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Pièce du boucher

Ainsi donc quelques brisures d'ARN ont perdu leur ADN préféré

Celui de ce petit mammifère à écailles, ce pangolin un peu primitif, peut-être si mignon, resté inconnu de quasi tout le monde, dont le nombre a si fortement diminué parce que certains le trouvaient très curatif. Ces brisures d'ARN, ces virus (c'est plus sérieux) ont trouvé refuge dans l'ADN le plus proche…



© DR.
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Celui d'un être vivant bien plus sophistiqué : conquérant et dominateur. Un mammifère à l'imagination débordante qui tend à l'immortalité, qui avec jubilation défriche, assèche, édifie des monuments à sa mémoire, produit des artefacts et contrefaçons seuls dignes de sa Valeur. SAPIENS !

Et l'organisme de Sapiens déraille. Sapiens plie. Sapiens voit ses représentations s'effondrer, ses rêves, sa finance infinie, son marketing édénique, et ses concrétisations en courbes harmonieuses, ses flux financiarisés, ses événements, son tourisme, ses matchs. Sapiens, nouveau gyrovague, découvre sa folie. Restreint dans sa bougeotte, au risque de se voir verbalisé du délit de vagabondage, et marqué du sceau de l'infamie "porteur de virus".

Est-ce le début d'une prise de conscience ? Si l'on en croit l'un des premiers d'entre eux qui découvre que le système de valeurs n'est pas forcément adapté… Que la santé n'a pas de prix…

Allons frères humains enfin solidaires. Encore un effort et tous nous entonnerons qu'il n'est de richesses que d'hommes… et que nous sommes tous solidaires pour n'être point solitaires.

À moins que, cédant à une forme de tropisme ordinaire, certains ne cherchent un bouc émissaire. Comme les animaux de la fable qui, malades de la peste*, ne mouraient pas tous, qui tous étaient frappés et qui se sont jetés sur le pauvre âne, pour que rien ne change dans l'ordre du Monde.

Pendant ce temps Gaïa (la planète vivante) source de toute vie prend quelque répit, profite du passage du Petit Pangolin au Grand Sapiens pour se faire vite fait une petite toilette du museau et de ses petites mains, respire un petit coup et soupire. Car le nettoyage de fond sera bien plus long. Il suffirait que Sapiens l'aide un peu et cesse de tout bouleverser. En effet sa frénésie d'activité occasionne de grandes collisions et crée un mauvais climat.

Il est grand temps que Sapiens réfléchisse sur les causes. Elles sont en lui et il les connaît forcément au fond de lui et se les cache. Depuis qu'il a constaté qu'il était nu et s'est couvert de l'habit de ses illusions, depuis qu'il s'est mis à exploiter les ressources de peur de manquer. Jouir plutôt que désirer. Se goinfrer plutôt que se satisfaire. Manger pour vivre ne point vivre pour manger.

Il suffirait de Réapprendre à s'écouter, observer… apprendre.

*"Les animaux malades de la Peste", in Second recueil dédié à Madame de Montespan, Livre VII, Fable 1.
Jean de La Fontaine (1621-1695), Fables, 1678-1679.

Jean Grapin
Dimanche 15 Mars 2020

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"La Chute" Une adaptation réussie portée par un jeu d'une force organique hors du commun

Dans un bar à matelots d'Amsterdam, le Mexico-City, un homme interpelle un autre homme.
Une longue conversation s'initie entre eux. Jean-Baptiste Clamence, le narrateur, exerçant dans ce bar l'intriguant métier de juge-pénitent, fait lui-même les questions et les réponses face à son interlocuteur muet.

© Philippe Hanula.
Il commence alors à lever le voile sur son passé glorieux et sa vie d'avocat parisien. Une vie réussie et brillante, jusqu'au jour où il croise une jeune femme sur le pont Royal à Paris, et qu'elle se jette dans la Seine juste après son passage. Il ne fera rien pour tenter de la sauver. Dès lors, Clamence commence sa "chute" et finit par se remémorer les événements noirs de son passé.

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"Very Math Trip" Comment se réconcilier avec les maths

"Very Math Trip" est un "one-math-show" qui pourra réconcilier les "traumatisés(es)" de cette matière que sont les maths. Mais il faudra vous accrocher, car le cours est assuré par un professeur vraiment pas comme les autres !

© DR.
Ce spectacle, c'est avant tout un livre publié par les Éditions Flammarion en 2019 et qui a reçu en 2021 le 1er prix " La Science se livre". L'auteur en est Manu Houdart, professeur de mathématiques belge et personnage assez emblématique dans son pays. Manu Houdart vulgarise les mathématiques depuis plusieurs années et obtient le prix de " l'Innovation pédagogique" qui lui est décerné par la reine Paola en personne. Il crée aussi la maison des Maths, un lieu dédié à l'apprentissage des maths et du numérique par le jeu.

Chaque chapitre de cet ouvrage se clôt par un "Waooh" enthousiaste. Cet enthousiasme opère aussi chez les spectateurs à l'occasion de cet one-man-show exceptionnel. Un spectacle familial et réjouissant dirigé et mis en scène par Thomas Le Douarec, metteur en scène du célèbre spectacle "Les Hommes viennent de Mars et les femmes de Vénus".

N'est-ce pas un pari fou que de chercher à faire aimer les mathématiques ? Surtout en France, pays où l'inimitié pour cette matière est très notoire chez de nombreux élèves. Il suffit pour s'en faire une idée de consulter les résultats du rapport PISA 2022. Rapport édifiant : notre pays se situe à la dernière position des pays européens et avant-dernière des pays de l'OCDE.
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Brigitte Corrigou
12/04/2025
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"La vie secrète des vieux" Aimer même trop, même mal… Aimer jusqu'à la déchirure

"Telle est ma quête", ainsi parlait l'Homme de la Mancha de Jacques Brel au Théâtre des Champs-Élysées en 1968… Une quête qu'ont fait leur cette troupe de vieux messieurs et vieilles dames "indignes" (cf. "La vieille dame indigne" de René Allio, 1965, véritable ode à la liberté) avides de vivre "jusqu'au bout" (ouaf… la crudité revendiquée de leur langue émancipée y autorise) ce qui constitue, n'en déplaise aux catholiques conservateurs, le sel de l'existence. Autour de leur metteur en scène, Mohamed El Khatib, ils vont bousculer les règles de la bienséance apprise pour dire sereinement l'amour chevillé au corps des vieux.

© Christophe Raynaud de Lage.
Votre ticket n'est plus valable. Prenez vos pilules, jouez au Monopoly, au Scrabble, regardez la télé… des jeux de votre âge quoi ! Et surtout, ayez la dignité d'attendre la mort en silence, on ne veut pas entendre vos jérémiades et – encore moins ! – vos chuchotements de plaisir et vos cris d'amour… Mohamed El Khatib, fin observateur des us et coutumes de nos sociétés occidentales, a documenté son projet théâtral par une série d'entretiens pris sur le vif en Ehpad au moment de la Covid, des mouroirs avec eau et électricité à tous les étages. Autour de lui et d'une aide-soignante, artiste professionnelle pétillante de malice, vont exister pleinement huit vieux et vieilles revendiquant avec une belle tranquillité leur droit au sexe et à l'amour (ce sont, aussi, des sentimentaux, pas que des addicts de la baise).

Un fauteuil roulant poussé par un vieux très guilleret fait son entrée… On nous avertit alors qu'en fonction du grand âge des participant(e)s au plateau, et malgré les deux défibrillateurs à disposition, certain(e)s sont susceptibles de mourir sur scène, ce qui – on l'admettra aisément – est un meilleur destin que mourir en Ehpad… Humour noir et vieilles dentelles, le ton est donné. De son fauteuil, la doyenne de la troupe, 91 ans, Belge et ancienne présentatrice du journal TV, va ar-ti-cu-ler son texte, elle qui a renoncé à son abonnement à la Comédie-Française car "ils" ne savent plus scander, un vrai scandale ! Confiant plus sérieusement que, ce qui lui manque aujourd'hui – elle qui a eu la chance d'avoir beaucoup d'hommes –, c'est d'embrasser quelqu'un sur la bouche et de manquer à quelqu'un.

Yves Kafka
30/08/2024