La Revue du Spectacle, le magazine des arts de la scène et du spectacle vivant. Infos théâtre, chanson, café-théâtre, cirque, arts de la rue, agenda, CD, etc.



Augmenter la taille du texte
Diminuer la taille du texte
Partager
Lyrique

Il grandiozo Verdi ou la force des mots

La chronique de Christine Ducq

Est-il quelque chose de plus excitant, de plus ravissant, de plus affriolant qu’une soirée à l’opéra ? Ma que non !
Encore quelques jours pour profiter de ce magnifique opéra, "La Force du destin". C’est à l’Opéra Bastille, pour le grand bonheur des amateurs de Verdi.



Nona Javakhidze, Violeta Urmana, Mario Luperi © Andrea Messana/ONP.
Nona Javakhidze, Violeta Urmana, Mario Luperi © Andrea Messana/ONP.
Toute nouvelle production de "La Force du destin" de Giuseppe Verdi, ce géant de la musique et - on le sait moins - député du Risorgimento après Garibaldi.
À nos lecteurs têtes en l’air, nous rappelons que le patronyme même du grand homme servait de cri de ralliement contre l’occupant autrichien au XIXe siècle : s’affichaient sur les murs d’énormes VIVA V.E.R.D.I. (ou "Viva Vittore Emmanuele Rei Dei Italia", pour mémoire revoyez le bijou de Luchino Visconti, "Senso").

Ces considérations ont motivé les choix de la mise en scène de Jean-Claude Auvray (ancien assistant de Margarita Wallmann à l’opéra de Caen, entre autres) qui a décidé de situer l’intrigue dans la période de la révolution italienne, loin du livret de Federico Maria Piave fidèle au XVIIIe siècle du drame dont l’histoire est issue. Soit.

Cependant nous avons vite compris que cette mise en scène ne laisserait pas un souvenir immortel aux spectateurs ! Une production très caravagesque - trop proche de celle de Graham Vick pour un autre Verdi de la saison passée "Don Carlo" - fait flotter une étrange "Fatalita" dans des tableaux en clair-obscur, au décor épuré. Bonne idée, mais déjà prise ! Les personnages ouvrent et ferment des rideaux en chantant : un élément parmi d’autres d’un symbolisme un peu désuet à notre goût.

Nadia Krasteva © Andrea Messana/ONP.
Nadia Krasteva © Andrea Messana/ONP.
Ce Verdi ne méritait-il pas un traitement plus décapant ?
Inspiré de la pièce du Duc de Rivas, entre histoire d’amour et d’honneur, voici un drame romantique par excellence. Le vieux Marchese di Calatrava meurt accidentellement sous les coups du héros, Don Alvaro, venu enlever son amoureuse (la fille du marquis naturalmente !), Donna Leonora. Pendant trois actes, le triste fils et frère, Don Carlo di Vargas, obsédé par l’idée de venger son sang, veut justement y laver son honneur. Il ne va cesser de chercher, pour les tuer, les deux amants, séparés et ravagés de douleur depuis la fatale nuit.

En attendant, l’immense jeune Chef Philippe Jordan (le fils d’Armin, chef de l’opéra de Genève) fait revivre magnifiquement la "Forza" de cette musique verdienne - et oui nous, wagnériens fanatiques, avons dû nous incliner pour cette fois… À plusieurs reprises, lors de cette belle soirée, nous avons senti l’exaltation que provoque "il grandiozo" verdien, et il ne fut pas rare que le frémissement de notre peau n’annonçât un plaisir puissant.

Nadia Krasteva © Andrea Messana/ONP.
Nadia Krasteva © Andrea Messana/ONP.
Répétons-le : Philippe Jordan est grand - nous l’avons entendu la saison dernière dans la Tétralogie à Bastille -, il fait que cet excellent orchestre de l’Opéra de Paris se transcende et nous jette dans la frénésie, comme sa musique. Jusqu’à nous mettre en verve avec ce "Rantanplan" d’anthologie au troisième acte, quand le Chef Pierre-Marie Aubert fait ressortir beaucoup de pittoresque dans la direction des chœurs. Cela vous a un petit côté Bizet par moment, mais bon, ne jouons pas les bégueules …

N’ayons garde d’oublier l’inégalable Marcelo Alvarez, dans le rôle du maudit héros fatal et marginal, Don Alvaro. Qui peut mieux que lui actuellement ciseler le "cantabile con espressionne" des arias ? Qui peut mieux que lui porter haut la bravoure du ténor verdien ? Il est admirable que cet homme veuille bien nous rendre visite de son America del Sur, de loin en loin.

"La Force du destin"

Nicola Alaimo ©Andrea Messana/ONP.
Nicola Alaimo ©Andrea Messana/ONP.
(Vu le 2 décembre 2011)
Livret : Federico Maria Piave.
Opéra : Giuseppe Verdi, créé le 10 novembre 1862 à Saint-Petersbourg.
Direction musicale : Philippe Jordan.
Mise en scène : Jean-Claude Auvray.
Avec : Mario Luperi (Il Marchese di Calatrava), Violeta Urmana (Donna Leonora), Vladimir Stoyanov (Don Carlo di Vargas), Marcelo Alvarez (20, 26, 29 nov. ; 2, 8, 11 déc.) et Zoran Todorovich (14, 17, 23 nov., 5, 15, 17 déc.) (Don Alvaro), Nadia Krasteva (Preziosilla), Kwangchul Youn (Padre Guardiano), Nicola Alaimo (Fra Melitone), Nona Javakhidze (Curra), Christophe Fel (Un Alcade), Rodolphe Briand (Mastro Trabuco), François Lis (Un Chirurgo).
Orchestre et chœur de l'Opéra national de Paris.
Décors : Alain Chambon.
Costumes : Maria Chiara Donato.
Lumières : Laurent Castaingt.

© Andrea Messana/ONP.
© Andrea Messana/ONP.
Chorégraphie : Terry John Bates.
Chef du Chœur : Patrick Marie Aubert.

Du 14 novembre au 17 décembre 2011.
Opéra Bastille, Paris 12e, 08 92 89 90 90 (0,34€ la minute).
Durée 3 h 40 (avec les entractes).
>> operadeparis.fr

Christine Ducq
Mardi 13 Décembre 2011

Nouveau commentaire :

Concerts | Lyrique





Numéros Papier

Anciens Numéros de La Revue du Spectacle (10)

Vente des numéros "Collectors" de La Revue du Spectacle.
10 euros l'exemplaire, frais de port compris.






À Découvrir

"Différente" Carolina ou "Cada uno es un mundo (Chacun est un monde)"

Star internationale à la frange rouge, Carolina est de retour en France, après sa tournée mondiale. Heureuse de retrouver son public préféré, elle interprète en live des chansons populaires qui touchent le cœur de toutes les générations.

© Audrey Bären.
Mais qui est donc cette incontournable Carolina ? Ou, plus exactement, qui se cache derrière cette artiste plutôt extravagante, à la folie douce ? De qui est-elle l'extension, au juste ?

L'éternelle question autour de l'acte créatif nous interpelle souvent, et nous amène à nous demander quelles influences l'homme ou la femme ont-ils sur leurs "créatures" fabriquées de toutes pièces ! Quelles inspirations les ont portées ! Autant de questions qui peuvent nous traverser particulièrement l'esprit si tant est que l'on connaisse un peu l'histoire de Miguel-Ange Sarmiento !

Parce que ce n'est pas la première fois que Carolina monte sur scène… Décidément, elle en a des choses à nous dire, à chaque fois. Elle est intarissable. Ce n'est pas Rémi Cotta qui dira le contraire, lui qui l'accompagne depuis déjà dix ans et tire sur les ficelles bien huilées de sa vie bien remplie.

Rémi Cotta, artiste plasticien, graphiste, comédien, chanteur lyrique, ou encore metteur en scène, sait jouer de ses multiples talents artistiques pour confier une parole virevoltante à notre Carolina. Il suffit de se souvenir du très original "Carolina Show", en 2010, première émission de télé sans caméra ayant reçu de nombreux artistes connus ou moins connus ou le "Happy Show de Carolina", ainsi que les spectacles musicaux "Carolina, naissance d'une étoile", "Le Cabaret de Carolina", ou encore " Carolina, L'Intelligence Artificielle".

"Différente" est en réalité la maturation de plusieurs années de cabarets et de spectacles où Carolina chante pourquoi et comment elle est devenue une star internationale tout en traversant sa vie avec sa différence". Miguel-Ange Sarmiento.

Brigitte Corrigou
08/11/2024
Spectacle à la Une

"Tout va très bien !" Le Grand Orchestre du Splendid, bon pied bon œil, revient avec de la musique sur tous les fronts

Voir les choses en grand tout en restant léger ! Prendre du plaisir et, surtout, en donner ! Voilà la philosophie du Grand orchestre du Splendid qui régale le public depuis 1977. Bientôt 50 ans… Bientôt le jubilé. "De la musique avant toute chose" et vivre, vivre, vivre…

© Aurélie Courteille.
En 1977, quelques amis musiciens professionnels se retrouvent entre eux et décident de s'amuser en réinterprétant des classiques tels que ceux de Ray Ventura ou de Duke Ellington. Ce qui ne devait être qu'un plaisir entre copains devient vite un succès immédiat qui dure depuis presque 50 ans. Mais quel est donc le secret de cette longévité entre rythmes endiablés, joyeuses cadences et show totalement désopilants ?

Ne le leur demandez pas ! Ils ne vous en diront rien… Si tant est qu'ils le sachent eux-mêmes, tant cette énergie semble ancrée en eux depuis toutes ces années, indéfectible, salvatrice et impérissable.

Entre swing, jazz, salsa, reggae – quatre de leurs principales influences –, ou encore fiesta et mises en scène délirantes, les quatorze chanteuses et musiciens de l'Orchestre mythique enchantent le public, sur la scène du Café de la Gare, depuis le 11 novembre. Comme à leurs premières heures, et en échappant pourtant aux codes et impératifs de la mode, ils nous donnent irrésistiblement envie de monter sur scène pour danser à leurs côtés sur le plateau, frétiller, sautiller, et tout oublier l'espace de quelques instants. Leur énergie communicative est sans failles, et gagne sans commune mesure toutes les générations. Les cuivres étincellent. Les voix brillent de mille feux sonores.

Brigitte Corrigou
13/11/2024
Spectacle à la Une

"Jacques et Chirac" Un "Magouille blues"* décapant et burlesque n'occultant pas le mythe du président sympa et séducteur

Une comédie satirique enjouée sur le pouvoir, le mensonge et la Cinquième République portée par une distribution tonitruante et enthousiaste, dégustant avec gourmandise le texte de Régis Vlachos pour en offrir la clownesque et didactique substantifique moelle aux spectateurs. Cela est rendu aussi possible grâce à l'art sensible et maîtrisé de l'écriture de l'auteur qui mêle recherche documentaire affinée, humour décapant et bouffonnerie chamarrée pour dévoiler les tours et contours d'un Jacques sans qui Chirac ne serait rien.

© Fabienne Rappeneau.
Portraitiste décalé et impertinent d'une Histoire de France ou de l'Humanité aux galbes pas toujours gracieux dont surgissent parfois les affres de notre condition humaine, Régis Vlachos, "Cabaret Louise" (Louise Michel), "Dieu est mort" (Dieu, mieux vaut en rire)"Little Boy" (nom de la bombe larguée sur Hiroshima), revient avec un nouveau spectacle (création 2023) inspiré d'un des plus grands scandales de notre histoire contemporaine : la Françafrique. Et qui d'autre que Jacques Chirac – l'homme qui faisait la bise aux dictateurs – pouvait être convoqué au "tribunal" du rire et de la fantaisie par l'auteur facétieux, mais doté d'une conscience politique aiguë, qu'est Régis Vlachos.

Le président disparu en 2019 fut un homme complexe composé du Chirac "bulldozer" en politique, menteur, magouilleur, et du Jacques, individu affable, charmeur, mettant autant la main au cul des vaches que des femmes. Celui-ci fut d'abord attiré le communisme pour ses idéaux pacifistes. Il vendra même L'Humanité-dimanche devant l'église Saint-Sulpice.

La diversité des personnalités importantes qui marquèrent le début de son chemin politique joue tout autant la complexité : Michel Rocard, André Malraux et, bien sûr, Georges Pompidou comme modèle, Marie-France Garaud, Pierre Juillet… et Dassault comme portefeuille ! Le tout agrémenté de nombre de symboles forts et de cafouillages désastreux : le bruit et l'odeur, la pomme, le cul des vaches, les vacances à l'île Maurice, les amitiés avec les despotes infréquentables, l'affaire ELF, etc.

Gil Chauveau
03/11/2024