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Avignon 2022

•Off 2022• "Augustin Mal n'est pas un assassin" Chronique d'un salaud ordinaire empreinte d'une pointe de monstruosité

L'art de la dénégation… Formuler ses désirs, ses pensées, ses sentiments jusqu'ici refoulés, édifiant les multiples frustrations… et continuer à s'en défendre en niant que ceux-ci peuvent nous appartenir. Explorer ce fossé qui sépare ce qu'on dit et ce qu'on fait. Porter un regard sur cette subjectivité qui, dans le texte de Julie Douard, est poussée jusque dans ses derniers retranchements et qui peut conduire aux pires extrêmes. Mais ici pas d'affect, ni de jugement, l'analyse a la rigueur et la puissance du travail de l'entomologiste. Metteur en scène et comédien s'évertue à retranscrire cet examen quasi chirurgical d'une partie sombre de l'âme humaine… Avec succès !



© Virginie Meigné.
© Virginie Meigné.
Nouvelle collaboration avec l'auteur Julie Douard pour Olivier Lopez, metteur en scène et directeur de La Cité Théâtre à Caen. Celle-là même qui nous fit le découvrir en 2001 avec sa pièce "Ferdinand l'impossible". Olivier Lopez exécute à nouveau ici la partition du seul en scène et offre à François Bureloup - un comédien doté d'un jeu au large spectre émotionnel et aux riches et étonnantes subtilités interprétatives - un rôle aux ambiguïtés et paradoxes peu communs, opposant l'apparente normalité de l'anonyme lambda, le monsieur tout le monde, notre voisin, et le potentiel désordre intérieur de cet individu quelconque pouvant le conduire à une forme de folie dévastatrice et à des actes monstrueux.

La force du texte de Julie Douard, intelligemment mis en scène par Olivier Lopez, est de balader le spectateur entre dégoût et empathie, entre rejet et compassion pour cet homme ordinaire à qui on pourrait parfois ressembler, du moins dans le déclaratif et la potentielle capacité, dans des circonstances de grande frustration, de peur, de colère ou de douleur, à passer du "côté obscur de la force".

© Virginie Meigné.
© Virginie Meigné.
Augustin se raconte, parle de sa solitude, de ses habitudes, de ses relations au travail, de sa propreté maniaque, de la nécessité de maitriser sa denture car révélatrice de la personnalité, revendiquant une perfection surannée, habillée en pull sans manches gris. Mais cet homme qui paraît ordinaire l'est-il vraiment ? C'est dans cette banalité commune que se construisent les petites horreurs indicibles naissant d'un être en proie aux manques affectifs, cherchant à comprendre la morale et les règles tacites qui régissent les rapports humains et la société.

Voix claire, diction parfaite, sans tension durant toute la représentation, François Bureloup capte l'attention en assénant avec une conviction déconcertante tant ses préceptes sortis tout droit de son vade-mecum personnel que le récit des situations vécues et des actes commis. La narration portée par le comédien est quelquefois blanche, sans affect, donnant une dimension supplémentaire à l'horreur qui peut poindre, notamment lors de la séquestration et du viol de Gigi qu'il rencontre aux réunions d'un groupe de parole.

© Virginie Meigné.
© Virginie Meigné.
L'association artistique Douard, Lopez et Bureloup produit un seul en scène dense, maîtrisée, fluide. Porté par une écriture précise, développant à certains moments détails et précisions, ces dernières étant parfois dotées d'une forme d'humour, d'une dérision dont le personnage n'a pas conscience. Le récit ne laisse pas indifférent, malgré l'apparente insignifiance des propos assénés, prenant parfois des allures conférencières, dans une démonstration se voulant anodine, mais laissant se dessiner des anfractuosités inquiétantes d'où naissent ces petites monstruosités ordinaires.

Ce monologue théâtral nous emmène dans les méandres de la pensée intime et personnelle d'un être qui aurait pu être simplement intelligent, drôle, charmeur, ouvert et tolérant, mais dont la part d'ombre révèle un lâche harceleur, kidnappeur et violeur… La proposition d'Olivier Lopez est une traversée réussie dans les désordres intérieurs et les souffrances accumulées qui "nous interroge sur la solitude de notre société et sur sa capacité à générer des monstres."

"Augustin Mal n'est pas un assassin"

© Virginie Meigné.
© Virginie Meigné.
Texte : Julie Douard (P.O.L. éditeur, 2020).
Mise en scène : Olivier Lopez.
Avec : François Bureloup.
Création lumière : Louis Sady.
Régie lumière : Nikita Haluch.
Costumes : Laëtitia Guiral.
Tout public à partir de 14 ans.
Durée : 1 h 15.
Production La Cité Théâtre.
>> lacitetheatre.org

•Avignon Off 2022•
Du 7 au 26 juillet 2022.
Tous les jours à 14 h 30, relâche les 13 et 20 juillet.
Théâtre des Halles - Hors les murs, Conservatoire du Grand Avignon, 1-3, rue du Général Leclerc, Avignon.
Réservations : 04 32 76 24 51.
>> theatredeshalles.com

Tournée
Du 7 au 11 novembre 2022 : Le Volcan - Scène nationale, Le Havre (76).
Du 9 au 12 mai 2023 : L'Archipel - Scène conventionnée, Granville (50).

Gil Chauveau
Vendredi 27 Mai 2022

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À Découvrir

•Off 2024• "Mon Petit Grand Frère" Récit salvateur d'un enfant traumatisé au bénéfice du devenir apaisé de l'adulte qu'il est devenu

Comment dire l'indicible, comment formuler les vagues souvenirs, les incertaines sensations qui furent captés, partiellement mémorisés à la petite enfance. Accoucher de cette résurgence voilée, diffuse, d'un drame familial ayant eu lieu à l'âge de deux ans est le parcours théâtral, étonnamment réussie, que nous offre Miguel-Ange Sarmiento avec "Mon petit grand frère". Ce qui aurait pu paraître une psychanalyse impudique devient alors une parole salvatrice porteuse d'un écho libératoire pour nos propres histoires douloureuses.

© Ève Pinel.
9 mars 1971, un petit bonhomme, dans les premiers pas de sa vie, goûte aux derniers instants du ravissement juvénile de voir sa maman souriante, heureuse. Mais, dans peu de temps, la fenêtre du bonheur va se refermer. Le drame n'est pas loin et le bonheur fait ses valises. À ce moment-là, personne ne le sait encore, mais les affres du destin se sont mis en marche, et plus rien ne sera comme avant.

En préambule du malheur à venir, le texte, traversant en permanence le pont entre narration réaliste et phrasé poétique, nous conduit à la découverte du quotidien plein de joie et de tendresse du pitchoun qu'est Miguel-Ange. Jeux d'enfants faits de marelle, de dinette, de billes, et de couchers sur la musique de Nounours et de "bonne nuit les petits". L'enfant est affectueux. "Je suis un garçon raisonnable. Je fais attention à ma maman. Je suis un bon garçon." Le bonheur est simple, mais joyeux et empli de tendresse.

Puis, entre dans la narration la disparition du grand frère de trois ans son aîné. La mort n'ayant, on le sait, aucune morale et aucun scrupule à commettre ses actes, antinaturelles lorsqu'il s'agit d'ôter la vie à un bambin. L'accident est acté et deux gamins dans le bassin sont décédés, ceux-ci n'ayant pu être ramenés à la vie. Là, se révèle l'avant et l'après. Le bonheur s'est enfui et rien ne sera plus comme avant.

Gil Chauveau
14/06/2024
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•Off 2024• Lou Casa "Barbara & Brel" À nouveau un souffle singulier et virtuose passe sur l'œuvre de Barbara et de Brel

Ils sont peu nombreux ceux qui ont une réelle vision d'interprétation d'œuvres d'artistes "monuments" tels Brel, Barbara, Brassens, Piaf et bien d'autres. Lou Casa fait partie de ces rares virtuoses qui arrivent à imprimer leur signature sans effacer le filigrane du monstre sacré interprété. Après une relecture lumineuse en 2016 de quelques chansons de Barbara, voici le profond et solaire "Barbara & Brel".

© Betül Balkan.
Comme dans son précédent opus "À ce jour" (consacré à Barbara), Marc Casa est habité par ses choix, donnant un souffle original et unique à chaque titre choisi. Évitant musicalement l'écueil des orchestrations "datées" en optant systématiquement pour des sonorités contemporaines, chaque chanson est synonyme d'une grande richesse et variété instrumentales. Le timbre de la voix est prenant et fait montre à chaque fois d'une émouvante et artistique sincérité.

On retrouve dans cet album une réelle intensité pour chaque interprétation, une profondeur dans la tessiture, dans les tonalités exprimées dont on sent qu'elles puisent tant dans l'âme créatrice des illustres auteurs que dans les recoins intimes, les chemins de vie personnelle de Marc Casa, pour y mettre, dans une manière discrète et maîtrisée, emplie de sincérité, un peu de sa propre histoire.

"Nous mettons en écho des chansons de Barbara et Brel qui ont abordé les mêmes thèmes mais de manières différentes. L'idée est juste d'utiliser leur matière, leur art, tout en gardant une distance, en s'affranchissant de ce qu'ils sont, de ce qu'ils représentent aujourd'hui dans la culture populaire, dans la culture en général… qui est énorme !"

Gil Chauveau
19/06/2024
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•Off 2024• "Un Chapeau de paille d'Italie" Une version singulière et explosive interrogeant nos libertés individuelles…

… face aux normalisations sociétales et idéologiques

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© Philippe Hanula.
L'argument, simple, n'en reste pas moins source de quiproquos, de riantes ficelles propres à la comédie et d'une bonne dose de situations grotesques, burlesques, voire absurdes. À l'aube d'un mariage des plus prometteurs avec la très florale Hélène – née sans doute dans les roses… ornant les pépinières parentales –, le fringant Fadinard se lance dans une quête effrénée pour récupérer un chapeau de paille d'Italie… Pour remplacer celui croqué – en guise de petit-déj ! – par un membre de la gent équestre, moteur exclusif de son hippomobile, ci-devant fiacre. À noter que le chapeau alimentaire appartenait à une belle – porteuse d'une alliance – en rendez-vous coupable avec un soldat, sans doute Apollon à ses heures perdues.

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Gil Chauveau
26/03/2024