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Théâtre

"En une nuit - Note pour un spectacle"… Pasolini à jamais !

C'est la 9ᵉ édition du festival "Les singuliers(es)" qui se déroule du 15 janvier au 15 février au CentQuatre-Paris. Théâtre, musique, danse et vidéo sont au programme. Focus sur une pièce dans laquelle Pasolini est rappelé à notre bon souvenir et où l'audace et l'humour font écho à l'acte politique.



© Annah Schaeffer.
© Annah Schaeffer.
La scénographie laisse découvrir une plage de sable avec une petite haie de bois la longeant en arrière-scène. La trame est l'assassinat de Pasolini (1922-1975) en Italie, à Ostie, qui s'est déroulé dans la nuit du 1ᵉʳ au 2 novembre 1975. La justice a reconnu officiellement un assassin, Guiseppe Pelosi, condamné à un peu plus de neuf ans et demi de prison pour une affaire de mœurs avec Pasolini ayant causé la mort de celui-ci. Le meurtre reste un mystère, car il y a de grandes zones d'ombres et l'affaire de mœurs semblerait être loin de la réalité, Pelosi étant revenu sur ses déclarations contradictoires et certains témoignages n'auraient pas été pris en compte.

En 2015, Simona Zecchi, dans "Massacro di un Poeta", a mené l'enquête qui démonte la supposée affaire de mœurs pour une possible vengeance, le poète, écrivain, réalisateur et scénariste italien s'étant fait par ailleurs, par ses prises de positions et ses écrits, bon nombre d'adversaires politiques d'extrême droite et mafieux.

"En une nuit - Note pour un spectacle" est une très belle pièce dans laquelle s'articule humour et théâtre dans le théâtre. Très belle, car elle lie la réalité à la fable avec des moments de tension et d'humour souvent déjantés. Entre ces deux aspects se déroule une relation avec l'assistance où celle-ci devient son propre rôle, à savoir celui d'incarner le public d'un spectacle qui se déroule. Nous sommes à la croisée d'une création qui se monte et d'une représentation en cours, comme face à un miroir qui se regarde dans son propre reflet.

© Elsa Seguier Faucher.
© Elsa Seguier Faucher.
Le public joue son propre rôle en assistant à celle-ci, que les protagonistes présentent comme élément de leur création. Celle-là a une double nature, celle réelle de ce pour quoi les spectateurs ont acheté leur place et une autre, imaginaire, car pensée et projetée scéniquement par les personnages. Cette dualité donne une dimension assez paradoxale à l'assistance, d'être son propre protagoniste, regardant un spectacle à deux faces, entre une réalité et son pendant théâtral, à charge à chacun de faire son choix.

Le "spect-acteur" est ainsi dans une fable dramaturgique en tant que protagoniste d'une pièce dont il est spectateur. Cette double caractéristique est aussi celle de comédiens qui jouent leur métier de professionnels du 6ᵉ art tout en incarnant par intermittence des caractères théâtraux, créant une passerelle entre gravité et facétie. La réalité est ainsi bousculée autant dans sa représentation que dans son appréhension.

Celle-ci démarre avec une artiste italienne (Justine Lequette) qui raconte sa rencontre et son travail avec Pasolini. C'est presque une scène de cinéma plongée dans l'obscurité, seul son visage est éclairé par une lumière jaune. C'est en italien surtitré en français, langue revenant à plusieurs reprises dans les tableaux.

© Elsa Seguier Faucher.
© Elsa Seguier Faucher.
Il y a différentes ruptures de jeu avec, entre autres, sur la plage, un défilé de mode un peu déluré comme sorti d'une autre fable. Ou ailleurs, les comédiens sont dans le public, jouant avec lui en l'interpellant. Le temps scénique s'étale sur plusieurs années, sans délimitation temporelle précise, avec un Pasolini mort, blessé ou vivant suivant les scènes, autour d'une troupe qui explique son projet au public en exprimant ses doutes et ses audaces.

Il y a de la tension, de la gaîté et de la gravité. On plonge aussi dans la pensée de l'écrivain, poète et réalisateur italien, à l'aide de ses propos et de ses interviews, ainsi que dans la création théâtrale d'une troupe. Les regards artistiques sont multiples, car ils s'articulent sur ceux du metteur en scène, de chaque comédien et de l'artiste italienne qui a accompagné Pasolini dans son travail. Chacun, à des moments différents, existe par lui-même autour d'une idée, d'un souvenir ou d'un point de vue. L'émotion cohabite avec la pensée, le présent avec le passé, le fait avec l'imagination.

L'avant-dernier tableau se déroule dans un silence qui dure de longues minutes, avec le corps de Pasolini allongé au sol, inerte. Comme une mise en perspective d'un assassinat qui pose encore question. La dernière scène est politiquement une image puissante et engagée, avec le drapeau de la Palestine allongé au sol en lieu et place du corps du poète italien. Une création audacieuse !
◙ Safidin Alouache

"En une nuit - Note pour un spectacle"

D'après l'œuvre de Pier Paolo Pasolini.
Texte : Ferdinand Despy, Simon Hardouin, Justine Lequette, Eva Zingaro-Meyer.
Mise en scène : Ferdinand Despy, Simon Hardouin, Justine Lequette, Eva Zingaro-Meyer.
Avec : Ferdinand Despy, Simon Hardouin, Justine Lequette, Eva Zingaro-Meyer.
Collaboration à la mise en scène et assistant : Orell Pernot-Borràs.
Scénographie et création costumes : Elsa Séguier-Faucher.
Création lumières : Caspar Langhoff et Lila Ramos Fernandez.
Régie générale et son : Antoine Vanagt.
Régie lumière : Lila Ramos Fernandez.
Assistant à la mise en scène : Antoine Herbulot.
Regard artistique : Nicolas Mouzet-Tagawa.
Regard dramaturgique : Nathanaël Harcq.
Aide à la création sonore : Laurent Gueuning, Éric Degauquier, John Cooper.
Coaching vocal : Brigitte Romano.
Durée : 1 h 45.

Le spectacle s'est déroulé du 8 au 18 janvier au Cent-quatre, Paris 19ᵉ, dans le cadre du festival Les Singuliers(es).

Du 15 janvier au 15 février 2025.
9e édition du Festival "Les Singulier-es"
Le CentQuatre-Paris, Paris 19ᵉ, 01 53 35 50 00.
>> 104.fr

Safidin Alouache
Mardi 28 Janvier 2025

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© PKL.
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© Pierre Gondard.
En arrière-scène, dans une lumière un peu sombre, la scénographie laisse découvrir sept grands carrés vides disposés les uns sur les autres. Celui situé en bas et au centre dessine une entrée. L'ensemble représente ainsi une maison, grande demeure avec ses pièces vides.

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© DR.
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