[…] N’entendez-vous pas, critiques indifférents, l’artiste vous dire : "Voici mon œuvre, je l’ai arrachée de ma cervelle ; il y a là-dedans un peu de ma chair, un peu de mon sang, un peu de mon âme. J’y ai mis tout ce qu’il y a en moi d’effort noble et de conscience d’artiste. Durant les nuits silencieuses, j’ai travaillé, j’ai pensé, j’ai douté. Je pourrais retrouver, en cette scène, la trace des visions hallucinantes qui sont venues hanter mon cerveau et tourbillonner devant mes yeux éblouis par le rêve : je pourrais retrouver les heures d’enthousiasme fou où je me suis cru Dieu, et les heures de découragement stérile où j’ai voulu jeter au feu et disperser au vent l’œuvre commerciale. Elle renferme une parcelle de mes joies, de mes espérances, de mes souffrances aussi ; elle cache, comme l’alcôve, les amours fécondes, la pudeur de sa génération, le mystère de sa paternité. Et bien, tout cela, je vous le donne. Bonne ou mauvaise, laide ou belle, chétive ou rose de vie, c’est moi qui l’ai créée cette œuvre, c’est mon enfant. prenez-là, pensez à ce qu’elle a coûté, et ne la brisez pas comme un enfant capricieux son joujou."
Mais, pour agir ainsi, il faut aimer l’art jusque dans ses faiblesses et ses égarements. Il faut avoir pour lui, non pas la curiosité qu’on a pour le plaisir qui passe et ne laisse rien que le dégoût, mais le respect et l’adoration qu’on a pour ce qu’il y a de plus beau dans l’homme et de divin dans la vie. Il faut, comme le disait un grand peintre, avoir "la maladie" de l’art.
Hélas, c’est une maladie qui s’en va et dont on ne meurt plus car notre siècle possède un calmant qui l’engourdit : l’indifférence ; et une panacée qui la guérit : l’argent. Et l’art dramatique, tombé plus bas et plus vite que les autres aux mains des empiriques et des marchands n’a que la critique aveugle et vendue qu’elle mérite.
La critique, dans la déroute universelle où sont emportées les littératures, me fait l’effet d’un général qui, dans une bataille, voyant ses soldats fuir et jeter les armes, crierait : "Bravo".
Mais, pour agir ainsi, il faut aimer l’art jusque dans ses faiblesses et ses égarements. Il faut avoir pour lui, non pas la curiosité qu’on a pour le plaisir qui passe et ne laisse rien que le dégoût, mais le respect et l’adoration qu’on a pour ce qu’il y a de plus beau dans l’homme et de divin dans la vie. Il faut, comme le disait un grand peintre, avoir "la maladie" de l’art.
Hélas, c’est une maladie qui s’en va et dont on ne meurt plus car notre siècle possède un calmant qui l’engourdit : l’indifférence ; et une panacée qui la guérit : l’argent. Et l’art dramatique, tombé plus bas et plus vite que les autres aux mains des empiriques et des marchands n’a que la critique aveugle et vendue qu’elle mérite.
La critique, dans la déroute universelle où sont emportées les littératures, me fait l’effet d’un général qui, dans une bataille, voyant ses soldats fuir et jeter les armes, crierait : "Bravo".