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Théâtre

"R.A.G.E." : Une fabrique à effet théâtral, à effet de plaisir collectif et intime

"R.A.G.E.", Cie Les Anges au Plafond, En tournée

L'histoire est belle et palpitante comme il se doit dans un théâtre qui se respecte et respecte ses spectateurs. Elle est celle d'une mère aimante, très aimante, qui au début du vingtième siècle, aux confins russo-polonais, voulait que son fils vive dans un pays de rêve, libre, célèbre, écrivain, héros, diplomate…



© Vincent Muteau.
© Vincent Muteau.
Et qui a réussi pleinement son projet. Elle a enfanté, protégé, façonné, porté au-delà même de sa propre mort, l'objet de sa création : son fils comme matérialisation d'un conte.

Et le fils, d'une certaine manière à son corps défendant, modelé par le pouvoir des mots, a accompli le destin. Dans "R.A.G.E.", il est question d'un homme d'imagination qui appris à se dédoubler et à enfanter, écrire, vivre sa propre histoire et les dérives de ses fictions… jusqu'à choisir sa mort. La quête de l'identité et le pouvoir des pseudonymes. De la malédiction des contes…

Toute ressemblance avec une personne ayant existé n'est pas, mais pas du tout, fortuite.

Les anges au plafond, dans leur spectacle, jouent à cache-cache avec la biographie de l'auteur à découvrir. Avec les moyens de la machine théâtrale, rideaux volants, bruitages, chant, jeu alterné ou concomitant, en miroir, marionnettes, les comédiens manient les pièces d'un rébus, tirent les ficelles, entretiennent les parts d'ombres et de lumière, retardent la solution de l'énigme et la font miroiter… Bien au-delà d'un simple jeu formel.

© Vincent Muteau.
© Vincent Muteau.
Lorsqu'il arrive dans la salle où se déroule le spectacle, le spectateur doit choisir son côté. Ou illusion. Ou intimité. Ou bien dans les gradins face à la scène, ou bien sur scène tangentiellement à l'action.

Côté scène, son attention est dispersée par le caractère concret, la matérialité du dispositif. Côté gradins, des apartés lui font se tordre le cou et perdre le fil. Dans les deux cas, la vision est en partie occultée, le récit est incomplet et garde une part de son mystère : le plaisir glisse et s'amplifie.

Les comédiens font une démonstration remarquable de ce que peut être une Fabrique à effet théâtral. À effet de plaisir collectif et intime. Le spectateur se trouve impliqué dans le mystère de la création. Entre parements et contre-parements, gâteaux de nuages et rideaux volants, il participe à l'élaboration d'une histoire qui se cristallise, à l'ouverture des voies de la fiction qui suivent celles de l'anagramme et du pseudonyme, de la catachrèse, nécessaires à la présence du sens… comme ailes d'anges.

"R.A.G.E."

© Vincent Muteau.
© Vincent Muteau.
Création marionnettes et musique.
Mise en scène Camille Trouvé assistée de Saskia Berthod.
Scénographie Brice Berthoud assisté de Margot Chamberlin.
Avec : Brice Berthoud, Jonas Coutancier, Yvan Bernardet, Xavier Drouault, Piero Pépin, Héléna Maniakis en alternance avec Noëmi Waysfeld.
Création sonore : Piero Pépin, Xavier Drouault et Antoine Garry.
Création lumière : Nicolas Lamatière assisté de Quentin Rumeau.
Création images : Marie Girardin, Jonas Coutancier, Vincent Muteau.
Création costumes : Séverine Thiébault.
Création marionnettes : Camille Trouvé avec Armelle Marbet et Amélie Madeline.
Regard magique : Raphaël Navarro.
Accessoires et mécanismes de scène : Magali Rousseau.
Construction décors : Les ateliers de la MCB° Bourges.
Cie Les Anges au Plafond.
Durée : 1 h 30.

Tournée
11 décembre 2015 : La Ferme de Bel Ebat, Guyancourt (78).
14 au 18 décembre 2015 : Maison de la Culture - Scène Nationale, Bourges (18).
8 janvier 2016 : Théâtre André Malraux, Chevilly Larue (94).
12 au 15 janvier 2016 : Le Grand R - Scène Nationale, La Roche-Sur-Yon (85).
19 au 22 janvier 2016 : Le TANDEM | L’Hippodrome - Scène Nationale Douai (59).
29 et 30 janvier 2016 : La Maison des Arts du Léman - Scène Conventionnée, Thonon (74).

4 et 5 février 2016 : Le Théâtre - Scène Conventionnée, Laval (53).
9 au 11 février 2016 : Le Fracas - Centre Dramatique National, Montluçon (03).
24 au 26 février 2016 : Le Bateau feu - Scène Nationale, Dunkerque (59).
4 et 5 mars 2016 : Le Grand T - Théâtre de Loire-Atlantique Théâtre de l’Espace de Retz, Machecoul (44).
8 et 9 mars 2016 : Théâtre de Verre, Châteaubriant (44).
11 et 12 mars 2016 : Théâtre du Pays de Redon, Redon (44).
18 et 19 mars 2016 : Le Polaris, Corbas (69).
22 au 25 mars 2016 : Les Quinconces | l’Espal - Scène Conventionnée, Le Mans (72).
29 mars 2016 : Le Théâtre du Cloître - Scène Conventionnée, Bellac (87).
20 et 21 avril 2016 : L’Espace Jean Vilar, Ifs (14).
28 au 30 avril 2016 : Le Grand Bleu, Lille (59).
3 et 4 mai 2016 : Le Sémaphore, Cébazat (63).
25 et 26 mai 2016 : Théâtre de l’Hôtel de Ville, Saint-Barthélemy-d’Anjou (49).

Jean Grapin
Mardi 8 Décembre 2015

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•Off 2024• "Mon Petit Grand Frère" Récit salvateur d'un enfant traumatisé au bénéfice du devenir apaisé de l'adulte qu'il est devenu

Comment dire l'indicible, comment formuler les vagues souvenirs, les incertaines sensations qui furent captés, partiellement mémorisés à la petite enfance. Accoucher de cette résurgence voilée, diffuse, d'un drame familial ayant eu lieu à l'âge de deux ans est le parcours théâtral, étonnamment réussie, que nous offre Miguel-Ange Sarmiento avec "Mon petit grand frère". Ce qui aurait pu paraître une psychanalyse impudique devient alors une parole salvatrice porteuse d'un écho libératoire pour nos propres histoires douloureuses.

© Ève Pinel.
9 mars 1971, un petit bonhomme, dans les premiers pas de sa vie, goûte aux derniers instants du ravissement juvénile de voir sa maman souriante, heureuse. Mais, dans peu de temps, la fenêtre du bonheur va se refermer. Le drame n'est pas loin et le bonheur fait ses valises. À ce moment-là, personne ne le sait encore, mais les affres du destin se sont mis en marche, et plus rien ne sera comme avant.

En préambule du malheur à venir, le texte, traversant en permanence le pont entre narration réaliste et phrasé poétique, nous conduit à la découverte du quotidien plein de joie et de tendresse du pitchoun qu'est Miguel-Ange. Jeux d'enfants faits de marelle, de dinette, de billes, et de couchers sur la musique de Nounours et de "bonne nuit les petits". L'enfant est affectueux. "Je suis un garçon raisonnable. Je fais attention à ma maman. Je suis un bon garçon." Le bonheur est simple, mais joyeux et empli de tendresse.

Puis, entre dans la narration la disparition du grand frère de trois ans son aîné. La mort n'ayant, on le sait, aucune morale et aucun scrupule à commettre ses actes, antinaturelles lorsqu'il s'agit d'ôter la vie à un bambin. L'accident est acté et deux gamins dans le bassin sont décédés, ceux-ci n'ayant pu être ramenés à la vie. Là, se révèle l'avant et l'après. Le bonheur s'est enfui et rien ne sera plus comme avant.

Gil Chauveau
14/06/2024
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© Betül Balkan.
Comme dans son précédent opus "À ce jour" (consacré à Barbara), Marc Casa est habité par ses choix, donnant un souffle original et unique à chaque titre choisi. Évitant musicalement l'écueil des orchestrations "datées" en optant systématiquement pour des sonorités contemporaines, chaque chanson est synonyme d'une grande richesse et variété instrumentales. Le timbre de la voix est prenant et fait montre à chaque fois d'une émouvante et artistique sincérité.

On retrouve dans cet album une réelle intensité pour chaque interprétation, une profondeur dans la tessiture, dans les tonalités exprimées dont on sent qu'elles puisent tant dans l'âme créatrice des illustres auteurs que dans les recoins intimes, les chemins de vie personnelle de Marc Casa, pour y mettre, dans une manière discrète et maîtrisée, emplie de sincérité, un peu de sa propre histoire.

"Nous mettons en écho des chansons de Barbara et Brel qui ont abordé les mêmes thèmes mais de manières différentes. L'idée est juste d'utiliser leur matière, leur art, tout en gardant une distance, en s'affranchissant de ce qu'ils sont, de ce qu'ils représentent aujourd'hui dans la culture populaire, dans la culture en général… qui est énorme !"

Gil Chauveau
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… face aux normalisations sociétales et idéologiques

Si l'art de générer des productions enthousiastes et inventives est incontestablement dans l'ADN de la compagnie L'Éternel Été, l'engagement citoyen fait aussi partie de la démarche créative de ses membres. La présente proposition ne déroge pas à la règle. Ainsi, Emmanuel Besnault et Benoît Gruel nous offrent une version décoiffante, vive, presque juvénile, mais diablement ancrée dans les problématiques actuelles, du "Chapeau de paille d'Italie"… pièce d'Eugène Labiche, véritable référence du vaudeville.

© Philippe Hanula.
L'argument, simple, n'en reste pas moins source de quiproquos, de riantes ficelles propres à la comédie et d'une bonne dose de situations grotesques, burlesques, voire absurdes. À l'aube d'un mariage des plus prometteurs avec la très florale Hélène – née sans doute dans les roses… ornant les pépinières parentales –, le fringant Fadinard se lance dans une quête effrénée pour récupérer un chapeau de paille d'Italie… Pour remplacer celui croqué – en guise de petit-déj ! – par un membre de la gent équestre, moteur exclusif de son hippomobile, ci-devant fiacre. À noter que le chapeau alimentaire appartenait à une belle – porteuse d'une alliance – en rendez-vous coupable avec un soldat, sans doute Apollon à ses heures perdues.

N'ayant pas vocation à pérenniser toute forme d'adaptation académique, nos deux metteurs en scène vont imaginer que cette histoire absurde est un songe, le songe d'une nuit… niché au creux du voyage ensommeillé de l'aimable Fadinard. Accrochez-vous à votre oreiller ! La pièce la plus célèbre de Labiche se transforme en une nouvelle comédie explosive, électro-onirique ! Comme un rêve habité de nounours dans un sommeil moelleux peuplé d'êtres extravagants en doudounes orange.

Gil Chauveau
26/03/2024