Si Brecht vivait aujourd’hui, quelles pièces écrirait-il ? Têtes rondes et têtes pointues, sans doute, sur fond de crise politico-financière, de paupérisation galopante et de chasse aux immigrés. Arturo Ui, assurément, l’Europe contemporaine ne manquant hélas, pas plus que celle des années trente, d’autocrates hystériques - l’un d’eux a même établi son QG, temporairement espérons-le, à l’Élysée…
Une chose est certaine : un dramaturge de sa trempe ne pourrait passer à côté d’un personnage en or tel que Silvio Berlusconi, affairiste mafieux entré en politique pour ne pas entrer en prison, et aujourd’hui emberlificoté, au beau milieu d’un troisième mandat qui vire à la catastrophe, dans un vaudeville salace qui déroule sa trame à tiroirs sur fond de déliquescence des institutions. Quoi de plus théâtral qu’un héros qui refuse de quitter la scène alors qu’elle s’écroule sous ses pieds ? Tous les éléments sont là pour composer le plus baroque des opéras bouffes.
Commençons par les personnages. Au centre, l’impérial Silvio B., sordide nabot au lifting menaçant de céder à tout moment, au rictus en céramique laquée, aux implants capillaires soulignés au feutre noir, boudiné dans son autosuffisance et s’obstinant à régner sur une cour toujours plus clairsemée. À ses côtés, au pied du trône, l’inévitable bouffon : Umberto Bossi, défiguré par les séquelles d’un AVC, incarnant à merveille une Ligue du Nord moitié identitaire, moitié moussaka, désormais écartelée entre son sécessionnisme affiché et son soutien indéfectible à l’empereur qui lui assure le gîte politique.
Une chose est certaine : un dramaturge de sa trempe ne pourrait passer à côté d’un personnage en or tel que Silvio Berlusconi, affairiste mafieux entré en politique pour ne pas entrer en prison, et aujourd’hui emberlificoté, au beau milieu d’un troisième mandat qui vire à la catastrophe, dans un vaudeville salace qui déroule sa trame à tiroirs sur fond de déliquescence des institutions. Quoi de plus théâtral qu’un héros qui refuse de quitter la scène alors qu’elle s’écroule sous ses pieds ? Tous les éléments sont là pour composer le plus baroque des opéras bouffes.
Commençons par les personnages. Au centre, l’impérial Silvio B., sordide nabot au lifting menaçant de céder à tout moment, au rictus en céramique laquée, aux implants capillaires soulignés au feutre noir, boudiné dans son autosuffisance et s’obstinant à régner sur une cour toujours plus clairsemée. À ses côtés, au pied du trône, l’inévitable bouffon : Umberto Bossi, défiguré par les séquelles d’un AVC, incarnant à merveille une Ligue du Nord moitié identitaire, moitié moussaka, désormais écartelée entre son sécessionnisme affiché et son soutien indéfectible à l’empereur qui lui assure le gîte politique.
Et puis, pivot de la dramaturgie, toute la troupe des "papi girls", escortes professionnelles et amatrices, bimbos télévisuelles, lolitas plus ou moins assumées, ex-assistantes dentaires bombardées conseillères régionales… Avec, en guise de meneuses de revue, les deux stars : Ruby "bunga-bunga", fausse nièce de Moubarak mais vraie sulfureuse, et la nouvelle favorite, Katarina Knezevic, mannequin de vingt ans promue "fiancée" officielle, dont la grande sœur aurait des liens avec la mafia monténégrine et ferait chanter le Cavaliere… Sans oublier Monsieur Loyal, incarné par l’entrepreneur-maquereau "Giampi" Tarantino, fournisseur de bambine, avide d’argent comptant et de marchés publics ouverts.
Pas plus de soucis pour les décors. La villa sarde, avec son port à yachts géants, son volcan artificiel, son faux théâtre romain et son lit à baldaquin monumental - offert par Vladimir Poutine - qui a vu les ébats bouillants de Silvio B. et de l’escorte Patrizia d’Addario, offre le cadre idéal pour un opéra kitsch grandiose.
Quant à l’intrigue, là encore, il suffit de se laisser porter et de suivre le fil des scandales, sexuels ou pas, des enquêtes judiciaires, des lois de convenance personnelle, des psychodrames gouvernementaux et parlementaires, des pantalonnades intérieures et internationales, en piochant à l’envi dans la réserve sans fonds de magouilles, corruptions et malversations diverses, et en prenant soin de ponctuer régulièrement le récit, en guise de respiration, des incontournables soirées "bunga-bunga". Le tout jusqu’au grand air final, "Je me tire de ce pays de merde", entonné par le boss en personne.
"La vie est une comédie italienne", clame Guy Bedos. Ce qui est sûr, c’est que la vie italienne sous Berlusconi est une tragi-comédie au potentiel théâtral formidable. Texte de Brecht, livret de Francis Lopez, production Théâtre des Deux boules.
* Prononcer à l’italienne : "Bi".
Photo : "La Résistible Ascension d'Arturo Ui" de Bertolt Brecht © West Texas A&M University.
Pas plus de soucis pour les décors. La villa sarde, avec son port à yachts géants, son volcan artificiel, son faux théâtre romain et son lit à baldaquin monumental - offert par Vladimir Poutine - qui a vu les ébats bouillants de Silvio B. et de l’escorte Patrizia d’Addario, offre le cadre idéal pour un opéra kitsch grandiose.
Quant à l’intrigue, là encore, il suffit de se laisser porter et de suivre le fil des scandales, sexuels ou pas, des enquêtes judiciaires, des lois de convenance personnelle, des psychodrames gouvernementaux et parlementaires, des pantalonnades intérieures et internationales, en piochant à l’envi dans la réserve sans fonds de magouilles, corruptions et malversations diverses, et en prenant soin de ponctuer régulièrement le récit, en guise de respiration, des incontournables soirées "bunga-bunga". Le tout jusqu’au grand air final, "Je me tire de ce pays de merde", entonné par le boss en personne.
"La vie est une comédie italienne", clame Guy Bedos. Ce qui est sûr, c’est que la vie italienne sous Berlusconi est une tragi-comédie au potentiel théâtral formidable. Texte de Brecht, livret de Francis Lopez, production Théâtre des Deux boules.
* Prononcer à l’italienne : "Bi".
Photo : "La Résistible Ascension d'Arturo Ui" de Bertolt Brecht © West Texas A&M University.