La Revue du Spectacle, le magazine des arts de la scène et du spectacle vivant. Infos théâtre, chanson, café-théâtre, cirque, arts de la rue, agenda, CD, etc.



Augmenter la taille du texte
Diminuer la taille du texte
Partager
Festivals

Festival au Village : Joies de vivre et Désirs de théâtre (2)

C'était à Brioux-sur-Boutonne, un festival à la campagne qui s'est déroulé du 7 au 15 juillet. La Revue du Spectacle était présente et a pu voir, entendre... l'âme d'un village vibrer et entendre battre le cœur d'une amicale bande de passionnés.



"Oncle Vania" © Eddy Westweer.
"Oncle Vania" © Eddy Westweer.
Dans une grange aménagée.
Michel Arbatz qui, dans "Desnos et merveilles", avec l'appui de sa guitare et la simplicité d'un chanteur raconteur, conte la vie d'un poète à l'âme d'enfant et au destin tragique. Entre textes et images, ce spectacle est plus qu'un émouvant hommage, c'est une transmission, une (re)découverte.

Dans un jardin privé.
"La Fresque & La Poème" (Cie Bal). Dans ce spectacle, Jeanne Mordoj montre une maîtrise de son corps qui la conduit aux marges du butô et du kathakali. À l'extrême de la performance. Dessinant, le dos collé à un mur lisse et blanc et les yeux fermés, les contours de son corps, ses mouvements, ses contorsions. Les traces laissées sont de véritables œuvres d'"anthropométries" au féminin.

Puis, comme projetée, Jeanne Mordoj avance sur un podium comme mue par une puissance supérieure. Animée, contrainte par une capacité à produire en permanence des œufs comme d'autres, dans le conte de Perrault "les fées", des perles ou des couleuvres.

"La Fresque", Jeanne Mordoj © Géraldine Aresteanu.
"La Fresque", Jeanne Mordoj © Géraldine Aresteanu.
C'est une vision dynamique du corps féminin que Jeanne Mordoj, dans un juste retour des choses, affirme comme une évidence. Le droit accordé à l'Art de présenter un corps grotesque et inquiétant qui, dans sa puissance, est à égalité des masques et des rituels primitifs.

Dans la même cour
Le lendemain, "Le Quatuor les Trilles" (Guillaume Fontanarosa), dont les cordes ont l'agilité diabolique, présente une œuvre d'Allessandro Annunziata qui pousse à leurs limites du silence les crissements et glissements de l'archet. Puis il joue avec le sens du rythme du jeune Mozart, avant de rendre un hommage romantique à la nuit qui est tombée en interprétant une œuvre de Mendelsohn. Elle-même dédiée à Beethoven.

Lors d'un entre-deux, au cours duquel les instrumentistes accordent leurs violons et le violoncelle, la cloche de l'église voisine donnait un "La" facétieux accompagnant pour un instant amical l'harmonie du lieu. Le morceau de Piazzola qui suit est concis et clair. Un "calo" tzigane clôt la soirée. Le public conquis montre son enthousiasme.

Dans un verger
Un lâcher de clowns. Des élèves comédiens de l'école d'Évry Courcouronnes, au pied d'un pommier, foulant l'herbe, se révèlent frères humains en liberté à la découverte des sens. À la recherche "de" sens. À la fois étranges et inquiétants, quelquefois violents, découvrant le jeu, "se" découvrant. Soudés, complices. Le public est d'abord surpris, puis adore.

"Oncle Vania à la campagne" © Jean Grapin.
"Oncle Vania à la campagne" © Jean Grapin.
Dans une pâture
Au flanc d'un coteau en lisière de bois avec l'appui de quinze comédiens du Théâtre de l'Unité, Jacques Livchine met en scène "Oncle Vania" d'Anton Tchekhov. Le dispositif est élargi à l'extrême de l'horizon et du champ visuel, entre bergerie et clôture. Les comédiens du théâtre de l'unité jouent dans un respect absolu du texte. À ce point même que ses vérités apparaissent comme autant d'anachronismes nécessaires à la comédie (au rire et à la scène). Ce que certains ont du mal à croire.

Et de manière spectaculaire et silencieuse la troupe apporte une réponse simple à la querelle savante sur la nature du théâtre entre réalisme et symbolisme qui oppose Stanislavki et Meyerhold ; et que Tchékhov place au centre de son œuvre comme un défi.

Dans cette mise en scène et en ce lieu, avec une très grande économie de moyens, la pâture avec ses meules de paille, devient progressivement, au fur et à mesure de la progression de l'ombre, alors que le regard se porte sur les mouvements réguliers des hommes et des animaux (qui semblent suivre comme autant de sentiers invisibles et familiers), un tableau. De Poussin. Et au lever de lune, qui déchire les nuages alors que se dissipe un banc de brume, un Kaspar David Friedrich.

"Oncle Vania à la campagne" © Jean Grapin.
"Oncle Vania à la campagne" © Jean Grapin.
Cette version d'Oncle Vania, avec ses rares projecteurs et ses braseros, est un pied-de-nez à tous les scénographes et éclairagistes. Et pour tous les spectateurs un moment inoubliable. Quand la nature devient paysage, il n'y a plus de réalisme, ni de symbolisme. Il suffit que des hommes la regardent pour qu'elle soit porteuse de merveilleux et de malice.

Assurément, l'arbre vénérable choisi comme point fixe du dispositif par Jacques Livchine restera dans la mémoire du village comme étant l'arbre de l'unité, celui qui offre de l'ombre à Vania. À tous les Vania… dont certains habitent Brioux-sur-Boutonne.

29e Festival au Village - Brioux-sur-Boutonne (Deux-Sèvres)
A eu lieu du 7 au 15 juillet 2017.
>> Site du festival, programmation et photos.

Jean Grapin
Mercredi 19 Juillet 2017

Nouveau commentaire :

Théâtre | Danse | Concerts & Lyrique | À l'affiche | À l'affiche bis | Cirque & Rue | Humour | Festivals | Pitchouns | Paroles & Musique | Avignon 2017 | Avignon 2018 | Avignon 2019 | CédéDévédé | Trib'Une | RV du Jour | Pièce du boucher | Coulisses & Cie | Coin de l’œil | Archives | Avignon 2021 | Avignon 2022 | Avignon 2023 | Avignon 2024 | À l'affiche ter





Numéros Papier

Anciens Numéros de La Revue du Spectacle (10)

Vente des numéros "Collectors" de La Revue du Spectacle.
10 euros l'exemplaire, frais de port compris.






À Découvrir

•Off 2024• "Mon Petit Grand Frère" Récit salvateur d'un enfant traumatisé au bénéfice du devenir apaisé de l'adulte qu'il est devenu

Comment dire l'indicible, comment formuler les vagues souvenirs, les incertaines sensations qui furent captés, partiellement mémorisés à la petite enfance. Accoucher de cette résurgence voilée, diffuse, d'un drame familial ayant eu lieu à l'âge de deux ans est le parcours théâtral, étonnamment réussie, que nous offre Miguel-Ange Sarmiento avec "Mon petit grand frère". Ce qui aurait pu paraître une psychanalyse impudique devient alors une parole salvatrice porteuse d'un écho libératoire pour nos propres histoires douloureuses.

© Ève Pinel.
9 mars 1971, un petit bonhomme, dans les premiers pas de sa vie, goûte aux derniers instants du ravissement juvénile de voir sa maman souriante, heureuse. Mais, dans peu de temps, la fenêtre du bonheur va se refermer. Le drame n'est pas loin et le bonheur fait ses valises. À ce moment-là, personne ne le sait encore, mais les affres du destin se sont mis en marche, et plus rien ne sera comme avant.

En préambule du malheur à venir, le texte, traversant en permanence le pont entre narration réaliste et phrasé poétique, nous conduit à la découverte du quotidien plein de joie et de tendresse du pitchoun qu'est Miguel-Ange. Jeux d'enfants faits de marelle, de dinette, de billes, et de couchers sur la musique de Nounours et de "bonne nuit les petits". L'enfant est affectueux. "Je suis un garçon raisonnable. Je fais attention à ma maman. Je suis un bon garçon." Le bonheur est simple, mais joyeux et empli de tendresse.

Puis, entre dans la narration la disparition du grand frère de trois ans son aîné. La mort n'ayant, on le sait, aucune morale et aucun scrupule à commettre ses actes, antinaturelles lorsqu'il s'agit d'ôter la vie à un bambin. L'accident est acté et deux gamins dans le bassin sont décédés, ceux-ci n'ayant pu être ramenés à la vie. Là, se révèle l'avant et l'après. Le bonheur s'est enfui et rien ne sera plus comme avant.

Gil Chauveau
14/06/2024
Spectacle à la Une

•Off 2024• Lou Casa "Barbara & Brel" À nouveau un souffle singulier et virtuose passe sur l'œuvre de Barbara et de Brel

Ils sont peu nombreux ceux qui ont une réelle vision d'interprétation d'œuvres d'artistes "monuments" tels Brel, Barbara, Brassens, Piaf et bien d'autres. Lou Casa fait partie de ces rares virtuoses qui arrivent à imprimer leur signature sans effacer le filigrane du monstre sacré interprété. Après une relecture lumineuse en 2016 de quelques chansons de Barbara, voici le profond et solaire "Barbara & Brel".

© Betül Balkan.
Comme dans son précédent opus "À ce jour" (consacré à Barbara), Marc Casa est habité par ses choix, donnant un souffle original et unique à chaque titre choisi. Évitant musicalement l'écueil des orchestrations "datées" en optant systématiquement pour des sonorités contemporaines, chaque chanson est synonyme d'une grande richesse et variété instrumentales. Le timbre de la voix est prenant et fait montre à chaque fois d'une émouvante et artistique sincérité.

On retrouve dans cet album une réelle intensité pour chaque interprétation, une profondeur dans la tessiture, dans les tonalités exprimées dont on sent qu'elles puisent tant dans l'âme créatrice des illustres auteurs que dans les recoins intimes, les chemins de vie personnelle de Marc Casa, pour y mettre, dans une manière discrète et maîtrisée, emplie de sincérité, un peu de sa propre histoire.

"Nous mettons en écho des chansons de Barbara et Brel qui ont abordé les mêmes thèmes mais de manières différentes. L'idée est juste d'utiliser leur matière, leur art, tout en gardant une distance, en s'affranchissant de ce qu'ils sont, de ce qu'ils représentent aujourd'hui dans la culture populaire, dans la culture en général… qui est énorme !"

Gil Chauveau
19/06/2024
Spectacle à la Une

•Off 2024• "Un Chapeau de paille d'Italie" Une version singulière et explosive interrogeant nos libertés individuelles…

… face aux normalisations sociétales et idéologiques

Si l'art de générer des productions enthousiastes et inventives est incontestablement dans l'ADN de la compagnie L'Éternel Été, l'engagement citoyen fait aussi partie de la démarche créative de ses membres. La présente proposition ne déroge pas à la règle. Ainsi, Emmanuel Besnault et Benoît Gruel nous offrent une version décoiffante, vive, presque juvénile, mais diablement ancrée dans les problématiques actuelles, du "Chapeau de paille d'Italie"… pièce d'Eugène Labiche, véritable référence du vaudeville.

© Philippe Hanula.
L'argument, simple, n'en reste pas moins source de quiproquos, de riantes ficelles propres à la comédie et d'une bonne dose de situations grotesques, burlesques, voire absurdes. À l'aube d'un mariage des plus prometteurs avec la très florale Hélène – née sans doute dans les roses… ornant les pépinières parentales –, le fringant Fadinard se lance dans une quête effrénée pour récupérer un chapeau de paille d'Italie… Pour remplacer celui croqué – en guise de petit-déj ! – par un membre de la gent équestre, moteur exclusif de son hippomobile, ci-devant fiacre. À noter que le chapeau alimentaire appartenait à une belle – porteuse d'une alliance – en rendez-vous coupable avec un soldat, sans doute Apollon à ses heures perdues.

N'ayant pas vocation à pérenniser toute forme d'adaptation académique, nos deux metteurs en scène vont imaginer que cette histoire absurde est un songe, le songe d'une nuit… niché au creux du voyage ensommeillé de l'aimable Fadinard. Accrochez-vous à votre oreiller ! La pièce la plus célèbre de Labiche se transforme en une nouvelle comédie explosive, électro-onirique ! Comme un rêve habité de nounours dans un sommeil moelleux peuplé d'êtres extravagants en doudounes orange.

Gil Chauveau
26/03/2024