Lumière tamisée sur une scénographie sombre. Deux personnages sortent sans bruit d'une semi-obscurité. Le silence accompagne les premiers déplacements. Une voix off démarre, celle de Lounia (Majida Ghomari). La poésie s'empare du plateau. Tout ne sera que prose poétique dans cette incarnation. La dramaturgie dans les répliques est d'un autre crayon, plus direct, sans enjolivure, avec un goût de goudron et de plage. Celui de la marche, de l'odyssée, de la route qui a fait débarquer Assia (Asmaa Samlali) chez Houda (Louise Belmas) par le biais non volontaire de Max (Gaëlle Clérivet).
Lounia est une figure invisible et présente pour paraphraser Victor Hugo (1802-1885). Elle est cette voix d'outre-tombe qui a rejoint la Méditerranée juste après sa mort dans une volonté funéraire. À travers elle, c'est un dialogue qui s'installe entre les mondes du vivant et de l'au-delà, de la terre et de la mer, voire d'une mère à sa fille et d'une ancêtre à sa descendance. Dans ses différentes figures, c'est aussi celle des profondeurs de la mer que l'on entend, en écho à ceux qui la traversent lors d'un exil souvent douloureux, tragique, de personnes venues "d'un pays sans pays".
Lounia est une figure invisible et présente pour paraphraser Victor Hugo (1802-1885). Elle est cette voix d'outre-tombe qui a rejoint la Méditerranée juste après sa mort dans une volonté funéraire. À travers elle, c'est un dialogue qui s'installe entre les mondes du vivant et de l'au-delà, de la terre et de la mer, voire d'une mère à sa fille et d'une ancêtre à sa descendance. Dans ses différentes figures, c'est aussi celle des profondeurs de la mer que l'on entend, en écho à ceux qui la traversent lors d'un exil souvent douloureux, tragique, de personnes venues "d'un pays sans pays".
Anaïs Allais Benbouali, l'autrice et metteure en scène, s'est inspirée de ce qu'elle a vécu, en travaillant aussi avec ses comédiennes sur le texte. Elle poursuit la démarche qu'elle avait entreprise dans son spectacle "Au milieu de l'hiver, j'ai découvert en moi un invincible été" (2018) qu'elle avait présenté à la Colline, pièce où la jeune Lilas renouait avec ses racines algériennes.
Ici, ce sont trois femmes que rien ne présageait à se rencontrer. Le hasard n'est jamais hasard dans une dramaturgie qui sait rendre écho même de tout signal faible. Sauf que dans la création d'Anaïs Allais Benbouali, il en est la trame, l'axe, l'ossature qui s'invite dans le quotidien de personnes de différents horizons autant géographiques, sociaux que culturels. Ces différences concernent une distance géographique proche, entre Max et Houda, et distante pour Assia avec la Méditerranée comme frontière.
La voix de Lounia nous invite vers un au-delà qui donne à la pièce une dimension autre, celle d'un conte qui peut autant se réfléchir, se lire, se regarder que se voir. La vidéo accompagne d'ailleurs certains tableaux, dont le dernier avec une jolie musique de Julie Roué. Ce sont aussi, au travers de ces protagonistes de chair et d'os, trois autres personnages qui nourrissent la trame de cette pièce, à savoir la Mort, la Rencontre et la Solidarité. Ces entités, à tour de rôle, impriment sur la fable un point de vue où, à l'inverse du vaudeville, la porte s'ouvre pour ne pas se refermer. Ou si peu. Elle s'ouvre à un moment pour faire revenir Max sur son ancien lieu d'habitation. Elle s'ouvre aussi pour faire entrer Houda dans sa nouvelle demeure et pour accueillir ensuite Assia.
Ici, ce sont trois femmes que rien ne présageait à se rencontrer. Le hasard n'est jamais hasard dans une dramaturgie qui sait rendre écho même de tout signal faible. Sauf que dans la création d'Anaïs Allais Benbouali, il en est la trame, l'axe, l'ossature qui s'invite dans le quotidien de personnes de différents horizons autant géographiques, sociaux que culturels. Ces différences concernent une distance géographique proche, entre Max et Houda, et distante pour Assia avec la Méditerranée comme frontière.
La voix de Lounia nous invite vers un au-delà qui donne à la pièce une dimension autre, celle d'un conte qui peut autant se réfléchir, se lire, se regarder que se voir. La vidéo accompagne d'ailleurs certains tableaux, dont le dernier avec une jolie musique de Julie Roué. Ce sont aussi, au travers de ces protagonistes de chair et d'os, trois autres personnages qui nourrissent la trame de cette pièce, à savoir la Mort, la Rencontre et la Solidarité. Ces entités, à tour de rôle, impriment sur la fable un point de vue où, à l'inverse du vaudeville, la porte s'ouvre pour ne pas se refermer. Ou si peu. Elle s'ouvre à un moment pour faire revenir Max sur son ancien lieu d'habitation. Elle s'ouvre aussi pour faire entrer Houda dans sa nouvelle demeure et pour accueillir ensuite Assia.
Il s'agit de quoi au démarrage ? D'une vente à Houda d'une maison que Max cède. Quelques vices de construction déclarés, selon l'ex-propriétaire, mais non vu, mettent celle-ci un peu en rogne. Des pluies s'abattent dans un séjour où l'on voit que le toit n'a pas fait ses bons offices. Elle se retrouve dans une situation délicate avec une demeure nouvellement achetée, mais protégeant peu. Ou pas. Dans ce rapport à l'autre de contraintes, l'obligation morale de Max d'être présente noue un dialogue entre elles deux. Dialogue difficile, parfois rêche et expéditif. N'est pas généreux qui veut.
Et il faut aujourd'hui un certain courage moral, civique et social dans une époque dure et mêlée qui condamne, en France, honteusement à la justice et aux extrémismes, ceux qui sont solidaires des "migrants", terme employé à mauvais escient pour des personnes vivant des situations autrement plus cruelles et sordides qu'une simple migration afin d'anesthésier toute forme de solidarité. Solidarité devenue délit quand, en Méditerranée, près de 9 000 personnes, depuis 2018, ont péri pour non-assistance à personne en danger dans un continent appelé Europe et dans un pays comme la France, qui a oublié ces dernières années d'être terre d'accueil, d'asile et des droits de l'homme.
Et il faut aujourd'hui un certain courage moral, civique et social dans une époque dure et mêlée qui condamne, en France, honteusement à la justice et aux extrémismes, ceux qui sont solidaires des "migrants", terme employé à mauvais escient pour des personnes vivant des situations autrement plus cruelles et sordides qu'une simple migration afin d'anesthésier toute forme de solidarité. Solidarité devenue délit quand, en Méditerranée, près de 9 000 personnes, depuis 2018, ont péri pour non-assistance à personne en danger dans un continent appelé Europe et dans un pays comme la France, qui a oublié ces dernières années d'être terre d'accueil, d'asile et des droits de l'homme.
Le temps de la pièce est celui du présent, du passé et d'un avenir que nos protagonistes espèrent à des degrés différents et dans une même optique, celui de changer de vie. Pour Max, il s'agit de refermer un pan de son histoire ; pour Houda, d'en ouvrir un nouveau ; pour Assia, de le fuir pour se construire un nouvel élan. De ces trois approches, c'est aussi celui d'un "passé qui ne passe pas" et qui est appréhendé dans ses douleurs qui ne se disent pas. Ou si peu. Ou de façon différente. Quand les deux premières sont portées par un petit brin d'espoir, pour la troisième, c'est l'espérance qui la guide.
Œuvre autant littéraire que théâtrale, le lien au langage est marqué par un vécu. Max est parfois prise d'un débit très soutenu et qui ne s'arrête pas comme pour déverser un trop-plein. À l'inverse, Houda a une élocution directe, concise et un peu à l'emporte-pièce. Elles deux sont dans un rapport à l'autre sans ambages quand, pour Assia, elle est la plus sereine et la plus calme, presque optimiste tout en vivant une situation difficile où elle a fui son pays, se retrouve seule, sans argent et prenant avec philosophie ce qui lui arrive. Quand le présent tape à la porte de chacune d'elles, celle-ci s'ouvre avec surprise, angoisse ou espoir pour faire de cet instant qui dérange au début Houda et Max, une action d'écoute et d'ouverture vers Assia.
La voix off de Lounia s'apparente à une lecture de ses mémoires. Elle est aussi la mémoire de ce qui ne s'oublie pas. Dans cette poésie où la pensée baigne dans une réflexion bien articulée, c'est tout un pan de mots corsetés d'un beau souffle chaud qui fait retentir ses inflexions comme perdues dans un songe. La pièce est d'un beau calibre d'écriture. Elle est à la fois grave et porteuse d'un optimisme certain où s'ouvrir à l'autre devient gage d'une belle promesse de responsabilité citoyenne et humaniste pour le vivre-ensemble.
Œuvre autant littéraire que théâtrale, le lien au langage est marqué par un vécu. Max est parfois prise d'un débit très soutenu et qui ne s'arrête pas comme pour déverser un trop-plein. À l'inverse, Houda a une élocution directe, concise et un peu à l'emporte-pièce. Elles deux sont dans un rapport à l'autre sans ambages quand, pour Assia, elle est la plus sereine et la plus calme, presque optimiste tout en vivant une situation difficile où elle a fui son pays, se retrouve seule, sans argent et prenant avec philosophie ce qui lui arrive. Quand le présent tape à la porte de chacune d'elles, celle-ci s'ouvre avec surprise, angoisse ou espoir pour faire de cet instant qui dérange au début Houda et Max, une action d'écoute et d'ouverture vers Assia.
La voix off de Lounia s'apparente à une lecture de ses mémoires. Elle est aussi la mémoire de ce qui ne s'oublie pas. Dans cette poésie où la pensée baigne dans une réflexion bien articulée, c'est tout un pan de mots corsetés d'un beau souffle chaud qui fait retentir ses inflexions comme perdues dans un songe. La pièce est d'un beau calibre d'écriture. Elle est à la fois grave et porteuse d'un optimisme certain où s'ouvrir à l'autre devient gage d'une belle promesse de responsabilité citoyenne et humaniste pour le vivre-ensemble.
"Par la mer (quitte à être noyées)"
Texte et mise en scène : Anaïs Allais Benbouali.
Avec : Gaëlle Clérivet, Louise Belmas, Asmaa Samlali et la voix de Majida Ghomari.
Collaboration artistique : Guillaume Lavenant.
Dramaturgie : Charlotte Farcet.
Scénographie : Lise Abbadie.
Création sonore : Benjamin Thomas.
Musique originale : Julie Roué.
Création lumières : Julien Jaunet.
Regard chorégraphique : Sofian Jouini.
Costumes : Tiphaine Pottier.
Création vidéo : Marie Giraudet.
Vidéo mer : Lise Abbadie.
Construction du décor : Florentin Guesdon.
Regard complice : Élise Vigier et Cécile Favereau.
Production La Grange aux Belles.
Durée : 1 h 30.
Avec : Gaëlle Clérivet, Louise Belmas, Asmaa Samlali et la voix de Majida Ghomari.
Collaboration artistique : Guillaume Lavenant.
Dramaturgie : Charlotte Farcet.
Scénographie : Lise Abbadie.
Création sonore : Benjamin Thomas.
Musique originale : Julie Roué.
Création lumières : Julien Jaunet.
Regard chorégraphique : Sofian Jouini.
Costumes : Tiphaine Pottier.
Création vidéo : Marie Giraudet.
Vidéo mer : Lise Abbadie.
Construction du décor : Florentin Guesdon.
Regard complice : Élise Vigier et Cécile Favereau.
Production La Grange aux Belles.
Durée : 1 h 30.
Du 23 mai au 18 juin 2023.
Du mercredi au samedi à 20 h, mardi à 19 h et dimanche à 16 h.
La Colline -Théâtre national, Paris 20e, 01 44 62 52 52.
>> www.colline.fr
Du mercredi au samedi à 20 h, mardi à 19 h et dimanche à 16 h.
La Colline -Théâtre national, Paris 20e, 01 44 62 52 52.
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