La Revue du Spectacle, le magazine des arts de la scène et du spectacle vivant. Infos théâtre, chanson, café-théâtre, cirque, arts de la rue, agenda, CD, etc.



Augmenter la taille du texte
Diminuer la taille du texte
Partager
Théâtre

"Animal(s)"... Lien entre vaudeville, burlesques du cinéma muet et branquignols

En mettant en scène deux courtes pièces d'Eugène Labiche, "La Dame au petit chien" et "Un Mouton à l'entresol", Jean Boillot fait coup double. D'une part il fait (encore) découvrir un auteur pourtant célèbre... Et finalement peu connu parce que son œuvre est d'une certaine manière trop prolifique. D'autre part, il donne un spectacle qui, sans excès de langage, est véritablement jubilatoire.



© Arthur Pequin.
© Arthur Pequin.
Labiche est un observateur joyeux, cynique et amoral de la bourgeoisie du XIXe siècle et de ses mœurs. Dans sa folie d'écriture, plutôt que s'appuyer sur les conventions, plutôt que de les démonter, il sait les montrer dans leur élaboration nécessaire pour que soit visible le théâtre social. Ce qui est absolue provocation. Dans la danse des maîtres et des serviteurs, il fait ressortir les trios des époux, des amants et des maîtresses, en dégage des carrés pleins d'énergie, de cupidité et de bêtise rouée.

Dans "Animal(s)", le spectateur reste médusé. Il voit comment un artiste impécunieux et insolvable fait le coucou chez son propriétaire et l'amène à devenir son mécène tout en faisant de son épouse sa muse, sa maîtresse. Comment des serviteurs totalement pervers et corrompus doivent passer par la convention du mariage pour conserver le plaisir des amours ancillaires.

Ce faisant, sur une scène volontairement encombrée, se construit un théâtre tout en action, rebondissements, apartés, jeux de mots et jeux de scènes. Ce n'est pas tant la démolition du théâtre à laquelle on assiste mais à la mise à nu de la machine théâtrale. Spectaculaire, vive, rythmée. Une forme de mariée qui se retrouverait célibataire le temps d'un quadrille…

© Arthur Pequin.
© Arthur Pequin.
Le spectateur face à des acteurs saltimbanques, des comédiens voltigeurs qui, virtuoses de l'évitement de chutes, intègrent le risque pour mieux rebondir, comprend ce que signifie vraiment l'expression grimper aux rideaux, tomber la veste et autres courantes et imagées. Éprouve comme un vertige, mesure en y succombant le vertige d'un comique dévastateur.

Profondément ancré dans la tradition de la farce, "Animal(s)" fait le lien entre le (vrai) vaudeville, les burlesques du cinéma muet et les branquignols. Rafraîchissant et régénérant, ce spectacle est un plaisir qu'il ne faut pas bouder.

"Animal(s)"

© Arthur Pequin.
© Arthur Pequin.
Deux pièces zoologiques en un acte : "La Dame au petit chien" et "Un Mouton à l'entresol".
Textes : Eugène Labiche.
Mise en scène : Jean Boillot.
Musique : Jonathan Pontier.
Dramaturgie : Olivier Chapuis.
Scénographie : Laurence Villerot.
Lumières : Ivan Mathis.
Collaboration : Karine Ponties.
Avec : Guillaume Faiotte, Philippe Lardaud, David Maisse, Agnès Pontier et Isabelle Ronayette.
Création Production NEST - CDN de Thionville-Lorraine.
Durée : 1 h 58.

10 et 11 avril 2015 : Théâtre Jean-Vilar, Vitry-sur-Seine (94).
21 mai 2015 : Centre des bords de Marne, Le Perreux-sur-Marne (94).
27 au 29 mai 2015 : Théâtre de Sartrouville et des Yvelines - CDN, Sartrouville (78).

Jean Grapin
Jeudi 9 Avril 2015

Nouveau commentaire :

Théâtre | Danse | Concerts & Lyrique | À l'affiche | À l'affiche bis | Cirque & Rue | Humour | Festivals | Pitchouns | Paroles & Musique | Avignon 2017 | Avignon 2018 | Avignon 2019 | CédéDévédé | Trib'Une | RV du Jour | Pièce du boucher | Coulisses & Cie | Coin de l’œil | Archives | Avignon 2021 | Avignon 2022 | Avignon 2023 | Avignon 2024 | À l'affiche ter





Numéros Papier

Anciens Numéros de La Revue du Spectacle (10)

Vente des numéros "Collectors" de La Revue du Spectacle.
10 euros l'exemplaire, frais de port compris.






À Découvrir

•Off 2024• "Mon Petit Grand Frère" Récit salvateur d'un enfant traumatisé au bénéfice du devenir apaisé de l'adulte qu'il est devenu

Comment dire l'indicible, comment formuler les vagues souvenirs, les incertaines sensations qui furent captés, partiellement mémorisés à la petite enfance. Accoucher de cette résurgence voilée, diffuse, d'un drame familial ayant eu lieu à l'âge de deux ans est le parcours théâtral, étonnamment réussie, que nous offre Miguel-Ange Sarmiento avec "Mon petit grand frère". Ce qui aurait pu paraître une psychanalyse impudique devient alors une parole salvatrice porteuse d'un écho libératoire pour nos propres histoires douloureuses.

© Ève Pinel.
9 mars 1971, un petit bonhomme, dans les premiers pas de sa vie, goûte aux derniers instants du ravissement juvénile de voir sa maman souriante, heureuse. Mais, dans peu de temps, la fenêtre du bonheur va se refermer. Le drame n'est pas loin et le bonheur fait ses valises. À ce moment-là, personne ne le sait encore, mais les affres du destin se sont mis en marche, et plus rien ne sera comme avant.

En préambule du malheur à venir, le texte, traversant en permanence le pont entre narration réaliste et phrasé poétique, nous conduit à la découverte du quotidien plein de joie et de tendresse du pitchoun qu'est Miguel-Ange. Jeux d'enfants faits de marelle, de dinette, de billes, et de couchers sur la musique de Nounours et de "bonne nuit les petits". L'enfant est affectueux. "Je suis un garçon raisonnable. Je fais attention à ma maman. Je suis un bon garçon." Le bonheur est simple, mais joyeux et empli de tendresse.

Puis, entre dans la narration la disparition du grand frère de trois ans son aîné. La mort n'ayant, on le sait, aucune morale et aucun scrupule à commettre ses actes, antinaturelles lorsqu'il s'agit d'ôter la vie à un bambin. L'accident est acté et deux gamins dans le bassin sont décédés, ceux-ci n'ayant pu être ramenés à la vie. Là, se révèle l'avant et l'après. Le bonheur s'est enfui et rien ne sera plus comme avant.

Gil Chauveau
14/06/2024
Spectacle à la Une

•Off 2024• Lou Casa "Barbara & Brel" À nouveau un souffle singulier et virtuose passe sur l'œuvre de Barbara et de Brel

Ils sont peu nombreux ceux qui ont une réelle vision d'interprétation d'œuvres d'artistes "monuments" tels Brel, Barbara, Brassens, Piaf et bien d'autres. Lou Casa fait partie de ces rares virtuoses qui arrivent à imprimer leur signature sans effacer le filigrane du monstre sacré interprété. Après une relecture lumineuse en 2016 de quelques chansons de Barbara, voici le profond et solaire "Barbara & Brel".

© Betül Balkan.
Comme dans son précédent opus "À ce jour" (consacré à Barbara), Marc Casa est habité par ses choix, donnant un souffle original et unique à chaque titre choisi. Évitant musicalement l'écueil des orchestrations "datées" en optant systématiquement pour des sonorités contemporaines, chaque chanson est synonyme d'une grande richesse et variété instrumentales. Le timbre de la voix est prenant et fait montre à chaque fois d'une émouvante et artistique sincérité.

On retrouve dans cet album une réelle intensité pour chaque interprétation, une profondeur dans la tessiture, dans les tonalités exprimées dont on sent qu'elles puisent tant dans l'âme créatrice des illustres auteurs que dans les recoins intimes, les chemins de vie personnelle de Marc Casa, pour y mettre, dans une manière discrète et maîtrisée, emplie de sincérité, un peu de sa propre histoire.

"Nous mettons en écho des chansons de Barbara et Brel qui ont abordé les mêmes thèmes mais de manières différentes. L'idée est juste d'utiliser leur matière, leur art, tout en gardant une distance, en s'affranchissant de ce qu'ils sont, de ce qu'ils représentent aujourd'hui dans la culture populaire, dans la culture en général… qui est énorme !"

Gil Chauveau
19/06/2024
Spectacle à la Une

•Off 2024• "Un Chapeau de paille d'Italie" Une version singulière et explosive interrogeant nos libertés individuelles…

… face aux normalisations sociétales et idéologiques

Si l'art de générer des productions enthousiastes et inventives est incontestablement dans l'ADN de la compagnie L'Éternel Été, l'engagement citoyen fait aussi partie de la démarche créative de ses membres. La présente proposition ne déroge pas à la règle. Ainsi, Emmanuel Besnault et Benoît Gruel nous offrent une version décoiffante, vive, presque juvénile, mais diablement ancrée dans les problématiques actuelles, du "Chapeau de paille d'Italie"… pièce d'Eugène Labiche, véritable référence du vaudeville.

© Philippe Hanula.
L'argument, simple, n'en reste pas moins source de quiproquos, de riantes ficelles propres à la comédie et d'une bonne dose de situations grotesques, burlesques, voire absurdes. À l'aube d'un mariage des plus prometteurs avec la très florale Hélène – née sans doute dans les roses… ornant les pépinières parentales –, le fringant Fadinard se lance dans une quête effrénée pour récupérer un chapeau de paille d'Italie… Pour remplacer celui croqué – en guise de petit-déj ! – par un membre de la gent équestre, moteur exclusif de son hippomobile, ci-devant fiacre. À noter que le chapeau alimentaire appartenait à une belle – porteuse d'une alliance – en rendez-vous coupable avec un soldat, sans doute Apollon à ses heures perdues.

N'ayant pas vocation à pérenniser toute forme d'adaptation académique, nos deux metteurs en scène vont imaginer que cette histoire absurde est un songe, le songe d'une nuit… niché au creux du voyage ensommeillé de l'aimable Fadinard. Accrochez-vous à votre oreiller ! La pièce la plus célèbre de Labiche se transforme en une nouvelle comédie explosive, électro-onirique ! Comme un rêve habité de nounours dans un sommeil moelleux peuplé d'êtres extravagants en doudounes orange.

Gil Chauveau
26/03/2024