La Revue du Spectacle, le magazine des arts de la scène et du spectacle vivant. Infos théâtre, chanson, café-théâtre, cirque, arts de la rue, agenda, CD, etc.



Augmenter la taille du texte
Diminuer la taille du texte
Partager
Paroles & Musique

Mireille… Un esprit libre qui donna un air de printemps à la chanson

"La Grande Petite Mireille", Petit Montparnasse, Paris

Au siècle dernier, un petit bout de femme, sous ses airs de chansonnette, libre, volontaire et indépendante, transforma à sa manière le monde de la chanson et du music-hall en lui donnant une note de féminisme et quelques légères mélodies aux tonalités joyeuses, insolentes et mutines ; et innova en créant une école où passèrent des artistes que nous aimons encore aujourd'hui. Elle se nommait Mireille Hartuch mais connue la célébrité sous son simple prénom… Mireille !



© J. Stey.
© J. Stey.
Qui connaît Mireille aujourd'hui ? Pas grand monde sans doute ! À part quelques seniors ou passionnés de chansons de qualité… ou bien Alice Dona, Hugues Aufray, Françoise Hardy, Alain Souchon, Daniel Prévost, ou encore Yves Duteil pour être passés dans les mains perspicaces, bienveillantes mais sans concessions de celle qui créa et dirigea le Petit Conservatoire de la chanson (1955-1974). Mais certaines mélodies et paroles se rappellent bizarrement facilement à notre souvenir… "Ce petit chemin"… qui sent la noisette… "Couchés dans le foin"… avec le soleil pour témoin, ou "Puisque vous partez en voyage"… Ma chérie… je pars avec vous…

"La Grande Petite Mireille", création musicale de Marie-Charlotte Leclaire et Hervé Devolder, vient nous rafraîchir la mémoire et nous rappeler l'importance de cette interprète-compositrice qui modifia profondément l'univers de la chanson en la faisant passer de sa période noire, réaliste à celle plus ensoleillée, plus swing, plus jazzy, plus pétillante qui conduira à la joie de vivre, à la poésie clairvoyante, aux chroniques mi-réelles, mi-rêvées d'un Fou chantant ou plus tard d'un Higelin.

© J. Stey.
© J. Stey.
L'intelligence de Marie-Charlotte Leclaire et Hervé Devolder est de nous conter une histoire qui fait appel, ni à la nostalgie, ni à l'obligation de détention d'un acte de naissance datant du début du siècle dernier, mais simplement à un intérêt, à une curiosité pour la chanson française, son histoire et ses acteurs à la vie parfois peu commune, voire exceptionnelle en ce qui concerne notre héroïne.

Ils conduisent le spectateur dans une aventure truculente et joviale animée par des flash-backs, d'étonnantes anecdotes et tranches de vie, pas toujours les plus connues mais singulières pour l'époque… et précurseurs d'une première revendication à l'indépendance féminine, ce qu'appliquera Mireille tout au long de sa vie.

Et cette dernière se construira sur de nombreuses rencontres… Jean Nohain, essentiel partenaire à la création des tubes qu'on ne nommait pas encore ainsi, Pills et Tabet, Jean Sablon et Maurice Chevalier, interprètes de quelques-uns de ses chefs-d'oeuvre, Ray Ventura, George et Ira Gershwin, Sacha Guitry, Yves Montand, le journaliste et essayiste Emmanuel Berl qui devint son mari…

© J. Stey.
© J. Stey.
Et sur des innovations comme la première pochette de disque* et la première tentative d'enseignement organisé de la chanson qui lui fera endosser le rôle de professeur aux méthodes parfois assez dures, allant jusqu'à tenter de décourager certaines présumées futures vedettes, mais sachant aussi cajoler celles et ceux en qui elle croyait… Françoise Hardy en fut une !

Usant d'une mise en scène inventive et astucieuse - et notre homme est un multirécidiviste -, Hervé Devolder assemble faits historiques, séquences de narration vivantes et enthousiastes, répliques humoristiques, interprétations duettistes ou en trio à l'américaine, extraits d'archives télévisuelles, historiettes croustillantes ou émouvantes, donnant à Mireille le statut (mérité) de "dépoussièreuse" de la chanson française et de la composition musicale, qui en révolutionna les genres et fit des émules dont la tête de file ne fut autre que Charles Trenet.

Cette plongée qui démarre dans le music-hall de la Grande Époque pour aller jusqu'aux années quatre-vingt-dix est tout simplement réjouissante car marquée de cette jeunesse éternelle de la "grande petite dame" qui chantera encore à soixante-dix ans au Printemps de Bourges, à Bobino et sera sur la scène de Chaillot en 95, un an avant sa mort…

© J. Stey.
© J. Stey.
Marquées par le jazz, le swing et le bonheur de vivre, ses compositions n’ont pas pris une ride et nous enchantent toujours… c'est ce que réussissent à nous transmettre avec talent Marie-Charlotte Leclaire, Adrien Biry-Vicente, Hervé Devolder et Cyril Romoli..

*Avant la Seconde Guerre mondiale, les 78 tours étaient emballés dans des pochettes en carton avec dessus le logo de la compagnie discographique qui éditait l'album. C'est André Girard (peintre) qui, travaillant pour la Columbia, réalisa la première pochette de disque illustrée (par une aquarelle) qui fut celle dédiée au vinyle du duo Pills et Tabet interprétant "La fille de Lévy" et "Couchés Dans Le Foin" de Mireille (musiques) et Jean Nohain (textes).

"La Grande Petite Mireille"

© J. Stey.
© J. Stey.
Spectacle musical de Marie-Charlotte Leclaire et Hervé Devolder.
Mise en scène : Hervé Devolder.
Assistant à la mise en scène : Jean-Baptiste Darosey.
Avec : Marie-Charlotte Leclaire, Adrien Biry-Vicente et Hervé Devolder en alternance avec Cyril Romoli.
Musiques : Mireille.
Costumes : Jean-Daniel Vuillermoz.
Lumières : Denis Koransky.

Du 2 mars au 5 mai 2019.
Du mardi au samedi à 19 h, dimanche à 17 h.
Petit Montparnasse, Paris 14e, 01 43 22 77 74.
>> theatremontparnasse.com

Gil Chauveau
Mercredi 20 Mars 2019

Nouveau commentaire :

Théâtre | Danse | Concerts & Lyrique | À l'affiche | À l'affiche bis | Cirque & Rue | Humour | Festivals | Pitchouns | Paroles & Musique | Avignon 2017 | Avignon 2018 | Avignon 2019 | CédéDévédé | Trib'Une | RV du Jour | Pièce du boucher | Coulisses & Cie | Coin de l’œil | Archives | Avignon 2021 | Avignon 2022 | Avignon 2023 | Avignon 2024 | À l'affiche ter





Numéros Papier

Anciens Numéros de La Revue du Spectacle (10)

Vente des numéros "Collectors" de La Revue du Spectacle.
10 euros l'exemplaire, frais de port compris.






À Découvrir

•Off 2024• "Mon Petit Grand Frère" Récit salvateur d'un enfant traumatisé au bénéfice du devenir apaisé de l'adulte qu'il est devenu

Comment dire l'indicible, comment formuler les vagues souvenirs, les incertaines sensations qui furent captés, partiellement mémorisés à la petite enfance. Accoucher de cette résurgence voilée, diffuse, d'un drame familial ayant eu lieu à l'âge de deux ans est le parcours théâtral, étonnamment réussie, que nous offre Miguel-Ange Sarmiento avec "Mon petit grand frère". Ce qui aurait pu paraître une psychanalyse impudique devient alors une parole salvatrice porteuse d'un écho libératoire pour nos propres histoires douloureuses.

© Ève Pinel.
9 mars 1971, un petit bonhomme, dans les premiers pas de sa vie, goûte aux derniers instants du ravissement juvénile de voir sa maman souriante, heureuse. Mais, dans peu de temps, la fenêtre du bonheur va se refermer. Le drame n'est pas loin et le bonheur fait ses valises. À ce moment-là, personne ne le sait encore, mais les affres du destin se sont mis en marche, et plus rien ne sera comme avant.

En préambule du malheur à venir, le texte, traversant en permanence le pont entre narration réaliste et phrasé poétique, nous conduit à la découverte du quotidien plein de joie et de tendresse du pitchoun qu'est Miguel-Ange. Jeux d'enfants faits de marelle, de dinette, de billes, et de couchers sur la musique de Nounours et de "bonne nuit les petits". L'enfant est affectueux. "Je suis un garçon raisonnable. Je fais attention à ma maman. Je suis un bon garçon." Le bonheur est simple, mais joyeux et empli de tendresse.

Puis, entre dans la narration la disparition du grand frère de trois ans son aîné. La mort n'ayant, on le sait, aucune morale et aucun scrupule à commettre ses actes, antinaturelles lorsqu'il s'agit d'ôter la vie à un bambin. L'accident est acté et deux gamins dans le bassin sont décédés, ceux-ci n'ayant pu être ramenés à la vie. Là, se révèle l'avant et l'après. Le bonheur s'est enfui et rien ne sera plus comme avant.

Gil Chauveau
14/06/2024
Spectacle à la Une

•Off 2024• Lou Casa "Barbara & Brel" À nouveau un souffle singulier et virtuose passe sur l'œuvre de Barbara et de Brel

Ils sont peu nombreux ceux qui ont une réelle vision d'interprétation d'œuvres d'artistes "monuments" tels Brel, Barbara, Brassens, Piaf et bien d'autres. Lou Casa fait partie de ces rares virtuoses qui arrivent à imprimer leur signature sans effacer le filigrane du monstre sacré interprété. Après une relecture lumineuse en 2016 de quelques chansons de Barbara, voici le profond et solaire "Barbara & Brel".

© Betül Balkan.
Comme dans son précédent opus "À ce jour" (consacré à Barbara), Marc Casa est habité par ses choix, donnant un souffle original et unique à chaque titre choisi. Évitant musicalement l'écueil des orchestrations "datées" en optant systématiquement pour des sonorités contemporaines, chaque chanson est synonyme d'une grande richesse et variété instrumentales. Le timbre de la voix est prenant et fait montre à chaque fois d'une émouvante et artistique sincérité.

On retrouve dans cet album une réelle intensité pour chaque interprétation, une profondeur dans la tessiture, dans les tonalités exprimées dont on sent qu'elles puisent tant dans l'âme créatrice des illustres auteurs que dans les recoins intimes, les chemins de vie personnelle de Marc Casa, pour y mettre, dans une manière discrète et maîtrisée, emplie de sincérité, un peu de sa propre histoire.

"Nous mettons en écho des chansons de Barbara et Brel qui ont abordé les mêmes thèmes mais de manières différentes. L'idée est juste d'utiliser leur matière, leur art, tout en gardant une distance, en s'affranchissant de ce qu'ils sont, de ce qu'ils représentent aujourd'hui dans la culture populaire, dans la culture en général… qui est énorme !"

Gil Chauveau
19/06/2024
Spectacle à la Une

•Off 2024• "Un Chapeau de paille d'Italie" Une version singulière et explosive interrogeant nos libertés individuelles…

… face aux normalisations sociétales et idéologiques

Si l'art de générer des productions enthousiastes et inventives est incontestablement dans l'ADN de la compagnie L'Éternel Été, l'engagement citoyen fait aussi partie de la démarche créative de ses membres. La présente proposition ne déroge pas à la règle. Ainsi, Emmanuel Besnault et Benoît Gruel nous offrent une version décoiffante, vive, presque juvénile, mais diablement ancrée dans les problématiques actuelles, du "Chapeau de paille d'Italie"… pièce d'Eugène Labiche, véritable référence du vaudeville.

© Philippe Hanula.
L'argument, simple, n'en reste pas moins source de quiproquos, de riantes ficelles propres à la comédie et d'une bonne dose de situations grotesques, burlesques, voire absurdes. À l'aube d'un mariage des plus prometteurs avec la très florale Hélène – née sans doute dans les roses… ornant les pépinières parentales –, le fringant Fadinard se lance dans une quête effrénée pour récupérer un chapeau de paille d'Italie… Pour remplacer celui croqué – en guise de petit-déj ! – par un membre de la gent équestre, moteur exclusif de son hippomobile, ci-devant fiacre. À noter que le chapeau alimentaire appartenait à une belle – porteuse d'une alliance – en rendez-vous coupable avec un soldat, sans doute Apollon à ses heures perdues.

N'ayant pas vocation à pérenniser toute forme d'adaptation académique, nos deux metteurs en scène vont imaginer que cette histoire absurde est un songe, le songe d'une nuit… niché au creux du voyage ensommeillé de l'aimable Fadinard. Accrochez-vous à votre oreiller ! La pièce la plus célèbre de Labiche se transforme en une nouvelle comédie explosive, électro-onirique ! Comme un rêve habité de nounours dans un sommeil moelleux peuplé d'êtres extravagants en doudounes orange.

Gil Chauveau
26/03/2024