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Avignon 2023

•Off 2023• "Vaincre à Rome" Courir pour se dépasser ou quand le sport dépasse ses simples frontières

C'est la véritable histoire bien connue du 1er champion olympique africain noir Abebe Bikila, vainqueur du marathon de Rome, pieds nus, en 1960. En Afrique, on le surnommait "l'homme-panthère capable de courir du coucher au lever du soleil". Sa légende restera éternelle.
Bikila naît le 7 août 1932 en Éthiopie, le jour du marathon des J.O de Los Angeles.



© Clodelle.
© Clodelle.
Il s'entraînera seul pendant deux ans avant d'être repéré par les instances éthiopiennes d'athlétisme et par Onni Niskanen, un Suédois membre de la Croix-Rouge et passionné d'athlétisme. Sélectionné pour participer aux J.O. de Rome en 1960 en remplacement d'un coureur blessé, il remporte en nocturne la course pieds nus en 2 h 15 minutes 16 secondes (record du monde), devant le Marocain favori, Abdeslam Radi.

Son accélération réussie près de l'obélisque d'Aksoun et son arrivée à l'Arc de Constantin forment un symbole politique, un quart de siècle après l'invasion de l'Éthiopie par l'Italie.

Quarante jours avant les Jeux Olympiques de Tokyo, victime d'une appendicite aiguë, il est opéré, mais prend malgré tout le départ de la course. Il termine en 2 h 12 minutes 11 secondes les 42 km et 195 mètres, nouveau record du monde.

En 1969, il est victime d'un grave accident de voiture. Il reste prisonnier toute une nuit dans la carcasse de sa voiture offerte par l'Empereur. La nuque brisée, il lutte pendant huit mois contre la mort, survit, mais perd l'usage de ses jambes.

© Clodelle.
© Clodelle.
Il meurt en 1973 d'une hémorragie cérébrale à l'âge de 41 ans.
Désormais, après la victoire de cet homme dans la Ville éternelle, figure d'un peuple et d'un continent, plus rien ne sera comme avant !

Probablement jusqu'à la fin des temps, en tout cas tant que notre esprit restera éveillé, nous nous interrogerons sur le travail titanesque que doit représenter l'adaptation au théâtre d'une œuvre écrite, qu'elle soit autobiographique, romanesque ou autres. Ceci doit être gigantesque, chronophage, envahissant, mais, à n'en point douter, passionnant.

C'est à n'en point douter ce à quoi s'est livré corps et âme le metteur en scène, scénographe et comédien Thierry Falvisaner à la tête de la Compagnie "Théâtre Charbon" depuis 2011, en étroite collaboration avec l'auteur éclectique Sylvain Coher, dont l'écriture se détache largement du paysage littéraire par la finesse psychologique de ses récits.

"La forme théâtrale est bien distincte du roman éponyme. La parole n'y est pas exclusivement portée sous la forme du monologue intérieur de Bikila durant les kilomètres égrenés, mais nous avons opté pour une conversation à trois entre le coureur aux pieds nus, son épouse et un coach sportif infaillible. Le tout rythmé par les interventions récurrentes d'un journaliste survolté, en direct, à la voix radiophonique des années soixante. Au départ, c'est Yewebdar Bikila qui motive notre choix, l'épouse d'Abebe, en faisant revivre la mémoire de son époux le temps de ce marathon".

© Jérôme Grelet.
© Jérôme Grelet.
Dès les premiers instants du spectacle, le spectateur est immergé dans l'histoire de ce marathonien aux pieds nus et, loin en effet d'un monologue intérieur, il est pourtant en totale osmose avec lui par le biais des paroles de son épouse interprétée brillamment par la comédienne Ganne Raymond, celles de son entraîneur très investi et père de substitution, Onni Niskannen, ou encore par les commentaires en direct d'un journaliste totalement dépassé par l'événement, aux prises de position pour le moins peu objectives, interprété par Thomas Ciresola qui semble à bout de nerfs pour de bon…

Cette adaptation théâtrale est remarquablement spectaculaire et ne lâche pas une seconde le spectateur. Un poste de TV vintage sur le plateau, côté cour, diffuse les images d'archives de l'arrivée du célèbre coureur et rapproche encore davantage le public de cet homme à nul autre pareil.

Le danseur et interprète Thimoté Ballo, au corps d'athlète tout en muscles fins et longilignes, incarne le célèbre marathonien avec une grande élégance et, de façon indéfinissable, le spectateur ressent avec lui tout son travail corporel intense retransposé pourtant avec grande légèreté. C'est le propre des danseurs, danseuses, sportifs et sportives de haut niveau : ne rien montrer de leur souffrance, mais persévérer encore et encore avec beaucoup d'abnégation…

Les paroles d'encouragement prononcées de façon presque psychotique par son entraîneur sportif, interprété par Thierry Falvisaner, renforcent cette impression d'un corps en mouvement dont on devine les contraintes notoires.

On a l'impression de courir aux côtés de Bikalé et, comme Jean Giono présent à Rome ce jour-là a pu le dire, "on est heureux de ce qui arrive là, on est, nous aussi, sur la ligne d'arrivée du marathon en voyant ainsi arriver ce coureur jusqu'alors méconnu comme une espèce d'elfe bondissant, joyeux et gai, pas fatigué du tout et pieds nus".

Dans le car qui nous ramène au cœur du festival, une spectatrice inconnue, à la fin de la représentation, me confie qu'elle a failli applaudir à l'arrivée du comédien en bout de course ! Il est possible que certaines personnes dans le public soient bien plus épuisées que Thimoté-Abebe qui a couru, qui court et qui courra encore bien longtemps dans nos mémoires…

© Clodelle.
© Clodelle.
Ici, l'écriture étincelante de Sylvain Coher est de toute évidence sublimée par une scénographie d'une grande ingéniosité, laquelle nous plonge, grâce à des effets de mapping vidéo exceptionnels, à la fois sur les pistes caillouteuses de la course ou sur la Via Appia qui fut éclairée tous les 25 mètres par des torches tenues par des soldats. C'est sur cette fameuse Via Appia qu'Abebe accéléra stratégiquement en dépassant le très symbolique obélisque d'Axe ramené d'Éthiopie par Mussolini.

"Le spectacle et la création ne peuvent pas se couper de la réalité. Être engagé dans un projet de territoire, dans un quartier populaire sans mettre les questions de justice, d'égalité, de pouvoir, de violence et de religieux au centre des préoccupations, serait un contresens", Thierry Falvisaner.
En tout cas, dans "Vaincre à Rome", de contresens, il n'y en a aucunement. Tout est fusionnel dans cette représentation théâtrale, et ce, à tous niveaux.

C'est un bien beau spectacle que le binôme Falvisaner-Coher nous propose. Leurs noms riment et sans doute était-ce déjà là une prémonition subliminale.

Courez, vous aussi, de la Manufacture intra-muros jusqu'au château de Saint-Chamand ! Vous mettrez certainement moins de 2 h 00. Ou prenez la navette, mais surtout ne ratez pas ce magnifique hommage à Abebe Bikalé dont la victoire impensable dépasse les seuls 42 kilomètres et 195 mètres.

"Vaincre à Rome"

© Jérôme Grelet.
© Jérôme Grelet.
Texte : Sylvain Coher.
Mise en scène et scénographie : Thierry Falvisaner.
Avec : Thimothée Ballo, Thomas Cerisola, Ganne Raymond, Thierry Falvisaner et Adrien Chennebault (musicien percusionniste en live).
Création vidéo : Matthieu Étignard.
Construction décors : Jérôme Perez Lopez.
Costumes : Paula Dartigues.
Par la Compagnie Théâtre Charbon.
Durée : 1 h (1 h 50 trajet en navette compris).
Tout public à partir de 9 ans.

•Avignon Off 2023•
Du 7 au 24 juillet 2023.
Tous les jours à 17 h 30. Relâche le mercredi.
Théâtre La Manufacture, Château de Saint-Chamand, RV navette au 2, rue des Écoles, Avignon.
Réservations : 04 88 60 12 32.
>> lamanufacture.org

Ce spectacle est accompagné depuis 2021 par la direction de la Culture de Paris 2024 et est labélisé "Paris 2024" en lien avec les valeurs olympiques. L'ambition culturelle de Paris étant de transmettre et révéler des talents artistiques et sportifs, provoquer des rencontres inattendues entre le sport et l'art ou créer des interactions entre le public, les athlètes et les artistes).

© Clodelle.
© Clodelle.

Brigitte Corrigou
Vendredi 21 Juillet 2023

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Comment dire l'indicible, comment formuler les vagues souvenirs, les incertaines sensations qui furent captés, partiellement mémorisés à la petite enfance. Accoucher de cette résurgence voilée, diffuse, d'un drame familial ayant eu lieu à l'âge de deux ans est le parcours théâtral, étonnamment réussie, que nous offre Miguel-Ange Sarmiento avec "Mon petit grand frère". Ce qui aurait pu paraître une psychanalyse impudique devient alors une parole salvatrice porteuse d'un écho libératoire pour nos propres histoires douloureuses.

© Ève Pinel.
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Puis, entre dans la narration la disparition du grand frère de trois ans son aîné. La mort n'ayant, on le sait, aucune morale et aucun scrupule à commettre ses actes, antinaturelles lorsqu'il s'agit d'ôter la vie à un bambin. L'accident est acté et deux gamins dans le bassin sont décédés, ceux-ci n'ayant pu être ramenés à la vie. Là, se révèle l'avant et l'après. Le bonheur s'est enfui et rien ne sera plus comme avant.

Gil Chauveau
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© Betül Balkan.
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© Philippe Hanula.
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