La Revue du Spectacle, le magazine des arts de la scène et du spectacle vivant. Infos théâtre, chanson, café-théâtre, cirque, arts de la rue, agenda, CD, etc.



Augmenter la taille du texte
Diminuer la taille du texte
Partager
Avignon 2023

•Off 2023• "Le grand départ" La mort, c'est la finale, le sommeil, c'est l'entraînement*

Citer en exergue un artiste vivant – Orelsan – pour en célébrer un autre, également très vivant – Thibaut Gonzalez –, c'est chose faite et c'est terriblement réconfortant. Nous sommes en 2023, je sors de l'Atelier Florentin, il est 21 h 30 environ à Avignon et, rarement, j'ai eu envie de serrer dans mes bras un comédien, à la fin.



© Marie Charbonnier.
© Marie Charbonnier.
La fin, justement ! Parlons-en, tiens. Entre les vivants et les "presque morts", il n'y a qu'un pas. Un pas que franchit à nouveau Philippe, interprété par ce comédien, extrêmement doué.

En effet, une nouvelle fois, Philippe est appelé au chevet de sa mère – Irène – (qu'on ne verra jamais, mais qui semble si réelle) pour organiser sa "veillée" de presque disparue. Elle n'est pas morte, mais sent poindre sa fin.
Bien !

Le fils respecte la mère, accepte d'organiser une nouvelle fois ce qui s'apparente plutôt à une réunion de famille. Une réunion de "mise au point".
Sans point.

Plutôt des points de suspension.
Ces trois points que l'on pose à la fin d'une phrase, laissant le lecteur imaginer la suite. Ces choses qu'on aimerait dire depuis des décennies à ses parents, ses enfants… et qu'on laisse en suspens, privilégiant la fuite.

© Marie Charbonnier.
© Marie Charbonnier.
Philippe fuit quelque chose ou quelqu'un. Il ne provoque aucune empathie. Il déboule chez sa mère tel un "adulescent" au mal-être désarmant. Il parle, beaucoup, enchaîne les reproches, les plaintes. Il ne sourit pas ou alors très peu. S'aime-t-il ? Aime-t-il ? Je ne sais pas vraiment, mais, pourtant, il est bien là, encore là, auprès de celle qui l'a vu naître et qui attend le bon moment pour prendre la poudre d'escampette.

Au milieu de tout cela, défilent d'autres personnages et c'est à ce moment précis que ce latin comédien virtuose excelle aussi bien dans le drame que la comédie. Oui, car on rit. Il endosse différents personnages, notamment "Nicolas", le fils de Philippe, un jeune adulte paumé, un peu mou qui, lui aussi, de son père, entend plus de reproches qu'il ne reçoit de gestes d'affection.
Tristesse.

Dire les choses, lâcher ce contrôle et laisser enfin parler le cœur. Leurs cœurs. Trois générations se succèdent sur le plateau (entre autres personnages délicieusement incarnés) et des névroses palpables qu'il serait temps de régler.

Voilà ce que ce "Grand départ" raconte. Nous ne sommes pas vraiment dans un règlement de comptes. Plutôt dans une histoire d'amour où ce mot, si beau, ne parvient pas à trouver sa place, son moment de grâce.
Puis soudain…
Une envolée.

© Marie Charbonnier.
© Marie Charbonnier.
"En ce temps-là je vivais, comme un oiseau sur la branche", Pierre Bachelet.
Spéciale dédicace.

L'oiseau qui s'envole, ce cœur réparé et toute une vie d'amour à célébrer. Il n'est jamais trop tard pour s'aimer. Ces beaux oiseaux que sont Philippe, Nicolas ou Thibaut.
Une prouesse.

Je vous laisse le soin de rentrer un soir, à 19 h 30, dans cette jolie salle de l'Atelier Florentin pour applaudir ce comédien et toute son immense délicatesse.

* Orelsan.

"Le grand départ"

© Marie Charbonnier.
© Marie Charbonnier.
Texte : Thibault Gonzales et Benoit Coulomb.
Mise en scène : Marie Lelong.
Avec : Thibaut Gonzalez.
Avec la voix de Mauricette Gourdon.
Lumières : Sébastien Roman.
Par la Compagnie de la Pépinière.
À partir de 10 ans.
Durée : 1 h 10.

•Off 2023•
Du 7 au 29 juillet 2023.
Tous les jours à 19 h 35. Relâche le lundi.
Théâtre Atelier Florentin, 28 rue Guillaume Puy, Avignon.
Réservations : 04 84 51 07 00.
>> atelierflorentin.com

Isabelle Lauriou
Lundi 17 Juillet 2023

Nouveau commentaire :

Théâtre | Danse | Concerts & Lyrique | À l'affiche | À l'affiche bis | Cirque & Rue | Humour | Festivals | Pitchouns | Paroles & Musique | Avignon 2017 | Avignon 2018 | Avignon 2019 | CédéDévédé | Trib'Une | RV du Jour | Pièce du boucher | Coulisses & Cie | Coin de l’œil | Archives | Avignon 2021 | Avignon 2022 | Avignon 2023 | Avignon 2024 | À l'affiche ter





Numéros Papier

Anciens Numéros de La Revue du Spectacle (10)

Vente des numéros "Collectors" de La Revue du Spectacle.
10 euros l'exemplaire, frais de port compris.






À Découvrir

•Off 2024• "Mon Petit Grand Frère" Récit salvateur d'un enfant traumatisé au bénéfice du devenir apaisé de l'adulte qu'il est devenu

Comment dire l'indicible, comment formuler les vagues souvenirs, les incertaines sensations qui furent captés, partiellement mémorisés à la petite enfance. Accoucher de cette résurgence voilée, diffuse, d'un drame familial ayant eu lieu à l'âge de deux ans est le parcours théâtral, étonnamment réussie, que nous offre Miguel-Ange Sarmiento avec "Mon petit grand frère". Ce qui aurait pu paraître une psychanalyse impudique devient alors une parole salvatrice porteuse d'un écho libératoire pour nos propres histoires douloureuses.

© Ève Pinel.
9 mars 1971, un petit bonhomme, dans les premiers pas de sa vie, goûte aux derniers instants du ravissement juvénile de voir sa maman souriante, heureuse. Mais, dans peu de temps, la fenêtre du bonheur va se refermer. Le drame n'est pas loin et le bonheur fait ses valises. À ce moment-là, personne ne le sait encore, mais les affres du destin se sont mis en marche, et plus rien ne sera comme avant.

En préambule du malheur à venir, le texte, traversant en permanence le pont entre narration réaliste et phrasé poétique, nous conduit à la découverte du quotidien plein de joie et de tendresse du pitchoun qu'est Miguel-Ange. Jeux d'enfants faits de marelle, de dinette, de billes, et de couchers sur la musique de Nounours et de "bonne nuit les petits". L'enfant est affectueux. "Je suis un garçon raisonnable. Je fais attention à ma maman. Je suis un bon garçon." Le bonheur est simple, mais joyeux et empli de tendresse.

Puis, entre dans la narration la disparition du grand frère de trois ans son aîné. La mort n'ayant, on le sait, aucune morale et aucun scrupule à commettre ses actes, antinaturelles lorsqu'il s'agit d'ôter la vie à un bambin. L'accident est acté et deux gamins dans le bassin sont décédés, ceux-ci n'ayant pu être ramenés à la vie. Là, se révèle l'avant et l'après. Le bonheur s'est enfui et rien ne sera plus comme avant.

Gil Chauveau
14/06/2024
Spectacle à la Une

•Off 2024• Lou Casa "Barbara & Brel" À nouveau un souffle singulier et virtuose passe sur l'œuvre de Barbara et de Brel

Ils sont peu nombreux ceux qui ont une réelle vision d'interprétation d'œuvres d'artistes "monuments" tels Brel, Barbara, Brassens, Piaf et bien d'autres. Lou Casa fait partie de ces rares virtuoses qui arrivent à imprimer leur signature sans effacer le filigrane du monstre sacré interprété. Après une relecture lumineuse en 2016 de quelques chansons de Barbara, voici le profond et solaire "Barbara & Brel".

© Betül Balkan.
Comme dans son précédent opus "À ce jour" (consacré à Barbara), Marc Casa est habité par ses choix, donnant un souffle original et unique à chaque titre choisi. Évitant musicalement l'écueil des orchestrations "datées" en optant systématiquement pour des sonorités contemporaines, chaque chanson est synonyme d'une grande richesse et variété instrumentales. Le timbre de la voix est prenant et fait montre à chaque fois d'une émouvante et artistique sincérité.

On retrouve dans cet album une réelle intensité pour chaque interprétation, une profondeur dans la tessiture, dans les tonalités exprimées dont on sent qu'elles puisent tant dans l'âme créatrice des illustres auteurs que dans les recoins intimes, les chemins de vie personnelle de Marc Casa, pour y mettre, dans une manière discrète et maîtrisée, emplie de sincérité, un peu de sa propre histoire.

"Nous mettons en écho des chansons de Barbara et Brel qui ont abordé les mêmes thèmes mais de manières différentes. L'idée est juste d'utiliser leur matière, leur art, tout en gardant une distance, en s'affranchissant de ce qu'ils sont, de ce qu'ils représentent aujourd'hui dans la culture populaire, dans la culture en général… qui est énorme !"

Gil Chauveau
19/06/2024
Spectacle à la Une

•Off 2024• "Un Chapeau de paille d'Italie" Une version singulière et explosive interrogeant nos libertés individuelles…

… face aux normalisations sociétales et idéologiques

Si l'art de générer des productions enthousiastes et inventives est incontestablement dans l'ADN de la compagnie L'Éternel Été, l'engagement citoyen fait aussi partie de la démarche créative de ses membres. La présente proposition ne déroge pas à la règle. Ainsi, Emmanuel Besnault et Benoît Gruel nous offrent une version décoiffante, vive, presque juvénile, mais diablement ancrée dans les problématiques actuelles, du "Chapeau de paille d'Italie"… pièce d'Eugène Labiche, véritable référence du vaudeville.

© Philippe Hanula.
L'argument, simple, n'en reste pas moins source de quiproquos, de riantes ficelles propres à la comédie et d'une bonne dose de situations grotesques, burlesques, voire absurdes. À l'aube d'un mariage des plus prometteurs avec la très florale Hélène – née sans doute dans les roses… ornant les pépinières parentales –, le fringant Fadinard se lance dans une quête effrénée pour récupérer un chapeau de paille d'Italie… Pour remplacer celui croqué – en guise de petit-déj ! – par un membre de la gent équestre, moteur exclusif de son hippomobile, ci-devant fiacre. À noter que le chapeau alimentaire appartenait à une belle – porteuse d'une alliance – en rendez-vous coupable avec un soldat, sans doute Apollon à ses heures perdues.

N'ayant pas vocation à pérenniser toute forme d'adaptation académique, nos deux metteurs en scène vont imaginer que cette histoire absurde est un songe, le songe d'une nuit… niché au creux du voyage ensommeillé de l'aimable Fadinard. Accrochez-vous à votre oreiller ! La pièce la plus célèbre de Labiche se transforme en une nouvelle comédie explosive, électro-onirique ! Comme un rêve habité de nounours dans un sommeil moelleux peuplé d'êtres extravagants en doudounes orange.

Gil Chauveau
26/03/2024