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Lyrique

"Don Giovanni" par les Solistes de l'Atelier Lyrique de l'Opéra de Paris à la MC93

L'Atelier Lyrique de l'Opéra de Paris dirigé par Christian Schirm revient à la MC93 de Bobigny pour sa septième coproduction avec la maison de Patrick Sommier. Ils ont choisi le chef d'œuvre de Mozart "Don Giovanni". Jusqu'au 31 mars 2014, celui-ci renoue avec un public populaire pour un prix très abordable. C’est aussi l'occasion de rencontrer une jeune génération d'artistes plus qu'enthousiasmants.



© Mirco Magliocca/Opéra national de Paris.
© Mirco Magliocca/Opéra national de Paris.
Qui ne se souvient de son premier "Don Giovanni" ? Qui ne chantonne à l’occasion les nombreux hits que contient le chef-d'œuvre commandé par l’Opéra de Prague à Wolfgang Amadeus en 1787 ? Du premier air chanté, "Notte e giorno faticar" ("Nuit et jour s’esquinter"), par le valet Leporello fatigué de servir un "Giovane cavaliere licenzioso"(1) au fameux air très buffa du catalogue, "Madamina, il catalogo in questo" - sans oublier ces arias célestes qui en offrent un contrepoint exact, la partition très populaire a gagné tous les cœurs.

On ne se lasse pas de ces duos, trios, sextuors véritablement diaboliques de beauté et d’efficacité qui composent une œuvre riche aussi de ses accents grandioses. Les aventures de Don Giovanni/Don Juan exercent une fascination sur notre imagination à la hauteur du génie mozartien. C’est "l'opéra des opéras" dont parlait Richard Wagner.

© Mirco Magliocca/Opéra national de Paris.
© Mirco Magliocca/Opéra national de Paris.
Dernière mise en scène marquante, c’était bien sûr celle de Michael Haneke à l'Opéra de Paris en 2006 puis 2012 (reprise l’an prochain pour la saison 2014-2015). Une lecture noire, tragique et sardonique bien en phase avec cette ère du désastre dans laquelle nous baignons depuis longtemps. C'est à une autre lecture que nous sommes conviés avec les jeunes chanteurs de l’Atelier Lyrique et dans la mise en scène de Christophe Perton.

Autour d’une piscine qui évoque le film de Jerzy Skolimowski "Deep End", les jeunes personnages du "drame gai" (ou "dramma giocoso") écrit par le drôle de paroissien Lorenzo da Ponte évoluent dans une époque moderne, transposition maligne de la Séville du XVIIe siècle du livret. Les compagnons de noces des paysans Zerlina et Masetto, invités par le grand seigneur libertin Don Giovanni, dansent par exemple dans une ambiance de boîte de nuit dans le plus pur style dance floor. Bref, on s’amuse, on rit beaucoup. Et le charisme entraînant d’une génération de jeunes chanteurs doués est déterminant pour la réussite de cette production. Il faudrait tous les citer ou presque mais dominent ce soir-là(2) le Don Giovanni sale gosse du baryton portugais Tiago Matos, le Leporello fantasque de Andriy Gnatiuk ou encore la Donna Elvira imposante d’Élodie Hache.

© Mirco Magliocca/Opéra national de Paris.
© Mirco Magliocca/Opéra national de Paris.
Jeunesse revendiquée de l’œuvre donc dans une mise en scène aux propositions souvent convaincantes : tout l’opéra, nous suggère-t-elle, est peut-être le rêve d’un homme de ménage (Leporello) qui ressuscite Mozart lui-même. Au clavecin Philip Richardson/Amadeus sur scène - rappelant un portrait du compositeur (de profil) en perruque et livrée - redonne vie à Don Giovanni, son double dans cette course poursuite de la vie contre la mort, de Éros contre Thanatos. Ce qui laisse plus dubitatif c’est cet a priori que pose Christophe Perton : "Il dissoluto punito"(3) serait blessé à mort dès le début de l’opéra lors de son duel avec le Commandeur, le père de Donna Anna - violée dans le deuxième tableau du premier acte par ce voyou. Il court par monts et par vaux et d’alcôves en enfer, telle une marionnette fellinienne que dirigerait la musique.

Avec les moyens de la vidéo, des lumières très réussies et grâce au jeu des interprètes, la production rend justice à la farce et aux amoureuses caresses des passages purement lyriques de l’opéra. Mais elle échoue en partie à en retrouver les abîmes métaphysiques. Pas grave. On se divertit beaucoup et ces jeunes chanteurs-là nous ont follement séduits avec l’insolence naturelle du génie de Salzbourg.

Notes :
(1) "Un jeune gentilhomme extrêmement licencieux", commentaire du personnage de Don Giovanni dans la didascalie initiale du livret.
(2) Les rôles sont chantés en alternance (voir la distribution).
(3) "Le libertin puni". Le titre original de l’opéra est "Il Dissoluto punito, ossia Il Don Giovanni" soit, en français, "Le Libertin puni, ou Don Giovanni".


Spectacle vu le lundi 24 mars 2014.

© Mirco Magliocca/Opéra national de Paris.
© Mirco Magliocca/Opéra national de Paris.
Mercredi 26, vendredi 28, samedi 29 mars à 20 h. Lundi 31 mars 2014 à 14 h (représentation avec audiodescription).
MC93, 9 boulevard Lénine Bobigny (93), 01 41 60 72 72.
>> mc93.com
Opéra national de Paris, 08 92 89 90 90.

Du 24 au 26 mai 2014.
Théâtre de la Piscine, Châtenay-Malabry (92), 01 41 87 20 84.

"Don Giovanni" (1787).
Dramma giocoso en deux actes.
Musique : W. A. Mozart (1756-1791).
Livret : Lorenzo da Ponte (1749-1838).
En italien surtitré en français.
Durée : 3 h 20 avec entracte.

Alexandre Myrat, direction musicale.
Christophe Perton, mise en scène.
Malgorzata Szczesniak, Barbara Creutz, scénographie.
Aude Désigaux, costumes.
Dominique Borrini, lumières.
Barbara Creutz, vidéo et animations.

Les Solistes de l’Atelier Lyrique de l’Opéra de Paris.
En alternance :

Michal Partyka, Tiago Matos, Don Giovanni.
Pietro di Bianco, Andriy Gnatiuk, Leporello.
Olga Seliverstova, Yun Jung Choi, Donna Anna.
Andreea Soare, Elodie Hache, Donna Elvira.
Oleksiy Palchykov, Joao Pedro Cabral, Don Ottavio.
Adriana Gonzalez, Armelle Khourdoïan, Zerlina.
Damien Pass, Masetto
Ugo Rabec, le Commandeur.

Adrià Gràcia Gàlvez, Philip Richardson, clavecin.

Chœur de Chambre de la Maîtrise des Hauts de Seine.
Gaël Darchen, direction.

Orchestre – Atelier Ostinato.

Christine Ducq
Mercredi 26 Mars 2014

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