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Avignon 2022

•Off 2022• "CroiZades (jusqu'au trognon)" Par le monde, il y a beaucoup plus de couillons que d'hommes*

Que croire ? Question. Ou bien, qu'est-ce que c'est que cela : croire ? D'où cela vient, comment cela procède, par quel média cela se propage-t-il d'individus à société, de génération à la suivante ? La croyance, les croyances sont l'épicentre et également le centre épique de ce spectacle, "CroiZade", qui chevauche allègrement les imaginaires pour tenter de poser le plus visuellement possible la question. Mais avant de croire, avant toute croyance, fut le mot.



© Anahi Matteo.
© Anahi Matteo.
Vous l'aurez compris, nulle véritable place pour la triste réalité ici. L'autrice et metteure en scène Sandrine Roche est une créatrice habituée à ces récits qui transgressent cette rigide réalité. Sa patte d'autrice de pièces pour le jeune public lui donne l'aisance de flotter assez loin du concret. Et le spectacle s'envole très vite au-dessus de ce questionnement original, sans toutefois le perdre jamais de vue - tel un Milan tournant lentement, ailes déployées, porté par un lent courant ascendant, l'œil constamment posé sur sa proie.

Sandrine Roche s'est ainsi beaucoup amusée à brouiller les cartes en tissant un texte qui mêle un narratif relativement linéaire, qui a un peu la forme d'un conte pour enfants et qui revient comme un fil conducteur tout au long, avec un texte écrit à la mode Renaissance, haut en couleur, faux vieux françois qui apporte une touche de jubilation et une fantaisie verbale débridée. Le but ? Déstructurer l'existant pour chercher à retrouver une sorte d'origine débarrassée des systèmes de valeurs que la société instille définitivement dans les individus qui la composent.

© Anahi Matteo.
© Anahi Matteo.
Mais sa création décline également sur scène la même volonté de déstructuration. Par les corps, cette fois. Puis par le décor réalisé avec des panneaux translucides. Les six interprètes, qu'ils soient comédiens, danseurs ou plasticiens, se sont prêtés au jeu. Ils forment parfois un seul corps, partagent de leurs voix un texte qu'ils portent à tour de rôle, exécutent des danses traditionnelles que les régisseurs "son", eux-mêmes sur scène, transforment lentement en musique électronique. De même, le fond de scène devient une fresque peinte par tous les interprètes. Fresque naïve qui tente, elle aussi, de réécrire par l'image ce en quoi l'on doit croire, qui existe.

Jusqu'au bout, le spectacle restera surabondant en mots, en mouvements, en sons et en images. Il restera également très ludique, avec un humour potache par moments, des adultes se mettant à jouer comme des enfants. On pense aux héritages qu'il porte dans ses veines : Rabelais, Alfred Jarry… mais ceux-ci avaient, en plus de la jubilation verbale, la griffure de la provocation politique et de l'impertinence.

* François Rabelais.

"CroiZades (jusqu'au trognon)"

© Anahi Matteo.
© Anahi Matteo.
Texte : Sandrine Roche (publié aux éditions Théâtrales).
Mise en scène : Sandrine Roche.
Collaboration artistique : Lucia Trotta.
Chorégraphies : Silvia Cimino.
Avec : Avec Josef Amerveil, Marion Bajot, Leila Brahimi, Pedro Cabanas, Silvia Cimino, Loïc Even (en alternance avec Erick Priano), Grégoire Leymarie, Sophie Mangin, Alexandre Théry.
Création sonore : Josef Amerveil et Grégoire Leymarie.
Création lumière et vidéo, régie générale : Erick Priano et Loïc Even.
Costumes : Sophie Mangin.
Scénographie : Sandrine Roche et Érick Priano
Construction : Érick Priano
Tout public à partir de 14 ans.
Durée : 1 h 40.
Association Perspective Nevski.

© Anahi Matteo.
© Anahi Matteo.
•Avignon Off 2022•
Du 7 au 30 juillet 2022.
Mardi, vendredi et dimanche à 11 h.
Théâtre des Halles, Salle du Chapitre, rue du Roi René, Avignon.
Réservations : 04 32 76 24 51.
>> theatredeshalles.com

Bruno Fougniès
Vendredi 27 Mai 2022

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•Off 2024• "Mon Petit Grand Frère" Récit salvateur d'un enfant traumatisé au bénéfice du devenir apaisé de l'adulte qu'il est devenu

Comment dire l'indicible, comment formuler les vagues souvenirs, les incertaines sensations qui furent captés, partiellement mémorisés à la petite enfance. Accoucher de cette résurgence voilée, diffuse, d'un drame familial ayant eu lieu à l'âge de deux ans est le parcours théâtral, étonnamment réussie, que nous offre Miguel-Ange Sarmiento avec "Mon petit grand frère". Ce qui aurait pu paraître une psychanalyse impudique devient alors une parole salvatrice porteuse d'un écho libératoire pour nos propres histoires douloureuses.

© Ève Pinel.
9 mars 1971, un petit bonhomme, dans les premiers pas de sa vie, goûte aux derniers instants du ravissement juvénile de voir sa maman souriante, heureuse. Mais, dans peu de temps, la fenêtre du bonheur va se refermer. Le drame n'est pas loin et le bonheur fait ses valises. À ce moment-là, personne ne le sait encore, mais les affres du destin se sont mis en marche, et plus rien ne sera comme avant.

En préambule du malheur à venir, le texte, traversant en permanence le pont entre narration réaliste et phrasé poétique, nous conduit à la découverte du quotidien plein de joie et de tendresse du pitchoun qu'est Miguel-Ange. Jeux d'enfants faits de marelle, de dinette, de billes, et de couchers sur la musique de Nounours et de "bonne nuit les petits". L'enfant est affectueux. "Je suis un garçon raisonnable. Je fais attention à ma maman. Je suis un bon garçon." Le bonheur est simple, mais joyeux et empli de tendresse.

Puis, entre dans la narration la disparition du grand frère de trois ans son aîné. La mort n'ayant, on le sait, aucune morale et aucun scrupule à commettre ses actes, antinaturelles lorsqu'il s'agit d'ôter la vie à un bambin. L'accident est acté et deux gamins dans le bassin sont décédés, ceux-ci n'ayant pu être ramenés à la vie. Là, se révèle l'avant et l'après. Le bonheur s'est enfui et rien ne sera plus comme avant.

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14/06/2024
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Ils sont peu nombreux ceux qui ont une réelle vision d'interprétation d'œuvres d'artistes "monuments" tels Brel, Barbara, Brassens, Piaf et bien d'autres. Lou Casa fait partie de ces rares virtuoses qui arrivent à imprimer leur signature sans effacer le filigrane du monstre sacré interprété. Après une relecture lumineuse en 2016 de quelques chansons de Barbara, voici le profond et solaire "Barbara & Brel".

© Betül Balkan.
Comme dans son précédent opus "À ce jour" (consacré à Barbara), Marc Casa est habité par ses choix, donnant un souffle original et unique à chaque titre choisi. Évitant musicalement l'écueil des orchestrations "datées" en optant systématiquement pour des sonorités contemporaines, chaque chanson est synonyme d'une grande richesse et variété instrumentales. Le timbre de la voix est prenant et fait montre à chaque fois d'une émouvante et artistique sincérité.

On retrouve dans cet album une réelle intensité pour chaque interprétation, une profondeur dans la tessiture, dans les tonalités exprimées dont on sent qu'elles puisent tant dans l'âme créatrice des illustres auteurs que dans les recoins intimes, les chemins de vie personnelle de Marc Casa, pour y mettre, dans une manière discrète et maîtrisée, emplie de sincérité, un peu de sa propre histoire.

"Nous mettons en écho des chansons de Barbara et Brel qui ont abordé les mêmes thèmes mais de manières différentes. L'idée est juste d'utiliser leur matière, leur art, tout en gardant une distance, en s'affranchissant de ce qu'ils sont, de ce qu'ils représentent aujourd'hui dans la culture populaire, dans la culture en général… qui est énorme !"

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… face aux normalisations sociétales et idéologiques

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© Philippe Hanula.
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Gil Chauveau
26/03/2024