Quand la lumière paraît sous forme d'un rectangle de lumière qui éclate au sol de blancheur, Denis Lavant se place l'avant des chaussures mordant ce petit rectangle comme s'il était juste au bord. Et puis le silence. Et puis "Encore. Dire encore. Soit dit encore. Tant mal que pis encore. Jusqu'à plus mèche encore. Soit dit plus mèche encore." prononce la silhouette "mains inclinées sur crâne atrophié", tel un spectre aux traits inversés par l'éclairage venant d'en bas. Comme les enfants font peur aux adultes en braquant une torche sous leurs mentons.
Il y a en effet de la gaminerie encore dans le texte de Samuel Beckett, avec des éclats d'humour qui font briller la dérision de l'existence. Il y a surtout, dans ce texte comme dans la plupart des textes de l'auteur, une exploration des profondeurs de l'âme humaine. Ou plutôt, une fouille d'un état de conscience qui se fiche bien de toute l'apparence futile et sonnante de la vie belle.
Dans "Cap au pire", Beckett explore ce qui peut s'exprimer de l'humain lorsqu'il se trouve suspendu dans un instant. Enfermé dans un instant. L'écriture extrême, désarticulée, dégrammatalisée, désyntaxée, parfois déformée, qu'il emploie est la matière et le fond même de ce qu'il dit. Plus rythme que sens, il parvient pourtant à former des images, de l'imaginaire, un vieil homme qui tient la main d'un enfant comme un pont temporel, l'imaginaire qui semble finalement au centre même du propos.
Il y a en effet de la gaminerie encore dans le texte de Samuel Beckett, avec des éclats d'humour qui font briller la dérision de l'existence. Il y a surtout, dans ce texte comme dans la plupart des textes de l'auteur, une exploration des profondeurs de l'âme humaine. Ou plutôt, une fouille d'un état de conscience qui se fiche bien de toute l'apparence futile et sonnante de la vie belle.
Dans "Cap au pire", Beckett explore ce qui peut s'exprimer de l'humain lorsqu'il se trouve suspendu dans un instant. Enfermé dans un instant. L'écriture extrême, désarticulée, dégrammatalisée, désyntaxée, parfois déformée, qu'il emploie est la matière et le fond même de ce qu'il dit. Plus rythme que sens, il parvient pourtant à former des images, de l'imaginaire, un vieil homme qui tient la main d'un enfant comme un pont temporel, l'imaginaire qui semble finalement au centre même du propos.
Denis Lavant se laisse devenir le conducteur de ce cheminement de mots. Au rythme, il ajoute le souffle, pourtant dans une immobilité totale. Le texte de Beckett bouillonne tranquillement en lui comme une marmite sur le coin du feu, et les mots s'envolent de sa bouche comme des vapeurs et dessinent dans la pénombre du plateau l'imaginaire âpre, presque cadavérique, fragile et puissant.
Lorsqu'on parle à Denis Lavant du personnage qu'il incarne, il rit et dit : "Quel personnage ?". C'est tout le paradoxe. Qu'il incarne avec tout son beau talent et, cependant, c'est bien la matière même du texte, des mots, de la parole qui agit sur scène. L'écriture est cependant bien la force appelée, comme on appelle un esprit autour d'une table de salon. Tout fait référence à cette discipline qui emporte celui qui la pratique dans un autre calcul du temps, un autre espace, une vision.
La mise en scène de Jacques Osinski empêche tout parasite susceptible de corrompre le texte. La pénombre domine pour ne laisser que l'acteur posé sur sa page blanche dire les mots. Laissant Denis Lavant dans une immobilité (qui n'empêche pas celui-ci de vivre ses mots en un joli vagabondage de l'esprit), tout le tragique, tout le comique du texte et toutes ces brisures qui montrent ces moments où l'âme tressaille et se fêle, sont ainsi mises en valeur.
Lorsqu'on parle à Denis Lavant du personnage qu'il incarne, il rit et dit : "Quel personnage ?". C'est tout le paradoxe. Qu'il incarne avec tout son beau talent et, cependant, c'est bien la matière même du texte, des mots, de la parole qui agit sur scène. L'écriture est cependant bien la force appelée, comme on appelle un esprit autour d'une table de salon. Tout fait référence à cette discipline qui emporte celui qui la pratique dans un autre calcul du temps, un autre espace, une vision.
La mise en scène de Jacques Osinski empêche tout parasite susceptible de corrompre le texte. La pénombre domine pour ne laisser que l'acteur posé sur sa page blanche dire les mots. Laissant Denis Lavant dans une immobilité (qui n'empêche pas celui-ci de vivre ses mots en un joli vagabondage de l'esprit), tout le tragique, tout le comique du texte et toutes ces brisures qui montrent ces moments où l'âme tressaille et se fêle, sont ainsi mises en valeur.
Cela demande une certaine exigence pour le spectateur, mais "Cap au pire" donne la rare occasion de toucher des zones obscures, sortes de terrains vagues de perdition que chacun porte craintivement caché en lui.
◙ Bruno Fougniès
◙ Bruno Fougniès
"Cap au pire"
Texte : Samuel Beckett.
Traduction : Édith Fournier (Éditions de Minuit)
Mise en scène : Jacques Osinski.
Avec : Denis Lavant.
Lumières : Catherine Verheyde.
Scénographie : Christophe Ouvrard.
Costumes : Hélène Kritikos.
Production Cie L’aurore boréale.
Avec le soutien du Théâtre des Halles, Scène d'Avignon.
À partir de 16 ans.
Durée : 1 h 30.
Du 24 septembre au 19 octobre 2024.
Mardi, mercredi, vendredi à 20 h, jeudi à 19 h et samedi à 16 h.
Théâtre 14, Paris 14e, 01 45 45 49 77.
>> theatre14.fr
Traduction : Édith Fournier (Éditions de Minuit)
Mise en scène : Jacques Osinski.
Avec : Denis Lavant.
Lumières : Catherine Verheyde.
Scénographie : Christophe Ouvrard.
Costumes : Hélène Kritikos.
Production Cie L’aurore boréale.
Avec le soutien du Théâtre des Halles, Scène d'Avignon.
À partir de 16 ans.
Durée : 1 h 30.
Du 24 septembre au 19 octobre 2024.
Mardi, mercredi, vendredi à 20 h, jeudi à 19 h et samedi à 16 h.
Théâtre 14, Paris 14e, 01 45 45 49 77.
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