© Frédéric Ruiz.
Depuis la naissance de la première République, depuis Valmy et son cri prodigieux de "Vive la Nation !". Concept étrange qui jaillit des poitrines des pouilleux soldats de l’an II, la Res publique et la Nation indissolublement liées à l’origine sont tiraillées par des mouvements contraires. Épineux problème posé à la société et à l’État.
Après le travail ("La fourmilière") et la famille ("Roman des familles"), Alain Mollot s’attaque avec "Res Publica d’après des histoires vraies" au problème de la Nation.
Dans la méthode, le metteur en scène comme à son accoutumée collationne des témoignages, des perceptions individuelles de personnes impliquées dans des mouvements historiques, les restitue sur scène en autant de personnages constitutifs de légendes collectives.
Après le travail ("La fourmilière") et la famille ("Roman des familles"), Alain Mollot s’attaque avec "Res Publica d’après des histoires vraies" au problème de la Nation.
Dans la méthode, le metteur en scène comme à son accoutumée collationne des témoignages, des perceptions individuelles de personnes impliquées dans des mouvements historiques, les restitue sur scène en autant de personnages constitutifs de légendes collectives.
© Frédéric Ruiz.
Ainsi dans "Res Publica", le protagoniste, sorti du public, est-il un fonctionnaire anonyme et amoureux de ce droit public né d’une république romaine rêvée et peut être inaccessible. Et pourtant de ce rêve institué, de cette idée de bien commun connu de tous, vont jaillir sur scène, les forces du destin, des rires, des souffrances, des émotions, des tableaux… À commencer par le premier d’entre eux, au début vierge de tout signe, le tableau noir.
"Res Publica" : la chose publiée, la chose affichée. La Loi connue de tous. Le pot commun. Le personnage, nouveau coryphée, se souvient (bans publics bancs publics) de ce professeur de latin pédagogue à la fois amoureux de la langue et des hommes, et conscient de l’usure du temps et des mots. Il met en garde, par le biais de l’étymologie et de l’histoire des civilisations, contre l’emprise pernicieuse que certains hommes impérieux exercent sur le peuple, dépositaires de cet "Impérium" qui modèle à leur bénéfice les façons de pensées et tordent le sens des mots. Il transmet ainsi à ses élèves de plus en plus dissipés, mais aussi de plus en plus désireux de parler, des clefs précieuses qui permettent d’interroger le monde. Que signifient vraiment les mots ? Famille, tribu, patrie, peuple. Etc. Etc. Dialectique du pouvoir et de la liberté qui, dans un mouvement perpétuel, tend à gommer les repères stables.
"Res Publica" : la chose publiée, la chose affichée. La Loi connue de tous. Le pot commun. Le personnage, nouveau coryphée, se souvient (bans publics bancs publics) de ce professeur de latin pédagogue à la fois amoureux de la langue et des hommes, et conscient de l’usure du temps et des mots. Il met en garde, par le biais de l’étymologie et de l’histoire des civilisations, contre l’emprise pernicieuse que certains hommes impérieux exercent sur le peuple, dépositaires de cet "Impérium" qui modèle à leur bénéfice les façons de pensées et tordent le sens des mots. Il transmet ainsi à ses élèves de plus en plus dissipés, mais aussi de plus en plus désireux de parler, des clefs précieuses qui permettent d’interroger le monde. Que signifient vraiment les mots ? Famille, tribu, patrie, peuple. Etc. Etc. Dialectique du pouvoir et de la liberté qui, dans un mouvement perpétuel, tend à gommer les repères stables.
© Frédéric Ruiz.
Le spectacle enchaîne avec fluidité et rythme les mythes fondateurs propres à chaque génération : le cri de Valmy, la guerre et la Résistance, l’Algérie et la Patrie, la Grève et Mai 68, la Rationalisation de La Poste et le Service Public, la marche des beurs, les émeutes de banlieues et l’Intégration.
Dans la manière, le spectacle met en valeur le jeu de l’acteur et un plateau théâtral économe en effets. Partant d’une certaine aridité assumée, il se révèle plein de vitalité, de suspens et d’émotion. Les comédiens, dans une tension dramatique continue, apportent chair, expression, rire ou larme.
Si "Res Publica" interroge avec acuité les grands thèmes de la société française, il sait garder la proximité avec le spectateur. C’est une épopée dans laquelle chacun peut s’identifier, ressentir du plaisir et questionner le sens. Se divertir autant que s’instruire. En toute liberté et point de vue dans une forme de parade.
Ce qui est remarquable dans cette proposition scénique, c’est que la Nation ne se fige pas en un contenu. Plus qu’une esquive de la part du metteur en scène, c’est une intuition créatrice. La Nation se définirait comme un phénomène, le point d’émergence de son propre besoin d’apparition. La Nation apparaitrait aux moments critiques et se traduirait par l’expression du meilleur dans les caractères des hommes et femmes qui composent la société. Ainsi, sans la nommer, le spectacle évoque-t-il, de manière fugace, la figure de Germaine Tillion qui créera une opérette à Ravensbrück pour survivre et témoigner, elle et ses compagnes. Étincelle de joie au cœur de l’effroi.
Dans la manière, le spectacle met en valeur le jeu de l’acteur et un plateau théâtral économe en effets. Partant d’une certaine aridité assumée, il se révèle plein de vitalité, de suspens et d’émotion. Les comédiens, dans une tension dramatique continue, apportent chair, expression, rire ou larme.
Si "Res Publica" interroge avec acuité les grands thèmes de la société française, il sait garder la proximité avec le spectateur. C’est une épopée dans laquelle chacun peut s’identifier, ressentir du plaisir et questionner le sens. Se divertir autant que s’instruire. En toute liberté et point de vue dans une forme de parade.
Ce qui est remarquable dans cette proposition scénique, c’est que la Nation ne se fige pas en un contenu. Plus qu’une esquive de la part du metteur en scène, c’est une intuition créatrice. La Nation se définirait comme un phénomène, le point d’émergence de son propre besoin d’apparition. La Nation apparaitrait aux moments critiques et se traduirait par l’expression du meilleur dans les caractères des hommes et femmes qui composent la société. Ainsi, sans la nommer, le spectacle évoque-t-il, de manière fugace, la figure de Germaine Tillion qui créera une opérette à Ravensbrück pour survivre et témoigner, elle et ses compagnes. Étincelle de joie au cœur de l’effroi.
Le message est à coup sûr ambivalent. Il est à la fois pessimiste et optimiste.
Pessimiste puisque la dégradation de la Nation semble inexorable, soumise aux lois communes du monde qui peut la voir disparaitre si l’on en croit Renan.
Optimiste puisque, par sa forme même, le type de représentation théâtrale mis en œuvre par Alain Mollot revitalise les signes, ravive la petite nation qu’est le public. Ce lieu collectif où se mesure le besoin de la fusion ou le désenchantement de la désunion. En l’espèce il s’agit d’une naissance heureuse au sein de la république des lettres : un théâtre civique qui suscite le meilleur de nous-même.
"Res Publica" est d’utilité publique.
Pessimiste puisque la dégradation de la Nation semble inexorable, soumise aux lois communes du monde qui peut la voir disparaitre si l’on en croit Renan.
Optimiste puisque, par sa forme même, le type de représentation théâtrale mis en œuvre par Alain Mollot revitalise les signes, ravive la petite nation qu’est le public. Ce lieu collectif où se mesure le besoin de la fusion ou le désenchantement de la désunion. En l’espèce il s’agit d’une naissance heureuse au sein de la république des lettres : un théâtre civique qui suscite le meilleur de nous-même.
"Res Publica" est d’utilité publique.
"Res Publica"
© Philippe Lacombe.
D’après des histoires vraies
Conception et mise en scène : Alain Mollot.
Mise en texte : Guillaume Hasson.
Interviews : Elsa Quinette.
Avec : Kamel Abdelli, Joan Bellviure, Frédéric Chevaux, Véronic Joly, Stéphane Miquel.
Scénographie et costumes : Charlotte Villermet.
Conception sonore : Gilles Sivilotto.
Lumières : Philippe Lacombe.
Assistante à la mise en scène : Francesca Riva.
Cie La Jacquerie.
Durée : 1 h 20.
Avignon Off 2012
Spectacle du 7 au 28 juillet 2012.
Tous les jours à 18 h 25 (relâche le 22 juillet).
Théâtre des Lucioles, 10, rue rempart Saint-Lazare, Avignon, 04 90 14 05 51.
Conception et mise en scène : Alain Mollot.
Mise en texte : Guillaume Hasson.
Interviews : Elsa Quinette.
Avec : Kamel Abdelli, Joan Bellviure, Frédéric Chevaux, Véronic Joly, Stéphane Miquel.
Scénographie et costumes : Charlotte Villermet.
Conception sonore : Gilles Sivilotto.
Lumières : Philippe Lacombe.
Assistante à la mise en scène : Francesca Riva.
Cie La Jacquerie.
Durée : 1 h 20.
Avignon Off 2012
Spectacle du 7 au 28 juillet 2012.
Tous les jours à 18 h 25 (relâche le 22 juillet).
Théâtre des Lucioles, 10, rue rempart Saint-Lazare, Avignon, 04 90 14 05 51.