La Revue du Spectacle, le magazine des arts de la scène et du spectacle vivant. Infos théâtre, chanson, café-théâtre, cirque, arts de la rue, agenda, CD, etc.



Augmenter la taille du texte
Diminuer la taille du texte
Partager
Concerts

Le Centre de Musique de Chambre de Paris… des artistes dans la Cité

Depuis le 22 novembre 2015, ce centre, unique en son genre, a ouvert ses portes à un moment où notre société a plus que jamais besoin de renouer avec des valeurs telles que la convivialité et le partage. Le violoncelliste Jérôme Pernoo, créateur et âme du projet, nous explique de quoi il est fait.



© DR.
© DR.
Soliste mondialement reconnu, fondateur de plusieurs festivals comme le Festival de Pâques de Deauville (avec Renaud Capuçon, Jérôme Ducros et quelques autres) ou "Les Vacances de Monsieur Haydn" à La Roche-Posay, Jérôme Pernoo incarne le type même de l'artiste généreux et accessible. La gloire n'intéresse guère ce passionné de musique de chambre, érudit, grand amateur de philosophie et de littérature. Car il réfléchit depuis longtemps à renouveler en profondeur le modèle du concert classique.

Il nous reçoit dans le petit palais néo-renaissance du 29 avenue de Villiers (prêté par la mairie) où il campe avec son équipe (très réduite) pour faire tourner le Centre de Musique de Chambre qu'il vient de créer. L'ancien conservatoire du XVIIe arrondissement a été vendu et, en avril, il faudra trouver d'autres "bureaux". Si la question n'était pas résolue le jour de l'interview (le 28 janvier, NDLR), ne croyez pas cependant qu'elle l'obsède. Dans un grand éclat de rire, Jérôme Pernoo me signifie qu'il doit en régler de plus urgentes.

Christine Ducq - En quoi votre centre est-il différent ?

Jérôme Pernoo - La musique de chambre me tient à cœur. Dans le Centre de Musique de Chambre de Paris (1), les mots d'ordre sont partage de la musique et convivialité. Le public, les musiciens, les compositeurs se retrouvent pour boire, manger, parler et faire de la musique. J'ai eu la chance de bénéficier d'une solide éducation musicale dans ma famille et de connaître tous ces compositeurs admirables comme Mozart, Beethoven ou de plus contemporains. Je veux offrir cela à mon tour au public.

J'ai très vite compris que leurs œuvres ne sont pas faites pour être appréciées par des spécialistes… mais par tout le monde. Nous nous approprions une œuvre d'art par la sensibilité, l'intelligence et l'émotion. En ce qui concerne la musique, nous pouvons l'apprécier et la comprendre par le biais d'une écoute renouvelée. Et en saisir à chaque fois un nouvel aspect et un autre niveau. Proust en parle merveilleusement bien quand il réfléchit à la relation entre la mémoire et la musique. Mon credo est donc que nous pouvons tous aimer la musique dite savante - il faut être savant pour l'écrire, non pour l'écouter.

Jérôme Pernoo © DR.
Jérôme Pernoo © DR.
Donc vous avez réfléchi à la possibilité de rendre possible ces écoutes répétées d'une même œuvre ?

Jérôme Pernoo - La question de la récurrence est en effet celle à laquelle nous avons tenté de répondre. Pour cela, nous donnons le même programme pendant trois semaines. Qui a aimé une œuvre peut - pour un prix modique - venir la réécouter à sa guise. Avec un abonnement annuel on peut assister à soixante-dix concerts pour cent euros. Le public peut également prendre une carte moins chère pour quelques soirées. L'argent ne doit pas être un problème. Revenir c'est aussi l'occasion de constater que les musiciens sont bien vivants sur scène et qu'ils ne jouent jamais deux fois de la même façon. Ils partagent des émotions entre eux et avec la salle, leurs mouvements sont beaux.

Les formats de concerts ont été pensés en fonction des œuvres du répertoire de chambre. Or elles durent entre trente, quarante minutes ou une heure.

La musique de chambre permet de surcroît une réelle intimité.

Jérôme Pernoo - Absolument. Nous jouons dans cette très belle Salle Cortot (2) à l'acoustique extraordinaire, et où chaque spectateur est très près de la scène. C'est donc une très belle expérience qui ne peut être reproduite dans une grande salle ou à l'enregistrement.

Vous avez choisi Schubert pour ce mois de février, n'est-ce pas ?

Jérôme Pernoo - Oui. La troupe joue "La Truite" du jeudi au samedi. Le centre propose deux concerts chaque soir. Le premier à 20 heures est conçu pour durer une demi-heure environ. On peut donc y aller sur un coup de tête - nul besoin de réserver chez nous. Ensuite le public est invité à partager de délicieux plats en compagnie des musiciens - sinon il peut partir s'il a d'autres projets. En tout cas cette convivialité est au cœur de l'histoire que je voulais porter.

Un deuxième concert - différent - commence à vingt et une heures trente et ce, pour une durée d'une heure. Là encore on peut venir sur un coup de tête. Ce mois-ci, la troupe joue le quinzième quatuor de Beethoven.

Entre ces deux rendez-vous, je propose une petite surprise. J'ai appelé ce moment "Freshly composed". Ceux qui sont intéressés sont invités à se retrouver autour du piano pour découvrir une création interprétée par un jeune compositeur. S'ils sont séduits, ils peuvent ensuite participer à un financement participatif d'une nouvelle œuvre de ce compositeur pour l'année suivante. Il s'agit de placer le public en situation d'être à la fois mécène, programmateur et de participer à la vie du centre.

Souvenir de Florence © Émilie Fontes.
Souvenir de Florence © Émilie Fontes.
Vous proposez aussi au public de chanter ?

Jérôme Pernoo - Oui, un dimanche par mois, le public est invité à un "Bach and Breakfast". Après un solide petit-déjeuner - toujours la convivialité - un professeur de chant lui enseigne le choral du jour. Ensuite l'orchestre joue une cantate et ce choral chanté ensemble en constitue le final. J'ai été stupéfait de la qualité de ce chant - nul besoin de savoir lire la musique !

Le succès est-il au rendez-vous après deux mois de fonctionnement ?

Jérôme Pernoo - Le succès est énorme ! Il est unique de proposer, comme nous l'avons fait, "La Nuit transfigurée" de Schönberg avec de jeunes musiciens inconnus tout juste sortis du conservatoire et d'engranger mille entrées. Je tiens d'ailleurs à n'engager que de jeunes artistes car ils ont besoin de jouer alors qu'ils sont au sommet de leur art et de la maîtrise de leur instrument.

Nous avons eu encore plus de succès avec les trios de Schubert. Nous avons gagné notre pari puisque depuis le début de la saison nous avons fait plus de quatre mille entrées. Pour le musicien que je suis, vivre cette magnifique aventure est la réalisation d'un rêve que je portais depuis plus de vingt ans. Et elle répond à un questionnement intime : quelle est la place du musicien dans la cité ? Quelle est son utilité ? Qui sert-il ?

En tant que musicien, je suis là pour transmettre les œuvres et établir une vraie relation avec le public. Comme soliste, nous voyageons à travers le monde mais, dans cette course au succès, je me suis toujours senti frustré par le manque de pérennité d'un contact sincère avec mon public. Avec le centre, c'est tout le contraire, je le rencontre chaque jour et j'ai une vraie proposition artistique à lui offrir. J'en suis vraiment heureux. Nous sommes en discussion avec la Ferme du Buisson et la MC93 de Bobigny pour l'avenir.

Notes :
(1) Les concerts sont donnés Salle Cortot.
(2) Elle dispose de quatre cents places.

Salle Cortot, 78, rue Cardinet Paris 17e.
Tél. : 01 47 63 47 48.
>> centredemusiquedechambre.paris

Du 4 au 20 février 2016
Du jeudi au samedi à 20 h.
15e Quatuor à cordes de Ludwig Van Beethoven.
Quatuor Arod.

Du 4 au 20 février 2016
Du jeudi au samedi à 21 h 30.
"La Truite" de Franz Schubert.
Florian Hille, baryton.
Liya Patrova, violon.
Léa Hennino, alto.
Adrien Bellom, violoncelle.
Jérôme Pernoo, violoncelle.
Jean-Edouard Carlier, contrebasse.
Yedam Kim, piano.

Le dimanche 13 mars 2016 à 10 h 30.
"Bach and Breakfast".
Cantate BWV 4.

Du 10 au 25 mars 2016 à 20 h.
Quintette avec clarinette de W. A. Mozart.
Raphaël Sévère, clarinette.
Quatuor Ardeo.

Du 10 au 25 mars 2016 à 21 h 30.
Bœuf de Chambre.
Jérôme Pernoo, direction musicale.

Christine Ducq
Mardi 9 Février 2016

Nouveau commentaire :

Concerts | Lyrique





Numéros Papier

Anciens Numéros de La Revue du Spectacle (10)

Vente des numéros "Collectors" de La Revue du Spectacle.
10 euros l'exemplaire, frais de port compris.






À Découvrir

•Off 2024• "Mon Petit Grand Frère" Récit salvateur d'un enfant traumatisé au bénéfice du devenir apaisé de l'adulte qu'il est devenu

Comment dire l'indicible, comment formuler les vagues souvenirs, les incertaines sensations qui furent captés, partiellement mémorisés à la petite enfance. Accoucher de cette résurgence voilée, diffuse, d'un drame familial ayant eu lieu à l'âge de deux ans est le parcours théâtral, étonnamment réussie, que nous offre Miguel-Ange Sarmiento avec "Mon petit grand frère". Ce qui aurait pu paraître une psychanalyse impudique devient alors une parole salvatrice porteuse d'un écho libératoire pour nos propres histoires douloureuses.

© Ève Pinel.
9 mars 1971, un petit bonhomme, dans les premiers pas de sa vie, goûte aux derniers instants du ravissement juvénile de voir sa maman souriante, heureuse. Mais, dans peu de temps, la fenêtre du bonheur va se refermer. Le drame n'est pas loin et le bonheur fait ses valises. À ce moment-là, personne ne le sait encore, mais les affres du destin se sont mis en marche, et plus rien ne sera comme avant.

En préambule du malheur à venir, le texte, traversant en permanence le pont entre narration réaliste et phrasé poétique, nous conduit à la découverte du quotidien plein de joie et de tendresse du pitchoun qu'est Miguel-Ange. Jeux d'enfants faits de marelle, de dinette, de billes, et de couchers sur la musique de Nounours et de "bonne nuit les petits". L'enfant est affectueux. "Je suis un garçon raisonnable. Je fais attention à ma maman. Je suis un bon garçon." Le bonheur est simple, mais joyeux et empli de tendresse.

Puis, entre dans la narration la disparition du grand frère de trois ans son aîné. La mort n'ayant, on le sait, aucune morale et aucun scrupule à commettre ses actes, antinaturelles lorsqu'il s'agit d'ôter la vie à un bambin. L'accident est acté et deux gamins dans le bassin sont décédés, ceux-ci n'ayant pu être ramenés à la vie. Là, se révèle l'avant et l'après. Le bonheur s'est enfui et rien ne sera plus comme avant.

Gil Chauveau
14/06/2024
Spectacle à la Une

•Off 2024• Lou Casa "Barbara & Brel" À nouveau un souffle singulier et virtuose passe sur l'œuvre de Barbara et de Brel

Ils sont peu nombreux ceux qui ont une réelle vision d'interprétation d'œuvres d'artistes "monuments" tels Brel, Barbara, Brassens, Piaf et bien d'autres. Lou Casa fait partie de ces rares virtuoses qui arrivent à imprimer leur signature sans effacer le filigrane du monstre sacré interprété. Après une relecture lumineuse en 2016 de quelques chansons de Barbara, voici le profond et solaire "Barbara & Brel".

© Betül Balkan.
Comme dans son précédent opus "À ce jour" (consacré à Barbara), Marc Casa est habité par ses choix, donnant un souffle original et unique à chaque titre choisi. Évitant musicalement l'écueil des orchestrations "datées" en optant systématiquement pour des sonorités contemporaines, chaque chanson est synonyme d'une grande richesse et variété instrumentales. Le timbre de la voix est prenant et fait montre à chaque fois d'une émouvante et artistique sincérité.

On retrouve dans cet album une réelle intensité pour chaque interprétation, une profondeur dans la tessiture, dans les tonalités exprimées dont on sent qu'elles puisent tant dans l'âme créatrice des illustres auteurs que dans les recoins intimes, les chemins de vie personnelle de Marc Casa, pour y mettre, dans une manière discrète et maîtrisée, emplie de sincérité, un peu de sa propre histoire.

"Nous mettons en écho des chansons de Barbara et Brel qui ont abordé les mêmes thèmes mais de manières différentes. L'idée est juste d'utiliser leur matière, leur art, tout en gardant une distance, en s'affranchissant de ce qu'ils sont, de ce qu'ils représentent aujourd'hui dans la culture populaire, dans la culture en général… qui est énorme !"

Gil Chauveau
19/06/2024
Spectacle à la Une

•Off 2024• "Un Chapeau de paille d'Italie" Une version singulière et explosive interrogeant nos libertés individuelles…

… face aux normalisations sociétales et idéologiques

Si l'art de générer des productions enthousiastes et inventives est incontestablement dans l'ADN de la compagnie L'Éternel Été, l'engagement citoyen fait aussi partie de la démarche créative de ses membres. La présente proposition ne déroge pas à la règle. Ainsi, Emmanuel Besnault et Benoît Gruel nous offrent une version décoiffante, vive, presque juvénile, mais diablement ancrée dans les problématiques actuelles, du "Chapeau de paille d'Italie"… pièce d'Eugène Labiche, véritable référence du vaudeville.

© Philippe Hanula.
L'argument, simple, n'en reste pas moins source de quiproquos, de riantes ficelles propres à la comédie et d'une bonne dose de situations grotesques, burlesques, voire absurdes. À l'aube d'un mariage des plus prometteurs avec la très florale Hélène – née sans doute dans les roses… ornant les pépinières parentales –, le fringant Fadinard se lance dans une quête effrénée pour récupérer un chapeau de paille d'Italie… Pour remplacer celui croqué – en guise de petit-déj ! – par un membre de la gent équestre, moteur exclusif de son hippomobile, ci-devant fiacre. À noter que le chapeau alimentaire appartenait à une belle – porteuse d'une alliance – en rendez-vous coupable avec un soldat, sans doute Apollon à ses heures perdues.

N'ayant pas vocation à pérenniser toute forme d'adaptation académique, nos deux metteurs en scène vont imaginer que cette histoire absurde est un songe, le songe d'une nuit… niché au creux du voyage ensommeillé de l'aimable Fadinard. Accrochez-vous à votre oreiller ! La pièce la plus célèbre de Labiche se transforme en une nouvelle comédie explosive, électro-onirique ! Comme un rêve habité de nounours dans un sommeil moelleux peuplé d'êtres extravagants en doudounes orange.

Gil Chauveau
26/03/2024