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Théâtre

"Le chaperon rouge"… Frais, enthousiaste et gourmand !

Créé en 2004, "Le petit chaperon rouge" de Joël Pommerat est le premier d'un cycle de réécriture de contes du dramaturge français composé aussi de Pinocchio (2008) et de Cendrillon (2011). Les deux metteuses en scène et comédiennes Nina Ballester et Nina Cruveiller en proposent une version enthousiaste et sans fioritures.



© Jean-Pierre Bozon.
© Jean-Pierre Bozon.
Juste avant la représentation, l'ouvreuse commence à donner les indications rituelles afin que le spectacle ne soit pas perturbé par les téléphones portables. Puis, elle continue en s'immisçant dans le conte du chaperon rouge, accompagnée ensuite par une spectatrice. Elles deviennent peu à peu et rapidement protagonistes en amenant le récit dans la salle. La représentation démarre dans le public avant même que le rideau ne se lève. S'il se lève.

La question de savoir si les comédiennes vont un moment ou un autre monter sur les planches peut se poser, de même que celle de savoir quand le spectacle a réellement démarré. Le jeu est décentré, car situé dans l'assistance, par des personnes initialement hors du conte qui se délaissent de leur quotidien pour incarner leur rôle théâtral. C'est dans cet entre-deux que la pièce se retrouve dans une zone où il est fait appel au discernement des spectateurs. Nous en sommes à l'intérieur et à l'extérieur, sur une crête sur laquelle le dit est autant dans le propos explicatif, lorsque l'ouvreuse n'a pas encore été appréhendée théâtralement par l'audience, que dans la narration quand le discernement s'opère enfin.

© Jean-Pierre Bozon.
© Jean-Pierre Bozon.
Peu de décors, juste une lourde porte en bois qui est celle de la maison de la grand-mère avec également deux panneaux sombres pour symboliser plus loin la forêt. La lourde porte symbolise la maison de la mère puis de la grand-mère du petit chaperon rouge ainsi que son lit. Les lumières participent aux mises en situation. Elles en sont l'essence. Tamisées ou parfois quasiment éteintes, elles simulent le noir et la peur qu'il peut générer chez les plus jeunes. Elles permettent aussi de recouvrer d'un voile de mystère ce qui va se dérouler sur le plateau alors que chacun, ou quasi, sait la fin de l'histoire. L'objet en est la narration et le jeu ; et ils y sont apportés avec beaucoup d'espièglerie.

La représentation a trois focales. La première est à l'entame de la pièce où ce sont des êtres, mi-personnages et mi-personnes réelles, situés à l'extérieur d'un périmètre de jeu que l'on pouvait croire défini, qui introduisent la fable. La deuxième focale fait que la narration est jouée par des protagonistes qui s'assument comme tels dans la salle. La troisième se joue sur les planches. Le rapport aux spectateurs s'en trouve à dessein perturbé, car ils peuvent être non appréhendés comme tels à l'entame de la représentation et situés, selon les tableaux, dans les aires de jeu de la salle et de la scène. Le dit théâtral a aussi trois versants, soit il est dirigé directement vers le public, soit entre les protagonistes pour redescendre ensuite par intermittence vers l'assistance.

© Jean-Pierre Bozon.
© Jean-Pierre Bozon.
Le changement de décor est bien amené avec les lumières qui plongent souvent le public dans le noir ou une semi-obscurité. Une petite lampe éclaire parfois le visage de nos deux interprètes pour jouer le rôle, pour l'une, du petit chaperon rouge (Nina Cruveiller) et, pour l'autre, celui du loup (Nina Ballester). Peu d'éléments sont utilisés permettant ainsi de mettre en exergue l'ossature même de la fable, à savoir son atmosphère, ses caractères et sa narration. Le jeu s'en trouve délié, comme indépendant de tout accessoire. Le superflu deviendrait trahison de la mise en scène qui s'attache à traiter certains traits de l'enfance, à savoir la peur du noir avec des lumières au mieux tamisées, une espièglerie dans le jeu de Nina Cruveiller et un loup pas méchant au premier abord et énigmatique et habité avec relief par Nina Ballester. La grand-mère est toutefois passablement incarnée par sa voix.

La pièce est interprétée avec gourmandise par nos deux metteuses en scène comédiennes qui nous font redécouvrir que, pour nous adultes, et pour paraphraser Nietzsche (1844-1900), "La maturité, c'est de retrouver le sérieux qu'on avait au jeu quand on était enfant".

"Le petit chaperon rouge"

© Jean-Pierre Bozon.
© Jean-Pierre Bozon.
Texte : Joël Pommerat.
Mise en scène : Nina Ballester et Nina Cruveiller.
Avec : Nina Ballester et Nina Cruveiller.
Collaboration artistique : Barthélémy Fortier.
Scénographie : Lola Seiler.
Composition musicale : Édouard Demanche.
Chorégraphie : Léa Souleille.
Création lumière : Pierre Peyronnet et Nicolas Castro.
Compagnie Ah si c'est comme ça.
Durée : 55 minutes.

Du 9 au 30 novembre 2024.
Samedi à 14 h sauf le 30 à 11 h, dimanche à 11 h et 14 h.
Théâtre du Chariot, Paris 11e, 01 48 05 52 44.
>> theatreduchariot.fr

Safidin Alouache
Mercredi 30 Octobre 2024

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© Pierre Gondard.
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© DR.
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