Une créature, drapée dans une tenue d'apparat somptueuse et coiffée d'une parure non moins extravagante composée de plumes de paon, émerge de l'obscurité. Elle chante en playback sur une musique pop retentissante, dos au public, en agitant lascivement les bras. Lorsqu'elle se retourne, on découvre un visage lisse aux lèvres ourlées de rouge et aux sourcils impeccablement soulignés. Des pans de son vêtement échancré jusqu'à la ceinture s'échappent, dans un mouvement cadencé du bassin, deux longues jambes chaussées d'escarpins… "Ce fut comme une apparition", apparition "travestie" d'un fantasme réincarné, celui de l'auteur adolescent chantant à tue-tête sur des tubes enregistrés du sex-symbol Kylie Minogue, dont il épousait déjà la féminité exacerbée.
"Drag Queen" renvoyait jadis aux hommes qui se travestissaient en laissant traîner ("to drag") leurs longues jupes derrière eux. À moins que l'étymologie de l'expression soit à chercher du côté du théâtre lorsque les rôles de femmes, interdites de plateau, étaient joués par des hommes "dressed like a girl". Quoi qu'il en fût, la culture Drag contemporaine a retenu de ses origines le goût immodéré du travestissement célébré à des fins de divertissement. Sauf que, présentement, on perçoit au trouble qui nous gagne que se joue sous nos yeux complices tout autre chose… un horizon d'attentes sans rapport avec le cabaret : l'enjeu du travestissement dépasse à l'évidence les attendus du jeu théâtral.
"Drag Queen" renvoyait jadis aux hommes qui se travestissaient en laissant traîner ("to drag") leurs longues jupes derrière eux. À moins que l'étymologie de l'expression soit à chercher du côté du théâtre lorsque les rôles de femmes, interdites de plateau, étaient joués par des hommes "dressed like a girl". Quoi qu'il en fût, la culture Drag contemporaine a retenu de ses origines le goût immodéré du travestissement célébré à des fins de divertissement. Sauf que, présentement, on perçoit au trouble qui nous gagne que se joue sous nos yeux complices tout autre chose… un horizon d'attentes sans rapport avec le cabaret : l'enjeu du travestissement dépasse à l'évidence les attendus du jeu théâtral.
Afficher une identité parée des stéréotypes du genre féminin ne relève pas, pour l'acteur au plateau, d'un art consommé de la scène, mais plonge ses rhizomes dans "l'autre scène", celle de l'intime enfoui en lui. Aller à la rencontre de soi au travers de poses empruntées au "deuxième sexe" n'est en rien une entreprise innocente mais engage dans un corps-à-corps sans concessions. Ainsi aux accents de vérité qui pointent sous le travestissement festif, on palpe le dur désir d'être soi en tombant les masques exhibés jusqu'ici pour dire, sans le dire à la première personne, le goût de l'autre du même sexe.
Quand advient le temps des adresses directes au public, pris comme confident, le "travestissement" aura fait long feu… La crête de paon retirée, c'est tête nue qu'il nous parle, ses yeux soulignés de noir captant les nôtres : "Je fais ce qui me semble bon, sans trop savoir ce qui me pousse. Je veux être libre. Est-ce que quelqu'un le peut, être exactement ce qu'il est ? En suis-je capable ? En moi, il n'y a pas des personnalités antithétiques ? La cohérence ça ne se peut pas…". Et suit l'énoncé des fantasmes assumés… Lui habillé par Jean-Pierre Gaultier, entouré de danseurs hyper sexy. Lui devenu Madonna et épousant sa carrière de star de la pop.
Quand advient le temps des adresses directes au public, pris comme confident, le "travestissement" aura fait long feu… La crête de paon retirée, c'est tête nue qu'il nous parle, ses yeux soulignés de noir captant les nôtres : "Je fais ce qui me semble bon, sans trop savoir ce qui me pousse. Je veux être libre. Est-ce que quelqu'un le peut, être exactement ce qu'il est ? En suis-je capable ? En moi, il n'y a pas des personnalités antithétiques ? La cohérence ça ne se peut pas…". Et suit l'énoncé des fantasmes assumés… Lui habillé par Jean-Pierre Gaultier, entouré de danseurs hyper sexy. Lui devenu Madonna et épousant sa carrière de star de la pop.
Mais l'euphorie transgressive est vite trouée par le souvenir des humiliations subies au collège de la part de ses pairs, peu enclins à admettre l'autre, différent. Et même si au passage il les gratifie rétrospectivement - et non sans humour - d'un discret doigt d'honneur, il leur reconnaît le pouvoir de lui avoir permis de devenir ce qu'il est… et puis l'un d'eux n'avait-il pas un petit cul tentant… Quant à la place de sa mère, avatar de Nicole Croisille/Olympia 76, elle règne omniprésente, Dieu tout-puissant à qui il n'a pu résister.
Les voix se mêlent, celles des injonctions à la "normalité", sans que l'on sache toujours s'il s'agit de la petite voix intérieure se faisant l'écho de l'ordre dominant ou celle de l'entourage. Peu importe, c'est par sa bouche à lui qu'elles s'articulent, ces invitations à être comme tout le monde. Sans exclure ce désir viscéral de voir son père lui porter un regard improbable avant qu'il ne meure. Être soi est un sport de combat…
Franchissant les limites de l'espace dédié à la représentation, il n'hésite pas à faire intrusion dans les travées de spectateurs, enjambant gaiement le quatrième mur afin d'"encrer" (sic) dans le réel le combat de toute une vie, lutte à jamais inachevée. En effet, malgré les avancées sur la pénalisation de l'homophobie et la reconnaissance des mêmes droits pour toutes et tous, la peur de se faire casser la gueule par les "gens bien intentionnés" ne noue-t-il pas toujours le ventre de celles et ceux qui échappent à la norme ?
Au terme de ce one-man-show échevelé, le comédien Jérôme Batteux a-t-il réussi à franchir le gué de la rampe pour "montrer à ses semblables un homme dans toute la vérité de la nature ; et cet homme, ce sera lui ?". "Sans fard", mais avec l'aide du travestissement, l'acteur se livre à une performance artistique de haut vol où l'art de la scène est subtilement convoqué pour délivrer l'intime. Une mise en je(u) créatrice qui, en nous rendant confidents de ses questionnements personnels, fait mordre la poussière aux sceptiques de tous genres.
Les voix se mêlent, celles des injonctions à la "normalité", sans que l'on sache toujours s'il s'agit de la petite voix intérieure se faisant l'écho de l'ordre dominant ou celle de l'entourage. Peu importe, c'est par sa bouche à lui qu'elles s'articulent, ces invitations à être comme tout le monde. Sans exclure ce désir viscéral de voir son père lui porter un regard improbable avant qu'il ne meure. Être soi est un sport de combat…
Franchissant les limites de l'espace dédié à la représentation, il n'hésite pas à faire intrusion dans les travées de spectateurs, enjambant gaiement le quatrième mur afin d'"encrer" (sic) dans le réel le combat de toute une vie, lutte à jamais inachevée. En effet, malgré les avancées sur la pénalisation de l'homophobie et la reconnaissance des mêmes droits pour toutes et tous, la peur de se faire casser la gueule par les "gens bien intentionnés" ne noue-t-il pas toujours le ventre de celles et ceux qui échappent à la norme ?
Au terme de ce one-man-show échevelé, le comédien Jérôme Batteux a-t-il réussi à franchir le gué de la rampe pour "montrer à ses semblables un homme dans toute la vérité de la nature ; et cet homme, ce sera lui ?". "Sans fard", mais avec l'aide du travestissement, l'acteur se livre à une performance artistique de haut vol où l'art de la scène est subtilement convoqué pour délivrer l'intime. Une mise en je(u) créatrice qui, en nous rendant confidents de ses questionnements personnels, fait mordre la poussière aux sceptiques de tous genres.
"Drag"
Texte et mise en scène : Jérôme Batteux.
Direction d'acteur et scénographie : Flore Audebeau.
Avec : Jérôme Batteux.
Création chorégraphique : Bela Balsa.
Maquillages : Mara Sastre.
Costumes : Vincent Dupeyron.
Création lumières : Jean-Philippe Villaret.
Accompagnement drag : Andrea Liqueer.
Production (création 2021) : Cie des Petites Secousses.
Durée : 60 minutes.
Découvert le 28 Mai 2021 à l'Espace Simone Signoret de Cenon (33).
Tournée
14 octobre 2021 : La Fabrique Bellevue-Chantenay, Nantes (44).
15 octobre 2021 : Le Singe en Hiver, Nantes (44).
16 octobre 2021 : Le Café de la Loire, Paimboeuf (44).
Du 19 au 24 octobreb 2021 : Théâtre du Pont Tournant, Bordeaux (33).
Du 28 au 30 octobre 2021 : Halle des Chartrons, Bordeaux (33).
9 novembre 2021 : Halle des Douves, Bordeaux (33)*.
13 novembre 2021 : Iboat, Bordeaux (33)*.
21 janvier 2022 : Salle Le Royal, Pessac (33).
12 février 2022 : Salle Mendi Zolan, Hendaye (64).
26 mars 2022 : MJC, Chambery (73).
* Dans la programmation de la quinzaine de l'Égalité, de la Diversité et de la Citoyenneté.
>> petitessecousses.fr
Direction d'acteur et scénographie : Flore Audebeau.
Avec : Jérôme Batteux.
Création chorégraphique : Bela Balsa.
Maquillages : Mara Sastre.
Costumes : Vincent Dupeyron.
Création lumières : Jean-Philippe Villaret.
Accompagnement drag : Andrea Liqueer.
Production (création 2021) : Cie des Petites Secousses.
Durée : 60 minutes.
Découvert le 28 Mai 2021 à l'Espace Simone Signoret de Cenon (33).
Tournée
14 octobre 2021 : La Fabrique Bellevue-Chantenay, Nantes (44).
15 octobre 2021 : Le Singe en Hiver, Nantes (44).
16 octobre 2021 : Le Café de la Loire, Paimboeuf (44).
Du 19 au 24 octobreb 2021 : Théâtre du Pont Tournant, Bordeaux (33).
Du 28 au 30 octobre 2021 : Halle des Chartrons, Bordeaux (33).
9 novembre 2021 : Halle des Douves, Bordeaux (33)*.
13 novembre 2021 : Iboat, Bordeaux (33)*.
21 janvier 2022 : Salle Le Royal, Pessac (33).
12 février 2022 : Salle Mendi Zolan, Hendaye (64).
26 mars 2022 : MJC, Chambery (73).
* Dans la programmation de la quinzaine de l'Égalité, de la Diversité et de la Citoyenneté.
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