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Avignon 2023

•Off 2023• "L'Arbitre et l'Oiseau" Un hymne à la liberté et au droit à la différence dans tous ses états

2042. Dans ce pays imaginaire au nom de Modélus, la dictature règne en maître. Helmut et Régula, un couple tortionnaire, gèrent à la baguette le système politique et n'ont qu'un but, tuer certaines personnes à leurs yeux indésirables comme les comiques dont Stan est l'un des plus célèbres. Parce que toute forme d'indiscipline est condamnée, notamment le rire. Mais le couple veut se débarrasser aussi de Charlie le vagabond, Pierrot le mime, Rouxine la jeune femme rousse très intelligente et Hannah la femme-oiseau, car, à leurs yeux, ils incarnent chacun à leur manière la révolte et la liberté.



© Raphaël Medioni.
© Raphaël Medioni.
Dès l'ouverture de la pièce, c'est la noirceur qui domine. Durant quelques longues minutes, les spectateurs sont plongés dans le noir total. Puis une modeste lumière s'installe, dévoilant également un plateau plongé dans la pénombre – ou presque – et qui le restera pratiquement durant tout le spectacle.

Puis un homme prend la parole, revendicateur et emprunt d'une sorte de didactisme affiché. Il en a des choses à dire, cet homme. Il y croit à sa parole en invectivant ainsi le public, peut-être parce qu'il n'a plus rien à perdre.

À ses côtés, sur l'avant-scène, quatre autres comédiens vont progressivement se mouvoir lentement sans jamais empiéter sur le fond du plateau, symbole de l'antre bien gardé du couple de dictateurs apparemment complices, allégorie notoire du nazisme.

De cette noirceur ambiante, seule une comédienne apporte, à sa manière, un semblant de poésie et de fraîcheur : une femme-oiseau poussant de manière récurrente des roucoulements et de joyeux cui-cui. Élément un tant soit peu festif qui détend l'atmosphère et fait joliment sourire.
Il est possible que lors de l'écriture de sa pièce, Philippe Assoulen se soit imprégné de l'ouvrage célèbre de Michel Pastoureau sur la couleur noire. Il y est dit, entre autres, que le noir, c'est l'intériorité de l'être humain. Et de l'être humain dans cette pièce très intéressante, il en est question très largement.

© Raphaël Medioni.
© Raphaël Medioni.
"Le monde évolue mais, nous les êtres humains, nous restons les mêmes" (sic).
Quoi d'autre d'ailleurs en ce bas monde prédomine plus que l'humain qui reste en imprégnation totale avec lui, sans faillir ? Encore et encore ! Bien présent ?

"L'Arbitre et l'Oiseau" a tout d'une fable, d'une parabole ou encore d'un conte pour enfants. Les méchants sont méchants, mais, au bout du compte, ils ne le sont pas tous tant que ça, les gentils opprimés attirent la compassion et l'empathie, les éléments poétiques sont bien présents et hautement nécessaires.

On pressent largement, sous la plume érudite de l'auteur de la pièce, un besoin vital d'user du théâtre pour philosopher, faire réfléchir, interroger. Mais pas que ! Parce que la pièce est drôle, aussi égayée par une bande-son et des musiques ludiques, tantôt nostalgiques, tantôt enivrantes.

La collaboration entre Philippe Assoulen et Malcolm Conrath fonctionne remarquablement bien, sans démesure, alors que pourtant celle-ci est bien au centre de la pièce à différents égards, subtile, mais prégnante. Dans la différence des cinq personnages condamnés, par exemple. N'y a-t-il pas démesure dans la différence : le fait d'être roux ? D'être bègue ? D'être muet ? D'être vagabond ou SDF ? D'avoir des rêves comme celui de vouloir voler et d'être un oiseau ? D'être juif ? D'être schizophrène ? Ou les deux à la fois ?

Un tel propos aurait pu revêtir des allures didactiques certaines. Mais, encore une fois, la scénographie est subtilement agencée, portant sur le haut du pavé un texte profond dont on peut se demander pour quelles raisons exactes, il a été écrit…

Seul l'auteur pourra peut-être nous le confier – ou pas –, si jamais nous le croisons aux abords de l'Observance au Festival ou arpentant les rues d'Avignon à la recherche peut-être d'autres sources d'inspirations créatrices.

Et après tout, on s'en moque parce que "L'Arbitre et l'Oiseau", c'est du Théâtre dans le sens le plus noble du terme.

"Traitons le Théâtre comme un lieu de divertissement (…) et examinons quel genre de divertissement nous agrée !", Bertolt Brecht, Petit organon pour le théâtre.

Spectacle vu lors de la dernière au Théâtre Hébertot à Paris où il s'est joué les 8, 15, 18 et 25 juin 2023.

"L'Arbitre et l'Oiseau"

© Raphaël Medioni.
© Raphaël Medioni.
Texte : Philippe Assoulen.
Mise en scène : Malcolm Conrath.
Avec : Philippe Assoulen, Émilie Di Ronza, Julien Jaulin, Margaux Lopez, Sophie Médioni, Arthur Toulet, Yoann Saraga.
Par la Cie Libre d'Esprit.
Durée : 1 h 15.

•Avignon Off 2023•
Du 7 au 17 Juillet 2023.
Tous les jours à 14 h 25. Relâche le lundi.
Théâtre de l'Observance, 10, rue de l'Observance, Avignon. Près de la porte St-Roch.
Téléphone : 06 02 42 19 76.
>> chapelledesitaliens.fr

Brigitte Corrigou
Mardi 4 Juillet 2023

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•Off 2024• "Mon Petit Grand Frère" Récit salvateur d'un enfant traumatisé au bénéfice du devenir apaisé de l'adulte qu'il est devenu

Comment dire l'indicible, comment formuler les vagues souvenirs, les incertaines sensations qui furent captés, partiellement mémorisés à la petite enfance. Accoucher de cette résurgence voilée, diffuse, d'un drame familial ayant eu lieu à l'âge de deux ans est le parcours théâtral, étonnamment réussie, que nous offre Miguel-Ange Sarmiento avec "Mon petit grand frère". Ce qui aurait pu paraître une psychanalyse impudique devient alors une parole salvatrice porteuse d'un écho libératoire pour nos propres histoires douloureuses.

© Ève Pinel.
9 mars 1971, un petit bonhomme, dans les premiers pas de sa vie, goûte aux derniers instants du ravissement juvénile de voir sa maman souriante, heureuse. Mais, dans peu de temps, la fenêtre du bonheur va se refermer. Le drame n'est pas loin et le bonheur fait ses valises. À ce moment-là, personne ne le sait encore, mais les affres du destin se sont mis en marche, et plus rien ne sera comme avant.

En préambule du malheur à venir, le texte, traversant en permanence le pont entre narration réaliste et phrasé poétique, nous conduit à la découverte du quotidien plein de joie et de tendresse du pitchoun qu'est Miguel-Ange. Jeux d'enfants faits de marelle, de dinette, de billes, et de couchers sur la musique de Nounours et de "bonne nuit les petits". L'enfant est affectueux. "Je suis un garçon raisonnable. Je fais attention à ma maman. Je suis un bon garçon." Le bonheur est simple, mais joyeux et empli de tendresse.

Puis, entre dans la narration la disparition du grand frère de trois ans son aîné. La mort n'ayant, on le sait, aucune morale et aucun scrupule à commettre ses actes, antinaturelles lorsqu'il s'agit d'ôter la vie à un bambin. L'accident est acté et deux gamins dans le bassin sont décédés, ceux-ci n'ayant pu être ramenés à la vie. Là, se révèle l'avant et l'après. Le bonheur s'est enfui et rien ne sera plus comme avant.

Gil Chauveau
14/06/2024
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Ils sont peu nombreux ceux qui ont une réelle vision d'interprétation d'œuvres d'artistes "monuments" tels Brel, Barbara, Brassens, Piaf et bien d'autres. Lou Casa fait partie de ces rares virtuoses qui arrivent à imprimer leur signature sans effacer le filigrane du monstre sacré interprété. Après une relecture lumineuse en 2016 de quelques chansons de Barbara, voici le profond et solaire "Barbara & Brel".

© Betül Balkan.
Comme dans son précédent opus "À ce jour" (consacré à Barbara), Marc Casa est habité par ses choix, donnant un souffle original et unique à chaque titre choisi. Évitant musicalement l'écueil des orchestrations "datées" en optant systématiquement pour des sonorités contemporaines, chaque chanson est synonyme d'une grande richesse et variété instrumentales. Le timbre de la voix est prenant et fait montre à chaque fois d'une émouvante et artistique sincérité.

On retrouve dans cet album une réelle intensité pour chaque interprétation, une profondeur dans la tessiture, dans les tonalités exprimées dont on sent qu'elles puisent tant dans l'âme créatrice des illustres auteurs que dans les recoins intimes, les chemins de vie personnelle de Marc Casa, pour y mettre, dans une manière discrète et maîtrisée, emplie de sincérité, un peu de sa propre histoire.

"Nous mettons en écho des chansons de Barbara et Brel qui ont abordé les mêmes thèmes mais de manières différentes. L'idée est juste d'utiliser leur matière, leur art, tout en gardant une distance, en s'affranchissant de ce qu'ils sont, de ce qu'ils représentent aujourd'hui dans la culture populaire, dans la culture en général… qui est énorme !"

Gil Chauveau
19/06/2024
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© Philippe Hanula.
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Gil Chauveau
26/03/2024