"L'Arrivée d'un train en gare de La Ciotat", Auguste et Louis Lumière, 1895 © DR.
Dans la grande famille multiformes des arts du spectacle, le cinéma est victime d’un curieux paradoxe : alors que, depuis sa création, il n’a de cesse de reproduire le plus fidèlement possible la réalité - voir l’actuelle et ridicule mode du relief mis à toutes les sauces -, il n’est toujours pas considéré, plus d’un siècle après sa naissance, comme un spectacle "vivant". Et tant pis si les spectateurs de l’Arrivée d’un train en gare de la Ciotat des frères Lumière, reculant effrayés car convaincus que la locomotive leur arrivait directement dessus, n’étaient déjà pas de cet avis en 1896. Quant aux millions de fans d’Avatar qui, lunettes de glacier sur le nez, essayent aujourd’hui d’attraper les insectes luminescents qui volètent autour des schtroumpfs géants de James Cameron, quel sans cœur osera aller leur révéler qu’ils ne sont pas dans la "vraie vie" de la planète Pandora ?
Parce que l’image en mouvement est en prise directe avec l’œil, parce qu’il n’est pas question de "quatrième mur", parce que la grammaire cinématographique, avec ses gros plans, sa caméra subjective, ses panoramiques, ses plans séquences, permet une identification et une immersion immédiates, le cinéma est le spectacle le plus vivant qui soit. C’est d’autant plus vrai que nous vivons à l’ère de l’image absolue. Un enfant regarde la télévision parfois même avant de savoir parler. D’internet en smartphones divers, la communication et les échanges passent aujourd’hui tout autant, sinon plus, par l’image que par le verbe.
Parce que l’image en mouvement est en prise directe avec l’œil, parce qu’il n’est pas question de "quatrième mur", parce que la grammaire cinématographique, avec ses gros plans, sa caméra subjective, ses panoramiques, ses plans séquences, permet une identification et une immersion immédiates, le cinéma est le spectacle le plus vivant qui soit. C’est d’autant plus vrai que nous vivons à l’ère de l’image absolue. Un enfant regarde la télévision parfois même avant de savoir parler. D’internet en smartphones divers, la communication et les échanges passent aujourd’hui tout autant, sinon plus, par l’image que par le verbe.
"L'Arrivée d'un train en gare de La Ciotat", Auguste et Louis Lumière, 1895 © DR.
Certains diront que le cinéma n’a pas la noblesse de son plus proche parent, le théâtre. D’abord, c’est une "industrie", qui est un vilain mot - mais on peut en dire autant de la musique ou de la chanson. Surtout, au cinéma, tout n’est que faux semblants, les acteurs peuvent rejouer la même scène, voire la même phrase, à l’infini, jusqu’à ce que le réalisateur tienne la bonne prise. Le montage, les truquages, désormais numériques - donc imperceptibles pour peu qu’ils soient correctement exécutés - la post-synchronisation, le doublage, tout est "tricherie". C’est vrai. Le cinéma, c’est l’illusion érigée en système. À chaque art sa spécificité, son vocabulaire, ses instruments. Ceux du cinéma reposent sur la triche.
Mais n’en déplaise aux préférences avouées de Jouvet, qui disait ne faire du cinéma que pour nourrir sa troupe de théâtre, il est plus que probable qu’il ne serait aujourd’hui qu’une légende floue, un souvenir nostalgique, s’il n’avait pas fixé son talent sur pellicule. Quel spectateur, ému ou hilare devant ses performances dans Knock, la Fin du jour, Quai des orfèvres, Hôtel du Nord, n’a pas un jour regretté d’être né trop tard et de n’avoir pu admirer le bonhomme sur scène ? Ces regrets n’existeraient pas sans ces films. Sans le cinéma, Louis Jouvet ne serait qu’une Sarah Bernhardt de plus, un mythe figé et poussiéreux qui, dit-on, avait du talent…
C’est le cinéma qui a rendu immortel les grands comédiens du théâtre moderne. C’est lui qui a maintenu en vie les morts du spectacle vivant. Il serait temps de lui reconnaître, enfin, cette qualité.
Mais n’en déplaise aux préférences avouées de Jouvet, qui disait ne faire du cinéma que pour nourrir sa troupe de théâtre, il est plus que probable qu’il ne serait aujourd’hui qu’une légende floue, un souvenir nostalgique, s’il n’avait pas fixé son talent sur pellicule. Quel spectateur, ému ou hilare devant ses performances dans Knock, la Fin du jour, Quai des orfèvres, Hôtel du Nord, n’a pas un jour regretté d’être né trop tard et de n’avoir pu admirer le bonhomme sur scène ? Ces regrets n’existeraient pas sans ces films. Sans le cinéma, Louis Jouvet ne serait qu’une Sarah Bernhardt de plus, un mythe figé et poussiéreux qui, dit-on, avait du talent…
C’est le cinéma qui a rendu immortel les grands comédiens du théâtre moderne. C’est lui qui a maintenu en vie les morts du spectacle vivant. Il serait temps de lui reconnaître, enfin, cette qualité.