La saison 2016-2017 s’avère cruciale pour l’Orchestre de Paris, qui va fêter ses cinquante ans d’existence tout en accueillant deux nouveaux chefs, après le départ de Paavo Järvi à Tokyo. Bruno Hamard, directeur général de l’orchestre, annonçait avant l’été les nominations de Daniel Harding, directeur musical et Thomas Hengelbrock, en chef associé. L’Anglais et l’Allemand avaient été choisis, notait-il, car étant de "grands chefs aux programmes innovants". C’est bien ce dont a fait la preuve Thomas Hengelbrock lors de son premier concert aux manettes de la phalange parisienne.
Le chef du NDR Elbphilharmonie Orchester, à la longue silhouette aristocratique, a choisi de dérouler trois œuvres aux résonances mutuelles, sans entracte, formant une vaste fresque comprenant la première partie de la fameuse "Passion selon Saint Jean" du Cantor de Leipzig, sa Cantate BWV 60 "O Ewigkeit, du Donnerwort" (1), encadrant une œuvre grandiose et tragique de Zimmermann, "Ich wandte mich und sah an alles unrecht, das geschah unter der sonne" (2), dont la fin de composition précéda de peu le suicide du compositeur né en 1918.
Le chef du NDR Elbphilharmonie Orchester, à la longue silhouette aristocratique, a choisi de dérouler trois œuvres aux résonances mutuelles, sans entracte, formant une vaste fresque comprenant la première partie de la fameuse "Passion selon Saint Jean" du Cantor de Leipzig, sa Cantate BWV 60 "O Ewigkeit, du Donnerwort" (1), encadrant une œuvre grandiose et tragique de Zimmermann, "Ich wandte mich und sah an alles unrecht, das geschah unter der sonne" (2), dont la fin de composition précéda de peu le suicide du compositeur né en 1918.
C’est donc à un voyage métaphysique et musical sans précédent (une heure et demie environ) que Thomas Engelbrock nous invitait : de la douloureuse stupeur de l’arrestation et du procès du Christ aux sereines certitudes éternelles dispensées par les chefs-d’œuvre du Cantor de la Thomaskirche, empruntant à mi-parcours la voie de l’anéantissement de l’âme humaine, sidérée par le silence définitif de Dieu - dans celui de Zimmermann en 1970.
On le sait, seule l’œuvre longue permet de s’arracher aux contingences du quotidien pour plonger dans les profondeurs de la psyché, que convoquent ces monuments esthétiques et théologiques. Pour ce faire, le dispositif était au point. Si le Chœur de l’orchestre (3) a montré d’évidentes faiblesses (avec une diction parfois fâcheuse, des entrées ratées par exemple dans l’ouverture "Herr, unser Herrscher, dessen Ruhm") et a offert aussi quelques beaux moments, le quatuor de chanteurs et les deux récitants ont frappé par leur incroyable incarnation, tout comme l’orchestre.
Donnant à la Passion la tension idoine qu’elle réclame, Thomas Hengelbrock pouvait aussi compter sur deux récitants exceptionnels, Georges Lavaudant et André Wilms, voix de l’Ecclésiaste et du Grand Inquisiteur (4) pour Zimmermann. Et sur le baryton Georg Nygl, impressionnant en Évangéliste pour Bach, mais aussi dans le lamento du terrible théâtre imaginé par le compositeur chrétien né près de Cologne, qui ne se remit jamais des horreurs de son époque - à laquelle il avait été mêlé bien malgré lui, comme soldat de la Wehrmacht dès 1940. Moment extraordinaire du concert et pour le moins inédit : le chef Hengelbrock s’asseyant au sol en cachant ses larmes (comme le veut la partition) après les déchaînements d’un orchestre très sollicité par l’écriture apocalyptique de Zimmermann.
On le sait, seule l’œuvre longue permet de s’arracher aux contingences du quotidien pour plonger dans les profondeurs de la psyché, que convoquent ces monuments esthétiques et théologiques. Pour ce faire, le dispositif était au point. Si le Chœur de l’orchestre (3) a montré d’évidentes faiblesses (avec une diction parfois fâcheuse, des entrées ratées par exemple dans l’ouverture "Herr, unser Herrscher, dessen Ruhm") et a offert aussi quelques beaux moments, le quatuor de chanteurs et les deux récitants ont frappé par leur incroyable incarnation, tout comme l’orchestre.
Donnant à la Passion la tension idoine qu’elle réclame, Thomas Hengelbrock pouvait aussi compter sur deux récitants exceptionnels, Georges Lavaudant et André Wilms, voix de l’Ecclésiaste et du Grand Inquisiteur (4) pour Zimmermann. Et sur le baryton Georg Nygl, impressionnant en Évangéliste pour Bach, mais aussi dans le lamento du terrible théâtre imaginé par le compositeur chrétien né près de Cologne, qui ne se remit jamais des horreurs de son époque - à laquelle il avait été mêlé bien malgré lui, comme soldat de la Wehrmacht dès 1940. Moment extraordinaire du concert et pour le moins inédit : le chef Hengelbrock s’asseyant au sol en cachant ses larmes (comme le veut la partition) après les déchaînements d’un orchestre très sollicité par l’écriture apocalyptique de Zimmermann.
Un théâtre tragique et radical donc, puisant dans le quadruple héritage de la musique populaire, du jazz, de grands prédécesseurs et d’un sérialisme étudié à Darmstadt, qui superpose temps psychologique et cosmique pour livrer un testament frappé au coin du pessimisme augustinien. Et dont la citation finale du choral de Bach "Es ist genug !" appelle évidemment la cantate BWV 60 en troisième partie, au ton très différent. À la psychomachie dramatique de l’Espoir et de la Crainte, Bach conclut naturellement à l’espoir, celui de la révélation - cherchée en vain deux siècles plus tard par Zimmermann. Un concert rare, où toutes les forces de l’orchestre n’ont pas manqué.
(1) "Ô Éternité, Parole foudroyante !".
(2) "Je me suis tourné et j’ai vu toutes les oppressions qui se font sous le soleil."
(3) Le chœur fête ses quarante ans cette saison. Nul doute qu’il relèvera les défis lancés dans cette nouvelle ère.
(4) Le texte de Zimmermann cite l’Ecclésiaste (Ancien Testament) et le monologue du Grand Inquisiteur, extrait des "Frères Karamazov" de Dostoïevski.
Concert entendu le 20 octobre 2016.
(1) "Ô Éternité, Parole foudroyante !".
(2) "Je me suis tourné et j’ai vu toutes les oppressions qui se font sous le soleil."
(3) Le chœur fête ses quarante ans cette saison. Nul doute qu’il relèvera les défis lancés dans cette nouvelle ère.
(4) Le texte de Zimmermann cite l’Ecclésiaste (Ancien Testament) et le monologue du Grand Inquisiteur, extrait des "Frères Karamazov" de Dostoïevski.
Concert entendu le 20 octobre 2016.
Prochains concerts de l’Orchestre de Paris,
2 et 3 novembre 2016 à 20 h 30.
Philharmonie de Paris.
221 avenue Jean Jaurès Paris (19e).
Tel : 01 44 84 44 84.
>> philharmoniedeparis.fr
Thomas Hengelbrock, direction.
Anna Lucia Richter, soprano.
Ann Hallenberg, mezzo.
Lothar Odinius, ténor.
Georg Nigl, baryton.
Georges Lavaudant, Récitant 1.
André Wilms, Récitant 2.
Orchestre de Paris.
Roland Daugareil, violon solo.
Chœur de l’Orchestre de Paris.
Lionel Sow, chef de chœur.
2 et 3 novembre 2016 à 20 h 30.
Philharmonie de Paris.
221 avenue Jean Jaurès Paris (19e).
Tel : 01 44 84 44 84.
>> philharmoniedeparis.fr
Thomas Hengelbrock, direction.
Anna Lucia Richter, soprano.
Ann Hallenberg, mezzo.
Lothar Odinius, ténor.
Georg Nigl, baryton.
Georges Lavaudant, Récitant 1.
André Wilms, Récitant 2.
Orchestre de Paris.
Roland Daugareil, violon solo.
Chœur de l’Orchestre de Paris.
Lionel Sow, chef de chœur.