La Revue du Spectacle, le magazine des arts de la scène et du spectacle vivant. Infos théâtre, chanson, café-théâtre, cirque, arts de la rue, agenda, CD, etc.



Augmenter la taille du texte
Diminuer la taille du texte
Partager
Paroles & Musique

"Al Atlal, chant pour ma mère"… Raconter les ruines, celles d’un amour, d’un pays…

S’articulant autour de la chanson "Al-Atlal" (Les ruines) d’Oum Kalsoum, cette création de la comédienne Norah Krief, chantée et parlée, rend hommage à celle que l'on surnommait "l'Astre d'Orient" tout en évoquant l’exil de ses propres parents tunisiens vers la banlieue parisienne et ce qui peut être ressenti en général par chaque enfant d’immigrés.



© Jean-Louis Fernandez.
© Jean-Louis Fernandez.
Je revoyais ma mère concasser au mortier son café, le moudre fin comme de la farine me disait-elle, le mettre dans sa zazoua sur le feu doux du kanoun, ajouter une goutte d’eau de fleur d’oranger, tout ça dans notre jardin de banlieue parisienne. Elle restait concentrée, surveillant avec vigilance le frémissement du café qui dégageait un arôme de noisette grillée. Et c’était long, ça bouillait lentement, elle retirait, et remettait la zazoua sur le feu tout en écoutant Oum Kalsoum sur le tourne-disque de la maison. Nora Krief.

"Al-Atlal", ce long poème d'Ibrahim Nagi - qui raconte les vestiges d'un amour et le rêve d'un pays perdu - est l'un des plus symboliques, des plus forts du répertoire d'Oum Kalsoum. Celui-ci est écrit au présent, son adresse est directe et active et revendique la liberté. Lorsqu'elle le chante devant le peuple égyptien, elle invite les femmes à ôter le voile, ce qu'elle fera dans la majorité de ses récitals. Oum Kalthoum devient rapidement un symbole de l’Égypte moderne et un symbole d’émancipation pour les femmes arabes.

Si elle reste très religieuse tout au long de sa vie, elle revendique sa féminité, revêtant des robes non traditionnelles. Dans les années cinquante et soixante, c’est une femme non voilée qui fait l’unanimité de Rabat à Bagdad, tant auprès des femmes que des hommes.

© Jean-Louis Fernandez.
© Jean-Louis Fernandez.
Pour ce projet créé au printemps 2017 au festival Passages à Metz et au festival Ambivalence(s) à Valence, Norah Krief a confié la direction musicale à Frédéric Fresson, pianiste et compositeur, avec qui elle travaille depuis des années (notamment pour le spectacle "Les Sonnets" de Shakespeare). La musique de ce poème est interprétée par des musiciens multi-instrumentistes. Ces musiciens sont des guides menant à la découverte des mélopées et des phrasées musicaux orientaux : notamment Lucien Zerrad, musicien et producteur aimant croiser les musiques du monde ; et Mohanad Aljaramani, oudiste et percussionniste, cofondateur du célèbre trio Bab Assalam (La Porte de la Paix).

Lorsque j'ai écouté pour la première fois "Al-Atlal", j’ai eu un choc. J’ai entendu le secret de mes parents dans les paroles d’Oum Kalsoum qui racontent les ruines, celles d’un amour, d’un pays… Une partie du texte dit : "rends-moi ma liberté, défais mes liens, j’ai tout donné, il ne me reste plus rien". C’est une histoire de déchirement, ce déchirement que j’ai en moi, mais ce n’est pourtant pas mon exil, c’est celui de mes parents et je l’ai ressenti dans mon enfance. À partir de ces "ruines", j’ai donc décidé de raconter l’histoire de mon enfance, comme celles des enfances de tout le monde. Norah Krief.

"Al Atlal, chant pour ma mère"

© Jean-Louis Fernandez.
© Jean-Louis Fernandez.
Une création de Norah Krief.
D'après le poème d'Ibrahim Nagi chanté par Oum Kalsoum sur une musique de Riad Al Sunbati en 1966.
Avec Norah Krief, Antonin Fresson, Lucien Zerrad et Mohanad Aljaramani.
Écriture et dramaturgie : Norah Krief et Frédéric Fresson.
Création musicale : Frédéric Fresson, Lucien Zerrad et Mohanad Aljaramani.
Collaboration artistique : Charlotte Farcet.
Traduction : Khaled Osman.
Regard extérieur : Éric Lacascade.
Création lumière : Jean-Jacques Beaudouin.
Scénographie et costumes Magali Murbach.
Création son Olivier Gascoin avec Yohann Gabillard.
Création vidéo Jérémie Scheidler.
Collaboration live et machines Dume Poutet aka (Otisto 23).
Coaching chant oriental Dorsaf Hamdani.
Régie générale Gilbert Morel.

Vendredi 9 mars 2018.
À 20 h.
Auditorium, Institut du Monde Arabe, 01 40 51 38 14.
À l'occasion de la Journée internationale du droit des femmes.
>> imarabe.org

Tournée
4 au 6 avril 2018 : Comédie de Béthune - CDN, Béthune (62).
13 avril 2018 : Théâtre Sorano, Toulouse (31).

Gil Chauveau
Lundi 5 Mars 2018

Nouveau commentaire :

Théâtre | Danse | Concerts & Lyrique | À l'affiche | À l'affiche bis | Cirque & Rue | Humour | Festivals | Pitchouns | Paroles & Musique | Avignon 2017 | Avignon 2018 | Avignon 2019 | CédéDévédé | Trib'Une | RV du Jour | Pièce du boucher | Coulisses & Cie | Coin de l’œil | Archives | Avignon 2021 | Avignon 2022 | Avignon 2023 | Avignon 2024 | À l'affiche ter




Numéros Papier

Anciens Numéros de La Revue du Spectacle (10)

Vente des numéros "Collectors" de La Revue du Spectacle.
10 euros l'exemplaire, frais de port compris.






À Découvrir

"La Chute" Une adaptation réussie portée par un jeu d'une force organique hors du commun

Dans un bar à matelots d'Amsterdam, le Mexico-City, un homme interpelle un autre homme.
Une longue conversation s'initie entre eux. Jean-Baptiste Clamence, le narrateur, exerçant dans ce bar l'intriguant métier de juge-pénitent, fait lui-même les questions et les réponses face à son interlocuteur muet.

© Philippe Hanula.
Il commence alors à lever le voile sur son passé glorieux et sa vie d'avocat parisien. Une vie réussie et brillante, jusqu'au jour où il croise une jeune femme sur le pont Royal à Paris, et qu'elle se jette dans la Seine juste après son passage. Il ne fera rien pour tenter de la sauver. Dès lors, Clamence commence sa "chute" et finit par se remémorer les événements noirs de son passé.

Il en est ainsi à chaque fois que nous prévoyons d'assister à une adaptation d'une œuvre d'Albert Camus : un frémissement d'incertitude et la crainte bien tangible d'être déçue nous titillent systématiquement. Car nous portons l'auteur en question au pinacle, tout comme Jacques Galaud, l'enseignant-initiateur bien inspiré auprès du comédien auquel, il a proposé, un jour, cette adaptation.

Pas de raison particulière pour que, cette fois-ci, il en eût été autrement… D'autant plus qu'à nos yeux, ce roman de Camus recèle en lui bien des considérations qui nous sont propres depuis toujours : le moi, la conscience, le sens de la vie, l'absurdité de cette dernière, la solitude, la culpabilité. Entre autres.

Brigitte Corrigou
09/10/2024
Spectacle à la Une

"Dub" Unité et harmonie dans la différence !

La dernière création d'Amala Dianor nous plonge dans l'univers du Dub. Au travers de différents tableaux, le chorégraphe manie avec rythme et subtilité les multiples visages du 6ᵉ art dans lequel il bâtit un puzzle artistique où ce qui lie l'ensemble est une gestuelle en opposition de styles, à la fois virevoltante et hachée, qu'ondulante et courbe.

© Pierre Gondard.
En arrière-scène, dans une lumière un peu sombre, la scénographie laisse découvrir sept grands carrés vides disposés les uns sur les autres. Celui situé en bas et au centre dessine une entrée. L'ensemble représente ainsi une maison, grande demeure avec ses pièces vides.

Devant cette scénographie, onze danseurs investissent les planches à tour de rôle, chacun y apportant sa griffe, sa marque par le style de danse qu'il incarne, comme à l'image du Dub, genre musical issu du reggae jamaïcain dont l'origine est due à une erreur de gravure de disque de l'ingénieur du son Osbourne Ruddock, alias King Tubby, en mettant du reggae en version instrumentale. En 1967, en Jamaïque, le disc-jockey Rudy Redwood va le diffuser dans un dance floor. Le succès est immédiat.

L'apogée du Dub a eu lieu dans les années soixante-dix jusqu'au milieu des années quatre-vingt. Les codes ont changé depuis, le mariage d'une hétérogénéité de tendances musicales est, depuis de nombreuses années, devenu courant. Le Dub met en exergue le couple rythmique basse et batterie en lui incorporant des effets sonores. Awir Leon, situé côté jardin derrière sa table de mixage, est aux commandes.

Safidin Alouache
17/12/2024
Spectacle à la Une

"R.O.B.I.N." Un spectacle jeune public intelligent et porteur de sens

Le trio d'auteurs, Clémence Barbier, Paul Moulin, Maïa Sandoz, s'emparent du mythique Robin des Bois avec une totale liberté. L'histoire ne se situe plus dans un passé lointain fait de combats de flèches et d'épées, mais dans une réalité explicitement beaucoup plus proche de nous : une ville moderne, sécuritaire. Dans cette adaptation destinée au jeune public, Robin est un enfant vivant pauvrement avec sa mère et sa sœur dans une sorte de cité tenue d'une main de fer par un être sans scrupules, richissime et profiteur.

© DR.
C'est l'injustice sociale que les auteurs et la metteure en scène Maïa Sandoz veulent mettre au premier plan des thèmes abordés. Notre époque, qui veut que les riches soient de plus en plus riches et les pauvres de plus pauvres, sert de caisse de résonance extrêmement puissante à cette intention. Rien n'étonne, en fait, lorsque la mère de Robin et de sa sœur, Christabelle, est jetée en prison pour avoir volé un peu de nourriture dans un supermarché pour nourrir ses enfants suite à la perte de son emploi et la disparition du père. Une histoire presque banale dans notre monde, mais un acte que le bon sens répugne à condamner, tandis que les lois économiques et politiques condamnent sans aucune conscience.

Le spectacle s'adresse au sens inné de la justice que portent en eux les enfants pour, en partant de cette situation aux allures tristement documentaires et réalistes, les emporter vers une fiction porteuse d'espoir, de rires et de rêves. Les enfants Robin et Christabelle échappent aux services sociaux d'aide à l'enfance pour s'introduire dans la forêt interdite et commencer une vie affranchie des règles injustes de la cité et de leur maître, quitte à risquer les foudres de la justice.

Bruno Fougniès
13/12/2024