La Revue du Spectacle, le magazine des arts de la scène et du spectacle vivant. Infos théâtre, chanson, café-théâtre, cirque, arts de la rue, agenda, CD, etc.



Augmenter la taille du texte
Diminuer la taille du texte
Partager
Théâtre

Il était une fois dans l'ouest... Shakespeare !

"Beaucoup de bruit pour rien", Théâtre Le Ranelagh, Paris

Comment faire découvrir et apprécier Shakespeare de manière ludique aux ados ? C'est l'un des paris "involontairement" réussi par Vincent Caire et Gaël Colin, les metteurs en scène de "Beaucoup de bruit pour rien".*



© Florence Barnaud.
© Florence Barnaud.
Pour cela, prenez une des meilleurs comédies de William, bien dosée en situations burlesques, en bons mots d'esprit populaires, en tirades à tiroirs et en tensions amoureuses, ajoutez-s'y un peu de musique façon Ennio Morricone, une transposition dans le Far West de l'après guerre de Sécession et une équipe de comédiens "copains comme cochons" qui, visiblement, s'en donnent à cœur joie pour interpréter cette farce mélo... et le tour est joué !

Tout de suite, l'ambiance est posée avec un décor de saloon et l'arrivée par la salle de Don Pedro, Claudio, Bénédick, de retour de la guerre... de Sécession. Ils seront les Yankees alors que le fourbe Don John, un sudiste. Sans abandonner la richesse et le rythme de la langue shakespearienne, tout s'enchaine comme dans un bon Western Spaghetti. De la petite fête où tous se déguisent en danseuses de revue au pastiche d'une bagarre de saloon, on s'attend presque à voir entrer Lucky Luke ou Terence Hill et Bud Spencer. Histoire d'ajouter un petit touche "façon Sergio Leone", les arrivées de Don John sont ponctuées des premières notes du thème mythique de "Il était une fois dans l'Ouest" (référence du western spaghetti sorti en 1968) et de la posture caricaturale adéquate.

© Florence Barnaud.
© Florence Barnaud.
Mais si le comique de la pièce est remarquablement retranscrit, l'intensité dramatique de la pièce est préservée. Les ruptures sont d'ailleurs terriblement efficaces et nous rappelle que nous sommes bien dans une pièce de Shakespeare. C'est là véritablement que se trouve la réussite de l'adaptation et de la mise en scène, et l'efficacité du jeu énergique de l'ensemble des comédiens. Car, à aucun moment, ils ne tombent dans la facilité et si le rythme est soutenu, voire "enlevé" (certaines scènes ont été raccourcis et certains personnages ont "disparus"), c'est toujours au service du verbe shakespearien, phrases à double sens et jeux de mots compris. Les comédiens, dont on apprécie la réelle complicité (ils se connaissent depuis treize ans), savent doser cette énergie qui les fait passer sans sourciller du burlesque à l'émotion dramatique. On noter d'ailleurs la prestation comique convaincante de Gaël Colin (Bénédick) et Tiphaine Vaur (Béatrice) qui vont aller crescendo d'acides échanges verbaux à de plus délicats penchants amoureux.

Vincent Caire, Gaël Colin et leurs acolytes prouvent avec talent et ingéniosité que l'écriture de Shakespeare est intemporelle et qu'un peu d'imagination peut la rendre accessible et ludique à tous, de 7 ans à 77 ans !

* Involontairement car cela n'était pas à priori leur intention de départ. Mais dans une salle composée à 50 % de lycéens, nous avons pu constater que le charme avait opéré et l'ensemble du public repartait conquis.

Cette pièce de Shakespeare fut adaptée et réalisée au cinéma par Kenneth Branagh en 1993 sous le titre original anglais "Much Ado about Nothing".

"Beaucoup de bruit pour rien"

© Florence Barnaud.
© Florence Barnaud.
Spectacle vu à la création en octobre 2010.
Comédie de William Shakespeare.
Adaptation et mise en scène : Vincent Caire et Gaël Colin.
Avec : Auguste Bruneau, Vincent Caire, Damien Coden, Gaël Colin, Cédric Miele, Mathilde Puget, Alexandre Tourneur et Tiphaine Vaur.
Lumières : Marc Gingold.
Costumes : Corinne Rossi.
Décor et accessoires : Caroline Rossignol.

Du 9 janvier au 3 février 2013.
Du mercredi au samedi à 19 h, dimanche à 15 h.
Théâtre Le Ranelagh, Paris 16e, 01 42 88 64 44.
>> theatre-ranelagh.com

Gil Chauveau
Mardi 8 Janvier 2013

Nouveau commentaire :

Théâtre | Danse | Concerts & Lyrique | À l'affiche | À l'affiche bis | Cirque & Rue | Humour | Festivals | Pitchouns | Paroles & Musique | Avignon 2017 | Avignon 2018 | Avignon 2019 | CédéDévédé | Trib'Une | RV du Jour | Pièce du boucher | Coulisses & Cie | Coin de l’œil | Archives | Avignon 2021 | Avignon 2022 | Avignon 2023 | Avignon 2024 | À l'affiche ter





Numéros Papier

Anciens Numéros de La Revue du Spectacle (10)

Vente des numéros "Collectors" de La Revue du Spectacle.
10 euros l'exemplaire, frais de port compris.






À Découvrir

•Off 2024• "Mon Petit Grand Frère" Récit salvateur d'un enfant traumatisé au bénéfice du devenir apaisé de l'adulte qu'il est devenu

Comment dire l'indicible, comment formuler les vagues souvenirs, les incertaines sensations qui furent captés, partiellement mémorisés à la petite enfance. Accoucher de cette résurgence voilée, diffuse, d'un drame familial ayant eu lieu à l'âge de deux ans est le parcours théâtral, étonnamment réussie, que nous offre Miguel-Ange Sarmiento avec "Mon petit grand frère". Ce qui aurait pu paraître une psychanalyse impudique devient alors une parole salvatrice porteuse d'un écho libératoire pour nos propres histoires douloureuses.

© Ève Pinel.
9 mars 1971, un petit bonhomme, dans les premiers pas de sa vie, goûte aux derniers instants du ravissement juvénile de voir sa maman souriante, heureuse. Mais, dans peu de temps, la fenêtre du bonheur va se refermer. Le drame n'est pas loin et le bonheur fait ses valises. À ce moment-là, personne ne le sait encore, mais les affres du destin se sont mis en marche, et plus rien ne sera comme avant.

En préambule du malheur à venir, le texte, traversant en permanence le pont entre narration réaliste et phrasé poétique, nous conduit à la découverte du quotidien plein de joie et de tendresse du pitchoun qu'est Miguel-Ange. Jeux d'enfants faits de marelle, de dinette, de billes, et de couchers sur la musique de Nounours et de "bonne nuit les petits". L'enfant est affectueux. "Je suis un garçon raisonnable. Je fais attention à ma maman. Je suis un bon garçon." Le bonheur est simple, mais joyeux et empli de tendresse.

Puis, entre dans la narration la disparition du grand frère de trois ans son aîné. La mort n'ayant, on le sait, aucune morale et aucun scrupule à commettre ses actes, antinaturelles lorsqu'il s'agit d'ôter la vie à un bambin. L'accident est acté et deux gamins dans le bassin sont décédés, ceux-ci n'ayant pu être ramenés à la vie. Là, se révèle l'avant et l'après. Le bonheur s'est enfui et rien ne sera plus comme avant.

Gil Chauveau
14/06/2024
Spectacle à la Une

•Off 2024• Lou Casa "Barbara & Brel" À nouveau un souffle singulier et virtuose passe sur l'œuvre de Barbara et de Brel

Ils sont peu nombreux ceux qui ont une réelle vision d'interprétation d'œuvres d'artistes "monuments" tels Brel, Barbara, Brassens, Piaf et bien d'autres. Lou Casa fait partie de ces rares virtuoses qui arrivent à imprimer leur signature sans effacer le filigrane du monstre sacré interprété. Après une relecture lumineuse en 2016 de quelques chansons de Barbara, voici le profond et solaire "Barbara & Brel".

© Betül Balkan.
Comme dans son précédent opus "À ce jour" (consacré à Barbara), Marc Casa est habité par ses choix, donnant un souffle original et unique à chaque titre choisi. Évitant musicalement l'écueil des orchestrations "datées" en optant systématiquement pour des sonorités contemporaines, chaque chanson est synonyme d'une grande richesse et variété instrumentales. Le timbre de la voix est prenant et fait montre à chaque fois d'une émouvante et artistique sincérité.

On retrouve dans cet album une réelle intensité pour chaque interprétation, une profondeur dans la tessiture, dans les tonalités exprimées dont on sent qu'elles puisent tant dans l'âme créatrice des illustres auteurs que dans les recoins intimes, les chemins de vie personnelle de Marc Casa, pour y mettre, dans une manière discrète et maîtrisée, emplie de sincérité, un peu de sa propre histoire.

"Nous mettons en écho des chansons de Barbara et Brel qui ont abordé les mêmes thèmes mais de manières différentes. L'idée est juste d'utiliser leur matière, leur art, tout en gardant une distance, en s'affranchissant de ce qu'ils sont, de ce qu'ils représentent aujourd'hui dans la culture populaire, dans la culture en général… qui est énorme !"

Gil Chauveau
19/06/2024
Spectacle à la Une

•Off 2024• "Un Chapeau de paille d'Italie" Une version singulière et explosive interrogeant nos libertés individuelles…

… face aux normalisations sociétales et idéologiques

Si l'art de générer des productions enthousiastes et inventives est incontestablement dans l'ADN de la compagnie L'Éternel Été, l'engagement citoyen fait aussi partie de la démarche créative de ses membres. La présente proposition ne déroge pas à la règle. Ainsi, Emmanuel Besnault et Benoît Gruel nous offrent une version décoiffante, vive, presque juvénile, mais diablement ancrée dans les problématiques actuelles, du "Chapeau de paille d'Italie"… pièce d'Eugène Labiche, véritable référence du vaudeville.

© Philippe Hanula.
L'argument, simple, n'en reste pas moins source de quiproquos, de riantes ficelles propres à la comédie et d'une bonne dose de situations grotesques, burlesques, voire absurdes. À l'aube d'un mariage des plus prometteurs avec la très florale Hélène – née sans doute dans les roses… ornant les pépinières parentales –, le fringant Fadinard se lance dans une quête effrénée pour récupérer un chapeau de paille d'Italie… Pour remplacer celui croqué – en guise de petit-déj ! – par un membre de la gent équestre, moteur exclusif de son hippomobile, ci-devant fiacre. À noter que le chapeau alimentaire appartenait à une belle – porteuse d'une alliance – en rendez-vous coupable avec un soldat, sans doute Apollon à ses heures perdues.

N'ayant pas vocation à pérenniser toute forme d'adaptation académique, nos deux metteurs en scène vont imaginer que cette histoire absurde est un songe, le songe d'une nuit… niché au creux du voyage ensommeillé de l'aimable Fadinard. Accrochez-vous à votre oreiller ! La pièce la plus célèbre de Labiche se transforme en une nouvelle comédie explosive, électro-onirique ! Comme un rêve habité de nounours dans un sommeil moelleux peuplé d'êtres extravagants en doudounes orange.

Gil Chauveau
26/03/2024