Plus généralement, d'où vient la frénésie contemporaine de monter Feydeau, cet auteur de boulevard dont la renommée tient "ni à ses idées (puisqu'il n'en a pas), ni aux histoires de ses personnages (qui sont sottes)" ? Ionesco, déjà, délivrait le secret de la fascination qu'il exerce, en poursuivant : "C'est cette folie, c'est ce mécanisme apparemment réglé mais qui se dérègle par sa progression et son accélération même".
Là, réside assurément la clé du mystère attractif de l'auteur de "Cent millions qui tombent". Suivant les lois de cette mécanique impeccablement rodée, le décor du salon bourgeois d'un kitsch à faire se pâmer les tenants d'une tradition immuable va connaître une métamorphose granguignolesque conduisant les tapisseries d'un rose suranné à se pulvériser sous les coups de folie des protagonistes. Plutôt que d'emprunter les portes - claquant et reclaquant à grand bruit - lorsque l'hystérie les submerge, notamment à l'annonce de la somme fabuleuse dont va hériter le valet, les personnages "explosent" les frêles cloisons s'effondrant comme des châteaux de cartes. Ainsi, autour de l'argent roi, se font et défont les amours bourgeoises.
Là, réside assurément la clé du mystère attractif de l'auteur de "Cent millions qui tombent". Suivant les lois de cette mécanique impeccablement rodée, le décor du salon bourgeois d'un kitsch à faire se pâmer les tenants d'une tradition immuable va connaître une métamorphose granguignolesque conduisant les tapisseries d'un rose suranné à se pulvériser sous les coups de folie des protagonistes. Plutôt que d'emprunter les portes - claquant et reclaquant à grand bruit - lorsque l'hystérie les submerge, notamment à l'annonce de la somme fabuleuse dont va hériter le valet, les personnages "explosent" les frêles cloisons s'effondrant comme des châteaux de cartes. Ainsi, autour de l'argent roi, se font et défont les amours bourgeoises.
Tout commence comme un spectacle de cabaret populaire où un homme en liquette lance à la foule, d'une voix de fausset, une adresse enjouée, alors que la tête des trois autres protagonistes surgit des plis des lourds rideaux de velours rouge. Plus ringard - joyeusement assumé - tu meurs… Et, à un rythme que rien ne viendra plus perturber, se succèdent les facéties, volontairement surjouées, liées aux quiproquos de la situation triangulaire femme - amant - mari. L'intérêt de ces situations usées jusqu'à la corde, c'est qu'elles offrent l'occasion de jeux en cascade révélant le plaisir des acteurs s'en saisissant pour les pousser à outrance…
… jusqu'à des scènes "culottées" dignes parfois des Chiens de Navarre où la cocotte en titre embrasse l'arrière-train du Monsieur déboutonné, fouette ses deux hémisphères fessiers, avant d'aller déposer chastement un baiser sur le museau de sa tête de phacochère, trophée qui lui sied à ravir. Le premier intermède - on est au cabaret - offre quant à lui un medley hilarant de chansons hétéroclites. Et le second donnera dans l'inanité de devinettes absolument nulles, à des "blagues" degré zéro dites avec la fraîcheur du second degré, le tout ponctué de pets du meilleur effet. Pures provocations adressées au public du théâtre bourgeois, lesquelles, en forçant le trait du texte original, ne font que projeter la vulgarité des récipiendaires : le bourgeois ne serait-il qu'un gros porc (qui s'ignore) ?
… jusqu'à des scènes "culottées" dignes parfois des Chiens de Navarre où la cocotte en titre embrasse l'arrière-train du Monsieur déboutonné, fouette ses deux hémisphères fessiers, avant d'aller déposer chastement un baiser sur le museau de sa tête de phacochère, trophée qui lui sied à ravir. Le premier intermède - on est au cabaret - offre quant à lui un medley hilarant de chansons hétéroclites. Et le second donnera dans l'inanité de devinettes absolument nulles, à des "blagues" degré zéro dites avec la fraîcheur du second degré, le tout ponctué de pets du meilleur effet. Pures provocations adressées au public du théâtre bourgeois, lesquelles, en forçant le trait du texte original, ne font que projeter la vulgarité des récipiendaires : le bourgeois ne serait-il qu'un gros porc (qui s'ignore) ?
Jusque-là tout va (très) bien… On se dit que les Bâtards, tout Dorés qu'ils soient - héritiers de "bonnes familles" - en ont sous le pied et leur formidable énergie corrosive nous ravit… Là où ça se gâte (un peu), c'est lorsque, arguant de l'inachèvement de la pièce initiale, ils se piquent de "philosophie" en voulant y greffer les enseignements d'un film de science-fiction "Il est difficile d'être un dieu" d'Alexeï Guerman où une communauté moyenâgeuse n'ayant jamais connu les Lumières régirait selon ses normes obsolètes les rapports humains.
Alors, pour montrer combien l'homme reproduit à l'infini les mêmes comportements éculés dictés par le sempiternel désir de sexe et d'argent tentant - en pure perte - de masquer le vide de l'existence à remplir, les spectateurs médusés par une rupture spatio-temporelle relevant du pur arbitraire assistent à une reprise de l'action transposée dans un temps lent où la langue est l'ancien français (traduit en surimpression), le protagoniste un guerrier en armure fouraillant les entrailles de sa belle infidèle avant de s'en pourlécher les babines… Cerise sur le gâteau, l'éclairage aux bougies médiévales se mâtine ensuite de rayons lasers introduisant la concomitance d'époques disparates réunies ici par l'effet de la répétition du même.
La dissension de la réception par la salle de cette audace dramaturgique née d'une cogitation collective, où chacun est tour à tour acteur et metteur en scène, semble se doubler d'une dissension d'approches sur le plateau… Certes, ce serait aller contre l'ADN de ce Collectif que de regretter l'absence d'un œil extérieur capable de fédérer ses énergies bouillonnantes… Et pourtant, on serait prêt à le penser afin que la "perte de sens" prenne tout simplement sens.
Alors, pour montrer combien l'homme reproduit à l'infini les mêmes comportements éculés dictés par le sempiternel désir de sexe et d'argent tentant - en pure perte - de masquer le vide de l'existence à remplir, les spectateurs médusés par une rupture spatio-temporelle relevant du pur arbitraire assistent à une reprise de l'action transposée dans un temps lent où la langue est l'ancien français (traduit en surimpression), le protagoniste un guerrier en armure fouraillant les entrailles de sa belle infidèle avant de s'en pourlécher les babines… Cerise sur le gâteau, l'éclairage aux bougies médiévales se mâtine ensuite de rayons lasers introduisant la concomitance d'époques disparates réunies ici par l'effet de la répétition du même.
La dissension de la réception par la salle de cette audace dramaturgique née d'une cogitation collective, où chacun est tour à tour acteur et metteur en scène, semble se doubler d'une dissension d'approches sur le plateau… Certes, ce serait aller contre l'ADN de ce Collectif que de regretter l'absence d'un œil extérieur capable de fédérer ses énergies bouillonnantes… Et pourtant, on serait prêt à le penser afin que la "perte de sens" prenne tout simplement sens.
"Cent millions qui tombent"
D'après l'œuvre de Georges Feydeau.
Texte, conception et mise en scène : Collectif Les Bâtards Dorés.
Avec : Romain Grard, Lisa Hours, Ferdinand Niquet-Rioux, Jules Sagot, Manuel Severi.
Son : John Kaced. Lumière et scénographie : Lucien Valle. Costumes : Marion Moinet. Régie générale : Constantin Guisembert.
Durée : 2 h. Production Collectif Les Bâtards Dorés.
Créé du 24 au 31 janvier 2020 au Théâtre de la Cité - CDN Toulouse Occitanie.
A été présenté du 18 au 22 février 2020 au TnBA, Grande salle Vitez, Bordeaux.
Son : John Kaced. Lumière et scénographie : Lucien Valle. Costumes : Marion Moinet. Régie générale : Constantin Guisembert.
Durée : 2 h. Production Collectif Les Bâtards Dorés.
Créé du 24 au 31 janvier 2020 au Théâtre de la Cité - CDN Toulouse Occitanie.
A été présenté du 18 au 22 février 2020 au TnBA, Grande salle Vitez, Bordeaux.