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Avignon 2021

•Off 2021• Adeno Nuitome Une glorification de l'amour

Lola Molina questionne pour la deuxième fois les stigmates de l'amour. Dans sa pièce précédente intitulée "Seasonal Affective Disorder" (déjà dans une mise en scène de Lélio PLotton), elle s'était intéressée à la cavale hors normes, et pas correcte du tout politiquement parlant, d'une ado de 14 ans et d'un chanteur vaguement raté de 50 piges. Dans "Adeno Huitome", le couple est moins romanesque puisqu'ils ont à peu près le même âge. Lui est régisseur lumière, Elle, écrivain. Ils vivent ensemble en joyeux citadins et suivent chacun des carrières vouées à la réussite jusqu'au jour où le cancer s'immisce dans leur histoire. C'est sur Elle que ça tombe.



© Jonathan Michel.
© Jonathan Michel.
Une nouvelle qui bouleverse leurs projets : ils changent de vie, abandonnent la ville, achètent une maison en pleine nature. C'est là qu'elle vit dorénavant entre la rivière, les arbres en fleurs, les animaux sauvages et l'écriture. Lui revient de ses tournées dès qu'il le peut. La pièce se construit ainsi en courtes interventions de l'une ou de l'autre et de scènes à deux. Mélanges de souvenirs, de narrations et moments de vie qui nous font découvrir peu à peu l'histoire de ces deux personnages et les variations de leur amour l'un pour l'autre.

Le texte autant que la mise en scène évitent avec bonheur tout réalisme. C'est plus vers une poésie de réconciliation avec la nature que vers l'analyse des dommages de la maladie que notre attention est tournée. Lola Molina scrute avec art et tendresse les remous intimes que la présence de cette menace provoque. Elle (le personnage féminin), prise entre la solitude de cette nouvelle maison et la solitude de son travail d'écriture navigue entre nostalgie de l'adolescence et besoin d'une vitalité que l'environnement bourgeonnant de la maison lui apporte. Lui se dévoue pour l'entourer de toute son attention.

© Jonathan Michel.
© Jonathan Michel.
Toute la pièce se déroule sur cette tonalité douce et profonde, même dans les quelques moments de révolte, de colère. L'écriture fine et ciselée dans un langage simple de Lola Molina accentue encore le côté onirique, sensible et mélodique. Charlotte Ligneau donne à ces mots un poids charnel, précis, touchant. Elle parvient à faire éclater dans son personnage tant la simplicité que la profondeur, tant la réalité de ses peurs que la grâce de vivre pour la fiction littéraire. Lui, incarné par Antoine Sastre, développe un caractère beaucoup plus taillé dans le réel. Son rôle, un peu moins fouillé que celui de sa partenaire, souffre un peu d'un déficit de drame.

Sur scène, trois écrans en forme de kakémonos géants forment le fond du plateau. À jardin, un banc de jardin, à cour, le bureau d'autrice. Un peu plus tard, le centre du plateau sera occupé par un tapis pour figurer l'intérieur et, occupant tout le reste du sol, des dizaines de bouquets de fleurs des champs. Sur les écrans alternent les projections des mouvements de la nature comme des pulsations de vie : feuillages, ruissellements, vents… Toute l'action va se dérouler dans ce décor imaginé par Adeline Caron, à la fois réaliste et onirique.

Pudique, retenue, un tantinet cérébrale, cette pièce peint une jolie évocation romantique où l'affection entre les deux personnages reste un peu trop sage, purgée des passions, des désirs, des tourments, des désordres que l'amour fauché par un drame provoque en général.

"Adeno Nuitome"

© Jonathan Michel.
© Jonathan Michel.
Texte : Lola Molina.
Mise en scène : Lélio Plotton.
Avec : Charlotte Ligneau et Antoine Sastre.
Scénographie : Adeline Caron.
Création vidéo : Jonathan Michel.
Création sonore : Bastien Varigault.
Création lumières : Maurice Fouilhé.
Composition guitare : Julien Varigault.
Durée : 1 h 20.
Par la Cie Léla.
Le texte a reçu le soutien du Centre National du Livre. Il est publié aux éditions Théâtrales (mars 2021).

•Avignon Off 2021•
Du 6 au 25 juillet 2021.
Tous les jours à 21 h 10, relâche les 12 et 19 juillet.
La Manufacture (intramuros)
2, rue des Écoles, Avignon.
Réservations : 04 90 85 12 71.
>> lamanufacture.org/

Tournée
1er et 2 décembre 2021 : Halle aux Grains scène nationale de Blois (41).
23 février 2022 : Centre culturel Albert Camus, Issoudun (36).

Bruno Fougniès
Lundi 31 Mai 2021

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À Découvrir

"La Chute" Une adaptation réussie portée par un jeu d'une force organique hors du commun

Dans un bar à matelots d'Amsterdam, le Mexico-City, un homme interpelle un autre homme.
Une longue conversation s'initie entre eux. Jean-Baptiste Clamence, le narrateur, exerçant dans ce bar l'intriguant métier de juge-pénitent, fait lui-même les questions et les réponses face à son interlocuteur muet.

© Philippe Hanula.
Il commence alors à lever le voile sur son passé glorieux et sa vie d'avocat parisien. Une vie réussie et brillante, jusqu'au jour où il croise une jeune femme sur le pont Royal à Paris, et qu'elle se jette dans la Seine juste après son passage. Il ne fera rien pour tenter de la sauver. Dès lors, Clamence commence sa "chute" et finit par se remémorer les événements noirs de son passé.

Il en est ainsi à chaque fois que nous prévoyons d'assister à une adaptation d'une œuvre d'Albert Camus : un frémissement d'incertitude et la crainte bien tangible d'être déçue nous titillent systématiquement. Car nous portons l'auteur en question au pinacle, tout comme Jacques Galaud, l'enseignant-initiateur bien inspiré auprès du comédien auquel, il a proposé, un jour, cette adaptation.

Pas de raison particulière pour que, cette fois-ci, il en eût été autrement… D'autant plus qu'à nos yeux, ce roman de Camus recèle en lui bien des considérations qui nous sont propres depuis toujours : le moi, la conscience, le sens de la vie, l'absurdité de cette dernière, la solitude, la culpabilité. Entre autres.

Brigitte Corrigou
09/10/2024
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"Dub" Unité et harmonie dans la différence !

La dernière création d'Amala Dianor nous plonge dans l'univers du Dub. Au travers de différents tableaux, le chorégraphe manie avec rythme et subtilité les multiples visages du 6ᵉ art dans lequel il bâtit un puzzle artistique où ce qui lie l'ensemble est une gestuelle en opposition de styles, à la fois virevoltante et hachée, qu'ondulante et courbe.

© Pierre Gondard.
En arrière-scène, dans une lumière un peu sombre, la scénographie laisse découvrir sept grands carrés vides disposés les uns sur les autres. Celui situé en bas et au centre dessine une entrée. L'ensemble représente ainsi une maison, grande demeure avec ses pièces vides.

Devant cette scénographie, onze danseurs investissent les planches à tour de rôle, chacun y apportant sa griffe, sa marque par le style de danse qu'il incarne, comme à l'image du Dub, genre musical issu du reggae jamaïcain dont l'origine est due à une erreur de gravure de disque de l'ingénieur du son Osbourne Ruddock, alias King Tubby, en mettant du reggae en version instrumentale. En 1967, en Jamaïque, le disc-jockey Rudy Redwood va le diffuser dans un dance floor. Le succès est immédiat.

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Safidin Alouache
17/12/2024
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© DR.
C'est l'injustice sociale que les auteurs et la metteure en scène Maïa Sandoz veulent mettre au premier plan des thèmes abordés. Notre époque, qui veut que les riches soient de plus en plus riches et les pauvres de plus pauvres, sert de caisse de résonance extrêmement puissante à cette intention. Rien n'étonne, en fait, lorsque la mère de Robin et de sa sœur, Christabelle, est jetée en prison pour avoir volé un peu de nourriture dans un supermarché pour nourrir ses enfants suite à la perte de son emploi et la disparition du père. Une histoire presque banale dans notre monde, mais un acte que le bon sens répugne à condamner, tandis que les lois économiques et politiques condamnent sans aucune conscience.

Le spectacle s'adresse au sens inné de la justice que portent en eux les enfants pour, en partant de cette situation aux allures tristement documentaires et réalistes, les emporter vers une fiction porteuse d'espoir, de rires et de rêves. Les enfants Robin et Christabelle échappent aux services sociaux d'aide à l'enfance pour s'introduire dans la forêt interdite et commencer une vie affranchie des règles injustes de la cité et de leur maître, quitte à risquer les foudres de la justice.

Bruno Fougniès
13/12/2024