois d'une émouvante et artistique sincérité.

On retrouve dans cet album une réelle intensité pour chaque interprétation, une profondeur dans la tessiture, dans les tonalités exprimées dont on sent qu'elles puisent tant dans l'âme créatrice des illustres auteurs que dans les recoins intimes, les chemins de vie personnelle de Marc Casa, pour y mettre, dans une manière discrète et maîtrisée, emplie de sincérité, un peu de sa propre histoire.

"Nous mettons en écho des chansons de Barbara et Brel qui ont abordé les mêmes thèmes mais de manières différentes. L'idée est juste d'utiliser leur matière, leur art, tout en gardant une distance, en s'affranchissant de ce qu'ils sont, de ce qu'ils représentent aujourd'hui dans la culture populaire, dans la culture en général… qui est énorme !"

Gil Chauveau
19/06/2024
Spectacle à la Une

•Off 2024• "Un Chapeau de paille d'Italie" Une version singulière et explosive interrogeant nos libertés individuelles…

… face aux normalisations sociétales et idéologiques

Si l'art de générer des productions enthousiastes et inventives est incontestablement dans l'ADN de la compagnie L'Éternel Été, l'engagement citoyen fait aussi partie de la démarche créative de ses membres. La présente proposition ne déroge pas à la règle. Ainsi, Emmanuel Besnault et Benoît Gruel nous offrent une version décoiffante, vive, presque juvénile, mais diablement ancrée dans les problématiques actuelles, du "Chapeau de paille d'Italie"… pièce d'Eugène Labiche, véritable référence du vaudeville.

© Philippe Hanula.
L'argument, simple, n'en reste pas moins source de quiproquos, de riantes ficelles propres à la comédie et d'une bonne dose de situations grotesques, burlesques, voire absurdes. À l'aube d'un mariage des plus prometteurs avec la très florale Hélène – née sans doute dans les roses… ornant les pépinières parentales –, le fringant Fadinard se lance dans une quête effrénée pour récupérer un chapeau de paille d'Italie… Pour remplacer celui croqué – en guise de petit-déj ! – par un membre de la gent équestre, moteur exclusif de son hippomobile, ci-devant fiacre. À noter que le chapeau alimentaire appartenait à une belle – porteuse d'une alliance – en rendez-vous coupable avec un soldat, sans doute Apollon à ses heures perdues.

N'ayant pas vocation à pérenniser toute forme d'adaptation académique, nos deux metteurs en scène vont imaginer que cette histoire absurde est un songe, le songe d'une nuit… niché au creux du voyage ensommeillé de l'aimable Fadinard. Accrochez-vous à votre oreiller ! La pièce la plus célèbre de Labiche se transforme en une nouvelle comédie explosive, électro-onirique ! Comme un rêve habité de nounours dans un sommeil moelleux peuplé d'êtres extravagants en doudounes orange.

Gil Chauveau
26/03/2024